Essai Kawasaki 900 Z1 (1974)
900 sang neuf !
Plébiscitée dès sa présentation en 1972, la 900 Z1 Kawasaki est à présent entrée dans la légende…
Un peu d’histoire
Imaginée par Sam Tanegashima, ingénieur aussi brillant qu’opiniâtre, son projet baptisé « N600 » fut entrepris dès 1968. L’idée était de concevoir un modèle phare de 750 cm3, doté de quatre cylindres à double arbre à cames en tête. Il semblerait que tout était prévu pour un lancement en 1969, mais Honda présenta juste avant au monde entier sa CB 750… le chef de projet malchanceux s’est donc remis à l’ouvrage.
Le plan était de faire fi d’un accord informel entre constructeurs japonais, laissant supposer une cylindrée maximale autour de 750 cm3, cubage maximum autorisé aux motocyclistes nippons. Ainsi fut dessinée une 1000 « Madame Plus », devant cracher une centaine de chevaux. Finalement, pour des raisons de fiabilité, l’équipe validera le 903 qui équipera la Z1. « Z » dernière lettre de l’alphabet, « 1 » le tout premier chiffre. En tout cas, le freinage inattendu de Honda aura permis d’observer l’engouement des motards pour ce type de machine et Kawasaki de gaver la chaudière afin de sculpter une riposte magistrale.
Ainsi, le premier proto fut achevé en mai 71, bientôt rejoint par trois autres exemplaires, testés sous toutes les coutures par des mercenaires du guidon, tels Gary Nixon et Paul Smart, fines lames des circuits et régleurs indiscutés. Des efforts consentis aboutira la toute première 900 Z1, d’abord montrée au Canada, puis exposée en Europe à l’occasion du salon de Cologne 1972. Les motards français la découvriront en septembre de cette année-là et devront débourser 14.500 francs (autour de 12.000 euros constants), pour se l’offrir.
D’emblée, la planète motarde tombera en pâmoison aux pneus de cette furie et pour cause…Comparée à la quatre pattes Honda, référence du moment, la Kawa affichait quinze chevaux supplémentaires, 150 cm3 de plus, le double arbre à cames en tête, davantage de couple, vitesse de pointe et accélérations supérieures, des astuces technologiques avant-gardistes et quelques gadgets inédits d’accastillage…
Découverte
Majestueuse et toute de chromes vêtue, il s’agit indiscutablement d’une moto magnifique. Cette sobriété dans une parfaite élégance a su séduire deux générations d’esthètes. Que du bon goût, avec quelques raffinements cachés, tels son système antipollution ou les soupapes traitées pour supporter l’essence sans plomb. Des orientations technologiques plutôt rares à l’époque de sa sortie…
En selle
Pas d’inquiétude pour le fessier, la selle large et confortable vient au secours des rêches suspensions. On se sent vite très conquérant au guidon d’une 900 Kawa, la moto est assez haute et les bras grands ouverts pour agripper le large guidon. La mélodie chantée par les quatre pots suffirait presque au bonheur de chevaucher une telle machine…
En ville
En paysage urbain, les choses se gâtent un peu. La Z1 est plutôt pataude, guère maniable et lourde comme un âne mort. Les manœuvres à l’arrêt exigent d’excellents biceps… Quant aux circonvolutions dans les embouteillages, rien de réjouissant, la Kawa, décidément, préfère les grands espaces…
Sur route
Son épatant moteur permettant des accélérations fulgurantes, la Z1 joue à « saute-voitures » dès la moindre rotation de la poignée de gaz. Sur les départementales bosselées et sinueuses, entre la rudesse des suspensions, freinage faiblard et sa tendance à l’embonpoint, mieux vaut aborder les virages avec circonspection…
Sur autoroute
La tenue de cap permet de taquiner des vitesses passibles aujourd’hui d’entraîner son pilote aux galères pour une dizaine d’années, toutefois en grandes courbes la belle s’agite vivement de la croupe. Par ailleurs, la position bras en croix et torse en avant, n’assure pas un confort de conduite optimal passés les 150 km/h…
En duo
Pas de changement comportemental par rapport au solo; quant au transporté, il appréciera la large et moelleuse selle ainsi que l’arceau de maintien.
Freinage
Rien d’exceptionnel en ce domaine, surtout si le modèle n’a qu’un seul disque à l’avant. Le témoin d’usure des garnitures du tambour arrière est plutôt bienvenu.
Consommation
A allure raisonnable la grosse Kawa n’engloutit que sept litres pour cent kilomètres. La carcasse cravachée elle peut atteindre les neuf litres de sans-plomb 95 ou 98.
L’entretien
Contrairement à Honda avec sa Four sortie hâtivement en 1969, Kawasaki a pris le temps de concevoir une moto fiable et éprouvée. Hormis un entretien régulier et une oreille attentive comme sur toutes les machines de cet âge, la 900 Z est une moto sans soucis.
Quelques points sont tout de même à surveiller comme les suintements d’huile au niveau des carters moteur ou la tension de chaine de distribution. Le déjaugeage de l’huile dans le carter est fréquent en virage et une huile moteur minérale 20W50 est conseillée. Une utilisation du démarreur électrique prolongée est à proscrire sous peine de détruire la roue libre. Enfin, le sifflement du frein à disque à l’avant est sans gravité. Les moteurs Kawasaki Z sont réputés fiables, d’ailleurs c’est en compétition que ce modèle brillera le plus avec de nombreux succès en endurance.
Production
Durant sa commercialisation, la 900 Z a été produite à 130718 exemplaires au niveau mondial. Elle était vendue en 1973 au prix de 14500 F. Sa carrière s’arrête fin 1976 pour laisser place à la Z1000 en 1977.
Chronologie
1973 : Type Z1. Présentée en France en septembre 1972, la première Kawa 900 fut vendue en janvier 1973 sous le N° de cadre Z1F-2952 et N° moteur Z1E-3058. Deux coloris sont disponibles, orange/marron et jaune/vert. Le moteur est de couleur noire mate et les tranches des ailettes de refroidissement sont polies.
1974 : Type Z1A. Coloris marron/orange et vert/jaune. Moteur finition aluminium, décors redessinés. L’ordre des voyants au tableau de bord est différent et un témoin de feu-stop est ajouté dans le compte-tours ainsi qu’un témoin d’usure des garnitures de frein arrière.
1975 : Type Z1B. Coloris bleu ou rouge avec nouveau décor et monogrammes de caches latéraux plus grands. La chaine de transmission secondaire est lubrifiée par une pompe à huile séparée. Le robinet d’essence est de couleur aluminium au lieu de noir et les carburateurs sont modifiés pour des raisons de normes antipollution.
1976 : Type Z900A4. Coloris vert foncé et marron métallisé avec nouveau décor, caches latéraux et monogrammes différents (Z900). De nombreuses modifications sont apportées sur ce dernier modèle dont une nouvelle selle, un nouveau filtre à air, un double disque de frein avant, un bouchon de réservoir d’essence à clé, un nouveau faisceau électrique à trois fusibles, des feux de détresse avec répétiteur sonore des clignotants et des carburateurs plus petits de diamètre 26 mm. La démultiplication secondaire est allongée et les tubes du cadre plus épais.
Identification
- Type Z1 1973 : N° cadre de Z1F-00001 à Z1F-17538, N° moteur de Z1E-00001 à Z1E-17623.
- Type Z1A 1974 : N° cadre de Z1F-20001 à Z1F-47499, N° moteur de Z1E-20001 à Z1E-47497.
- Type Z1B 1975 : N° cadre de Z1F-47500 à Z1F-85648, N° moteur de Z1E-47500 à Z1E-85847.
- Type Z900A4 1976 : N° cadre de Z1F-085701 à Z1F-117060, N° moteur de Z1E-086001 à Z1E-138846.
Côté cote
Evidemment les prix s’envolent. En effet, la Z se négocie au même tarif qu’en 1973, hélas plus en francs, mais en euros, pour un modèle restauré dans les règles de l’art il faut donc le plus souvent débourser 15.000 €….
En cas d’achat
Dénicher une 900 Z sortie de grange complète, d’origine et à un prix correct devient très difficile. La prudence recommande d’éviter les motos incomplètes, trafiquées, en piteux état où la restauration en configuration d’origine s’avèrera compliquée, onéreuse, voire utopique. Jusqu’en 76 et sa disparition du catalogue, la Z vivra sa vie comme les motos des années 70, souvent greffée d’accessoires inutiles, ou affublée d’un quatre en un, amputée ainsi de son magnifique quarteron de pots chromés. Il est devenu difficile d’en trouver une aujourd’hui complète et dans son jus. Heureusement, la restauration reste très possible, la majorité des pièces étant trouvable, comme pour tout mythique engin. La moto de cet essai date de 1974 et après réfection totale, on retrouve complètement les sensations distillées autrefois...
Conclusion
Le souffle de son moteur semble toujours étonnamment vigoureux. Idéale pour la balade, enfourcher entre ses jambes plus de quarante ans d’histoire a de quoi hérisser l’échine sous le Barbour. Et surtout, une beauté absolue, pure, l’équilibre parfait entre demoiselle effrontée et bourgeoise établie. Sa plastique tape encore dans l’œil des blanchis sous le casque, mais séduit tout autant les motards de la dernière averse. Tous s’approchent de la belle et désirent posséder la même. Preuve que la 900 Z Kawasaki mérite largement son surnom d’Eternelle…
Points forts
- Performances
- Fiabilité / robustesse
- Esthétique indémodable
- Mélodie des quatre pots
- Moto mythique
Points faibles
- Poids élevé
- Freinage avec les bottes (simple disque)
- Maniabilité à l’arrêt
- Tenue de route aléatoire
- Cote surévaluée
Commentaires
C'est probablement une des motos les plus réussies esthétiquement (le top avec le double disque AV) et mécaniquement. Un excellent compromis, qui est un modèle pour toutes les motos, y compris d'aujourd'hui.
26-05-2014 14:55Il y avait de belles occasions à faire au tout début des années 80, c'était encore un modèle de référence malgré l'apparition des motos "modernes".