Essai Indian FTR 1200 et S
Née sur la terre, construite pour la route
V-Twin de 1.203 cm3, 120 ch et 115 Nm, 221 kg à sec, suspension Sachs, freins Brembo, à partir de 14.690 euros
Ca devait arriver. Après les deux saisons complètes de suprématie d'Indian Motorcycle dans les courses d'American Flat Track pour son retour à la compétition après une absence de 70 ans - durant laquelle sa moto de course FTR 750 a remporté la plaque #1 deux années de suite, remportant 17 des 18 courses dans la saison 2018 qui vient de s'achever - le plus ancien constructeur de motos américain a presque inévitablement lancé une déclinaison de série de cette moto qui a remporté le titre.
Clairement inspiré par la FTR 750 en termes de style et d'ingénierie, le modèle de base de la FTR1200 coûte 14.690 euros pour grimper à 15.990 euros pour la FTR 1200S, en fonction des coloris. Révélé pour la première fois lors du salon Intermot en Allemagne, le modèle inaugure une série de Street Trackers de plusieurs autres constructeurs, dont aucun n'a pourtant une aussi riche histoire en matière de succès sur piste qu'Indian. D'accord, Harley avait déjà essayé de la faire une fois avec la XR1200 en 2008, mais rien depuis.
Alimentée par les deux saisons de domination de sa soeur sur piste en terre, le slogan que scande la nouvelle Indian "née sur la terre, construite pour la route", sonne juste lorsqu'on la pilote.
Découverte
Pour le lancement des FTR 1200 / 1200S, le constructeur n'a pas fait les choses à moitié avec une visite du siège de la société mère Polaris à Indianapolis, un roulage exclusif sur les prototypes de pré-production sur les routes du Minnesota et une visite du centre de recherche et développement Indian du Minnesota. Cette dernière a permis de révéler que les FTR n'étaient que les premiers des nombreux futurs modèles Indian qui seront propulsés par le tout nouveau moteur bicylindre en V à 60° de 1.203 cm3 à refroidissement par liquide. Mesurant 102 x 73,6 mm et délivrant une puissance revendiquée de 120 ch à 8.250 tr/min et un couple de 115 Nm (85 lb-pi) à 6.000 tr/min, cette troisième plate-forme de moteur Indian suit de près celui des Chief avec lesquels il partage quelques points, mais surtout celui de la Scout dont il reprend le format global et auquel il sera inévitablement comparé.
Steve Menneto, PDG d'Indian :
C'est un moteur totalement différent de celui de la Scout et je pense que vous pourriez dire que c'est une plate-forme très flexible pour nous. Nous avons beaucoup d'opportunités devant nous avec cette famille potentielle de modèles. C'est excitant de voir comment nous allons étendre Indian au-delà des segments Cruiser / Bagger / Tourer - et le FTR1200 est un exemple parfait de la façon dont cela va se passer. Nous nous concentrons non seulement sur le marché nord-américain, mais aussi sur le fait qu'Indian devienne une marque mondiale. Et pour que nous soyons une telle marque crédible, nous savons que nous devons entrer sur le marché européen avec des motos de qualité, adaptées à ce que les clients de ces pays recherchent.
Ainsi, alors que paradoxalement ce tout nouveau moteur fait ses débuts dans quelque chose d'aussi typiquement américain que le pop-corn, le baseball et la tarte aux pommes, Indian annonce toute une série de motos allant du trail adventure pour rivaliser avec la BMW R1250GS, au streetfighter en passant par le sport-tourer ! Faites votre choix. Menneto et ses collègues du conseil d'administration de Polaris envisagent clairement qu'Indian devienne une marque mondiale et pas seulement un fabricant de motos américaines V-twin modernes, bien qu'excellentes. Et ils ont choisi ce moteur comme plate-forme pour les nouveaux modèles à lancer.
Selon Ben Lindaman, responsable des produits internationaux chez Indian, les travaux sur la nouvelle plate-forme FTR 1200 ont débuté sous le nom de code du projet Apollo en mars 2016, deux mois seulement après le lancement du développement du modèle de course FTR 750; les deux projets étaient donc liés l'un à l'autre depuis le tout début. Au cours des deux dernières années et demie, la FTR 1200 a déjà été testée sur plus d'un million de kilomètres sur piste d'essai et sur des dizaines de milliers de kilomètres réels sur route. Tel une joint venture entre le centre R&D de Polaris à Wyoming, ouvert en 2004 et qui emploie aujourd'hui 675 personnes sur un espace couvert de 275 000 ft²; et la filiale Swissauto (acquise en février 2010), la plupart de ces tests ont été menés par l'ancien pilote de GP 500 Juan Bautista Borja, mais aussi par l'équipe de course Wrecking Crew AFT championne de Flat Track. Voilà la base.
La FTR 1200 comporte un cadre en treillis en acier tubulaire dans lequel le moteur est monté en tant qu'élément porteur, avec un sous-châssis arrière en aluminium et un bras oscillant tubulaire assez long qui pivote avec un amortisseur latéral Sachs (entièrement réglable sur la FTR 1200S). Etriers monoblocs Brembo à 4 pistons et montage radial, jantes de 19" et 18", pneus Dunlop DTR-3 et suspensions Sachs viennent compléter le tableau.
En parallèle d'une vaste gamme d'accessoires dédiés, même le modèle de base intègre un régulateur de vitesse et un port USB en série. Les deux modèles reçoivent également un carénage de moteur en magnésium ainsi que des phares et clignotants à LED.
En selle
Monter à bord de la selle double haute de 840 mm - bien qu'il reste peu de place pour un passager - révèle une position de conduite droite, mais engageante. On se sent posé assez loin en avant sur la moto, ce qui aide à charger le poids du corps même lorsque l'on est assis aussi droit, avec très peu de poids sur les bras. C'est une position qui fatigue assez peu même lorsque l'on commence à conduire fort, avec la large et plate selle d'une seule pièce, le guidon en aluminium ProTaper plat procurant une bonne ergonomie et un effet de levier considérable.
Cette moto sera un compagnon idéal pour les virolos, malgré sa géométrie de direction plutôt conservatrice - la fourche inversée Sachs de 43 mm est réglée sur un angle de chasse de 26,3 °, avec 130 mm de traînée - et un long empattement de 1524 mm. Les repose-pieds sont placés plus en arrière que prévu, mais le résultat donne une position de conduite assez distinctive et assez confortable, avec une vue imprenable sur la circulation en face de vous. Attendez-vous à ce que cette Indian rivalise avec la Ducati Monster 1200 !
Devant nous se dresse un basique compteur analogique avec un écran LCD intégré. Sur le modèle S on retrouve a contrario un tableau de bord numérique à écran tactile LCD personnalisable de 4,3 pouces avec connectivité téléphonique et Bluetooth. Et ce type de tableau de bord commencer à se voir de plus en plus partout.
Une pression sur le démarreur et on se prépare à remonter dans le temps, car le silencieux en acier inoxydable 2-1-2 inspiré du flat track sur le côté droit de la moto est forcément plus silencieux (depuis la norme Euro 4) que ce que beaucoup de personnes qui l'utilisaient sans être ducatiste considéraient comme le meilleur moteur bicylindre en V européen du début du millénaire, le moteur Aprilia RSV Mille. Tout comme un bicylindre en V à 60° et huit soupapes, il combinait une construction compacte avec un large éventail de puissance et de couple, avec comme seul inconvénient sa hauteur, puisqu'il n'y avait pas d'espace entre les cylindres comme sur une Ducati pour positionner les corps de papillon des gaz entre le cylindre en vé, tout en offrant un volume de boîte à air approprié.
Indian a réglé ce problème sur la FTR 1200 en déplaçant le réservoir de carburant de 13 litres vers l'arrière jusque sous la selle, ce qui non seulement abaisse le centre de gravité et offre plus d'espace pour la boîte à air qui se positionne du coup directement au-dessus des deux corps papillon 60 mm Mikuni, mais aide aussi à centraliser les masses en vue de rendre la moto plus agile et plus facile à emmener. Et l'Indian tourne bien, surtout dans les virages serrés et ce malgré son empattement long et ses jantes en aluminium coulé à 10 branches de 19 pouces à l'avant et de 18 pouces à l'arrière équipées de pneus Dunlop DT3-R spécialement conçus pour ce modèle avec une bande de roulement au style Flat Track.
Rich Christoph, Senior Industrial Designer de la FTR 1200 :
Au départ, nous voulions des roues de 19" devant et derrière, comme on fait en American Flat Track. Mais nous n'avons pas pu trouver de pneu arrière de 19" qui convenait, alors nous avons essayé un 17/17, mais ce n'était pas beau. Le choix 19/18" nous a offert le look et la performance.
C'est le cas, mais aux dépens d'un bruit de pneu notable dû à la sculpture de la bande de roulement lorsqu'on roule sur une autoroute, ainsi qu'à une tendance à glissouiller qui fait office de système d'alerte précoce.
En ville
L'embrayage à glissement limité intégré en série sur les deux versions a été configuré pour permettre un frein moteur minimal, permettant ainsi aux étriers Brembo de jouer pleinement leur rôle. L'ABS Bosch est lui aussi en série et désactivable, même s'il n'était pas encore calibré sur nos motos d'essai. Bosch fournit également l'ECU complet avec Ride-by-Wire qui, seulement sur la S, propose le choix parmi trois modes de conduite différents, Sport, Standard et Pluie, ainsi que des systèmes de contrôle de traction et ABS en virage. Soit dit en passant, cet embrayage est très doux : on peut actionner le levier avec juste le petit doigt. Il s'agit d'une moto parfaitement à l'aise en circulation ou en ville et qui ne provoquera donc pas de crampe à la main gauche.
Départementales
Dans les virages plus rapides, la FTR est très rassurante, restant parfaitement en ligne, sans ressentir la géométrie conservatrice qui alourdit indûment la direction. Le guidon ne vacille même pas légèrement entre les mains, comme savent pourtant le faire certains Nakeds rapides à la géométrie de direction imparfaite. Mais dans les courbes rapides à 70 km/h j'ai remarqué qu'il était toujours préférable de passer la cinquième et de passer au moins à mi-régime pour permettre à l'Indian de prendre sa trajectoire sans jamais lever la roue avant, même juste un peu.
Et vous pouvez en effet utiliser ce guidon large pour basculer la FTR 1200 à travers une série de virages plus serrés et plus lents, rapidement et en toute sécurité, même si la machine incite à jouer. Le Señor Borja a très bien fait son travail. Indian et Sachs ont produit ensemble une moto bien équilibrée, où chaque extrémité de la moto fonctionne en harmonie avec l'autre.
Mais la vedette reste ce moteur de 84 kg, soit près de 18 kg de moins que le 1.133 cm3 de la Scout, qui ne produit aucune vibration excessive jusqu'à 7.000 tr/min; c'est alors que vous commencez à sentir un début de vrombissement dans les repose-pieds. Mais pas plus, jusqu'au rupteur calé à 9.000 tr/min et pourtant ce fabuleux moteur demande beaucoup d'engagement et procure des tonnes de puissance et de couple. Notez qu'il peut par ailleurs être bridé d'origine pour répondre aux besoins du permis A2.
Quelques semaines plut tôt, j'avais essayé la FTR750 #1 de Jared Meed, champion du monde l'AAF, au sommet du Goodwood Festival of Speed, avec une envie "S'il vous plait, Indian, mettez ce moteur dans un cadre de streetbike avec des phares et un klaxon!". Eh bien ils ne l'ont pas encore fait, car le FTR 750 reste strictement réservé à la course, mais la 1200 est tout aussi bonne et croyez-moi, ça envoie. A tel point que pendant l'essai, je me suis surpris plus d'une fois à penser :" S'il vous plait Indian, mettez ce moteur dans un trail, un café racer et un streetfighter, s'il vous plait, s'il vous plait... !" avant de découvrir que c'est bien leur intention.
Autoroutes et voies rapides
Ce que je suis sur le point de dire maintenant peut sembler être un compliment détourné, mais ce n'est pas destiné à être ce qu'il est : il reflète davantage l'évolution de la situation dans l'industrie motocycliste américaine, où Indian se place de plus en plus au premier plan. Mais lorsque je conduisais la FTR 1200, j'ai également dû me pincer plusieurs fois pour me rappeler que je conduisais une moto Made in America, car le moteur qui la propulsait paraissait très européen - voire italien.... avec son taux de compression de 12,5: 1, ses culasses à grand débit et un vilebrequin à faible inertie de 10 lb / 4,5 kg de moins que le modèle Scout. Cela permet au moteur de monter rapidement en régime avec une réponse immédiate à la poignée de gaz, ce qui en fait une moto très agressive, inspirée du flat track, si vous le souhaitez. Cependant, il existe également une courbe de couple très plate fournissant de la puissance de manière progressive et prévisible, avec des charges de punch à bas régime. Au pilote de choisir.
Donc, à moins que vous ne vouliez vraiment le faire en sélectionnant le mode de conduite Sport sur le FTR 1200S - c'est exactement ce qui est écrit sur l'étiquette, avec une réponse vive des gaz, une accélération vive et une puissance puissante et intensément vivifiante. En fait, peu importe le rapport,la FTR 1200 répond présent. Vous pouvez accélérer à pleine vitesse en sixième vitesse à partir de 2.000 tr/min sans aucun a-coups de transmission sur toute la plage d'utilisation et il n'y a donc pas besoin de continuer à travailler avec la boîte à engrenages pour que le moteur FTR fonctionne - mais c'est possible. A vous de choisir. L'alimentation en carburant est excellente de la part du calculateur Bosch, ce qui fait du moteur FTR 1200 un bloc moderne, performant et raffiné, avec lequel il est agréable de rouler.
Partie cycle
La suspension Sachs avec son débattement impressionnant de 150 mm aux deux extrémités vous renvoie toutes les informations de toutes les bosses des routes du Minnesota, en particulier via le cantilever arrière. Malgré cela, il n'y a aucune sensation de va-et-vient, même en cas de gros freinage ou d'accélération brusque. Couplé à la masse centralisée fournie par l'architecture de la moto dans son ensemble, l'Indian change de direction sans effort, confirmant une excellente maniabilité globale.
Ben Lindaman :
Nous savions que cette moto allait être principalement utilisée en ville, sur autoroute et sur les routes sinueuses. Nous avons donc optimisé notre suspension, mais nous nous sommes également assurés qu'elle soit capable de prendre plus que de l'asphalte si on le souhaite - elle peut amortir les surfaces rugueuses, les pavés et les ralentisseurs sans pour autant être une moto tout-terrain, mais tout en se maniant avec légèreté en off-road.
Le profil à plat du pneu Dunlop arrière 150/80-18 confère à la FTR une grande stabilité dans les virages, au risque de flirter avec la limite du pneu. La FTR peut prendre 43° d'angle avant que quelque chose ne frotte le sol - heureusement, les deux FTR ont beaucoup plus de garde au sol que la Scout Bobber, qui est actuellement le modèle le plus vendu aux États-Unis devant le Scout et le Chieftain - suffit à vous donner l'impression que le pneu vous parle lorsque vous vous approchez du bord de la bande de roulement lorsque vous prenez des virages serrés lorsque les pavés de la bande de roulement semblent commencer à se tortiller. Je vous entends, je vous entends...!
Freinage
Les disques avant de 320 mm pincés par des étriers monobloc Brembo à 4 pistons à montage radial offrent un bon feeling et sont efficaces pour arrêter les 221 kg de la FTR 1200 (à sec, 1 kg de plus pour la S). Prendre les freins avant en étant sur l'angle ne pousse pas l'Indian à se relever et à partir dans le fossé, comme c'est parfois le cas sur les motos avec une longue chasse.
Confort/Duo
Tout ça, c'est bien, mais ce prototype comportait quelques problèmes comme le rembourrage de la selle assez dur qui a besoin d'être repensé avec une position aussi verticale, ce qui devrait être le cas à en croire les ingénieurs Indian. Installée du côté de l'amortisseur, la béquille latérale est impossible à remonter sans s'érafler la cheville sur le repose-pied et enfin la clé de contact est difficile d'accès à cause du compteur. Des petites choses qui devraient être facilement corrigées avec la version finale.
Consommation
Nous n'avons malheureusement pas eu le temps d'évaluer la consommation en carburant de façon précise lors de ce premier essai. Un test de plus longue durée permettra d'en juger prochainement.
L'essai en vidéo
Conclusion
Conduire la première moto "performante" Indian, qui est également le premier modèle utilisant la nouvelle plate-forme mondiale de la société pour le développement de futurs modèles, était à la fois agréable et impressionnant. Authentique et convaincant, la FTR 1200 est la première d'une nouvelle famille de modèles visant à offrir un attrait mondial, à l'américaine. Je suis impatient de voir ce qui va suivre.
Points forts
- Moteur souple et punchy
- Agilité de la partie cycle
- Accord des suspensions
- Freinage
Points faibles
- Selle ferme
- Position de la béquille latérale
Commentaires
On peut avoir la même en 750 avec 30kg de moins ?
01-11-2018 14:02J'espère que les soudures du cadre sont aussi des prototypes ...
01-11-2018 17:48Parce qu'à 16 000 ¤ ce serait honteux.
Même les HD produites en Inde sont mieux de ce côté là.
Tu as probablement jamais vu de près une Indian sinon tu poserais pas la question, les finitions sont toujours impeccables sur les motos Indian,les chances que ils se mettent à vendre un jour des bécanes avec des soudures médiocres sont vraiment très très petites :)
04-11-2018 20:17Le plus regrettable est qu'on ne voit quasi rien de cette mécanique... Vraiment pas mise en valeur.
05-11-2018 14:32Dommage.