Essai Honda GL 1000 GoldWing
Flatteries de flat
Apparue voici quarante ans (déjà !), la Honda 1000 GoldWing fut le premier mastodonte produit en grande série. Une limousine sur deux roues, ciblant alors une clientèle très... Mautaumobile !
Découverte
Depuis 1972, Honda travaillait à l'élaboration d'une moto typée très grand tourisme, destinée à séduire le marché américain. Le succès considérable de la CB 750 laissait entrevoir des lendemains chantants, restait à rendre l'objet respectable aux motards du Nouveau Monde. Afin d'y parvenir, rien de mieux qu'une machine empruntant beaucoup à la technologie automobile. Shoichiro Irimajiri, chef du projet, après avoir longuement planché sur un moteur six cylindres, jugé à la réflexion trop coûteux et encombrant, opta finalement pour un quatre à plat de 999 cm3, refroidi par eau, à simple arbre à cames en tête commandé par courroie crantée.
Plat comme un béret Basque, boîte de vitesses sous le moteur, distribution par courroie crantée... Le bloc de la Gold Wing est très inspiré automobile ! Mais L'apposition de pare-carters est un investissement indispensable vue la vulnérabilité du moteur...
Parmi les autres raretés de l'époque, frein à disque arrière, réservoir d'essence situé sous la selle (le « faux » bidon cachant le vase d'expansion et un petit espace de rangement), une jauge à essence électrique et un cardan doté d'un amortisseur de transmission. Et pour parfaire l'apparence de sagesse, un « 4 en 2 » aux terminaisons particulièrement ventrues.
Echappement aussi discret que le cardan. Un vrai tapi volant miss Gold Wing !
A sa sortie, Honda la vendait 20.000 francs, soit 2.000 de plus que la 900 Kawasaki, autant dire une fortune, la plus chère, en France, des motos de série...
Des chromes pour affiner la masse, une architecture audacieuse... La GL 1000 Gold Wing a vraiment fière allure !
Bref, une machine imposant le respect
En selle
Le modèle essayé, type K3 de 1978, dispose de quelques modifications par rapport au premier millésime, dont des jantes alu sur lesquelles cinq branches d'acier sont rivetées (type Comstar).
L'instrumentation est enrichie d'un voltmètre et d'un manomètre de température de liquide de refroidissement placés sur le réservoir factice, le moteur a été apprivoisé pour s'avérer davantage disponible en bas, les pots sont entièrement chromés et le cadre a été renforcé.
La console sur le réservoir, nouvel atout de la Gold Wing sortie en 1978...
La selle procure un confort presque bourgeois et le triptyque guidon, repose-pieds, assise, approche l'excellence.
En ville
Le centre de gravité placé très bas grâce au tour de passe-passe du réservoir permet une relative maniabilité eu égard à son embonpoint. Toutefois, 300 kilos de métal ne se déplacent pas sans le moindre effort. La Gold n'est pas l'outil idéal pour se faufiler en agglomération, mais le cardan sait se faire discret et le moteur ne chauffe pas...
Ainsi, en ville, la Gold, malgré son poids, s'en sort pas mal, grâce à son centre de gravité très bas placé...
Sur route
La Gold appréhende la route comme un paquebot l'océan. Proue en avant, rien ne l'arrête. Elle ne fatigue pas son pilote et dispose de suffisamment d'allonge et de couple pour imposer sa carcasse dans toutes les situations. En revanche, elle n'apprécie que très moyennement les brusqueries et s'accommode fort bien des vitesses légales. Attaquer à son guidon paraîtrait presque incongru. Il s'agit d'une limousine et mieux vaut la traiter en tant que telle. Entre garde au sol médiocre, fourche sous-dimensionnée, cadre caoutchouteux et amortisseurs anémiés, inutile d'imaginer taquiner le chronomètre. La tenue de route de la GL 1000 manque de rigueur, offrant même à son pilote quelques tickets de rodéo, dès qu'elle entame d'imprévisibles séances de guidonnages au-delà de 160 km/h...
Ce n'est pas la moto idéale pour attaquer, mais quel confort d'utilisation...
Sur autoroute
Si l'absence de toute protection ne fait pas de la GoldWing une reine de l'autoroute, elle se rattrape par son comportement moteur proche de l'horlogerie suisse. Le flat ne vibre pas, demeure silencieux et semble infatigable. Un confort appréciable si tant est que l'on reste dans le cadre des limitations de vitesse. A plus haute cadence, la moto se désunit et le grand guidon n'arrange pas l'affaire.
En duo
Selle grand confort parfaitement surélevée, barre de maintien, repose-pieds idéalement positionnés, aucun doute le passager est choyé. Et pour parfaire le tableau, il s'avère que la Gold tient mieux son cap avec deux personnes sur le dos ! Naturellement, l'impression de voyager en première classe se trouve renforcée par l'absence totale de vibrations.
La barre de maintien d'origine disparait parfois et pourtant c'est un objet devenu rare car autrefois souvent sacrifiée pour laisser place à un porte-bagages.
Freinage
La bonne volonté des trois disques parvient à tempérer les ardeurs du pachyderme. Sur ce modèle K3, les galettes ont été surfacées d'un alliage différent du premier millésime. Heureusement, les K1 peinaient à s'arrêter en cas de pluie. Cette anomalie fut toutefois très vite rectifiée.
Au final, les deux disques avant ne sont pas superflus pour ralentir les 300 kilos de l'engin !
Consommation
En conservant une allure stable et modérée, les 1000 cm3 de la GoldWing ne dévoreront guère plus de sept litres d'essence pour parcourir cent kilomètres. En cas d'essorage compulsif de la poignée d'accélérateur, en ajouter un de plus.
En pense-bête sur le carter. On ne risque pourtant pas d'oublier la Gold Wing !
Le faux réservoir s'ouvre en trois parties... Mais ne devient pas coffre pour autant, toute la place est déjà prise !
Chronologie
Présentée en 1974 et disponible en concessions l'année d'après, la 1000 GoldWing fut la première moto de série propulsée par un quatre cylindres quatre-temps à refroidissement liquide. Sa carrière s'achèvera fin 1979, fière de ses 4723 exemplaires vendus. Le concept « GoldWing » perdure encore aujourd'hui avec un six cylindres de 1800 cm3 ! En France, la Honda GL 1000 ne connaîtra que peu d'évolutions, des modèles K1 à K2, la K2 disposant d'une paire de porte-casques et d'un graisseur de cardan de plus que sa devancière. La K3 de 78, en revanche, se remarque par ses jantes Comstar, une console d'instruments sur le réservoir, une selle redessinée, un moteur aux nouveaux diagrammes de distribution, d'un cadre renforcé et de meilleurs amortisseurs. Ce millésime perd le kick de secours autrefois caché dans le faux réservoir. Plus rare, une version « LTD Jubilée », barbouillée marron/noir/or, est furtivement sortie en 1976 (300 exemplaires en tout). Une K4 montrera le bout de son phare en 1979, identifiable par des clignotants carrés, une paire de leviers noirs et un nouveau feu arrière. Ce sera la dernière de la lignée, très vite remplacée par la Honda GL 1100 D.
Le modèle à roues rayonnées ne manque pas d'allure non plus !
En cas d'achat
Les pots, fragiles et le plus souvent gangrénés par la rouille, sont devenus introuvables. Par contre, de nombreuses pièces sont encore disponibles dans le réseau. Les échappements sont reconstruits et la navigation internet permet de dénicher l'impossible à travers les clubs, notamment américains, pays dans lequel la Gold rencontra ses meilleurs scores. D'une manière générale, la GL 1000 est une moto fiable, ne pas trop s'inquiéter des volutes de fumée au démarrage, maladie chronique des moteurs aplatis. Gare aux carburateurs, très susceptibles aux réglages et faibles dans leur composition. Il est parfaitement possible de restaurer complètement une Gold, méfiance tout de même, alu et chromes à refaire font vite grimper le prix des travaux...
Côté cote
Le ticket d'entrée se situe autour de 1.500 euros pour un modèle bien pâlot, autour de 3000 pour un exemplaire parfait, jusqu'à 5.000 s'il s'agit de la toute première version état concours.
Conclusion
Le paquebot, maintenu à flot raisonnablement, apporte bien des satisfactions. D'abord l'absence totale de vibrations, le silence de fonctionnement, l'excellent positionnement aux commandes et le confort général à bord. Il convient juste de bien décomposer pour la piloter parfaitement. Une bête à plaisirs si on ne la contrarie pas. Une dame très digne supportant mal familiarités ou plaisanteries grivoises de (double) corps de garde. La belle, d'ailleurs, rencontre un franc succès auprès des plus jeunes toujours prompt à lui laisser la meilleure place. Une première Gold inspire invariablement respect et considération. Cette moto marqua son époque et son aura ne faiblira jamais. Devenue reine en collection, elle peut encore fièrement exhiber sa couronne en roulant quotidiennement.
Points forts
- Tarif encore raisonnable
- Machine historique
- Vraie GT
- Fiabilité mécanique
- Croiseur infatigable
Points faibles
- Tenue de route particulière
- Vrai poids lourd
- Chère à restaurer
- Garde au sol fantaisiste
- Gourmande en consommation
Commentaires
Bonjour, une super bécane dont j'ai disposé plusieurs mois en 1976, je me faisais ch... en ville, c'est pour cela que je m'en suis séparé.
05-02-2022 12:56A présent, à 73 ans elle me refait vibrer et j'en cherche une d'occasion, une K3 si possible.
Amitiés à tous
Jacques, proche de Montpellier ! ;)