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Essai moto Ducati Multistrada 950 S

Concordance des temps

Quelques générations de motards ont rêvé de la bécane ultime, celle qui s’adapte au contexte et à l’humeur, aux besoins et aux désirs. Comme nos aïeux ont fantasmé la machine à laver, l’eau courante et la télévision. La Ducati Multistrada 950 S émane de ce vieux rêve. Elle exhibe son « S » comme l’autre le revendique en rouge sur son large torse moulé dans sa combinaison. Elle est une sorte de super héros de la moto, comme toutes les grosses cylindrées contemporaines. La S se distingue de la Multistrada 950 par son package électronique issu de la Multistrada 1260. Modes moteur programmables, suspensions pilotées, tableau de bord adapté à la luminosité, contrôle de traction aux modes variés, une foule d’acronymes vient nommer ces assistances électroniques dont l’unique but consiste à se définir une moto personnalisée, sur la base d’une routière, plus que d’un trail. Parce que, malgré les apparences, trompeuses, la Multistrada 950 ne se pose pas vraiment en concurrente des Honda Africa Twin, Triumph Tiger 800 XCx ou BMW F 850 GS. Ah bon ? On vous dit pourquoi, même si la marque rouge essaie de nous faire croire le contraire. Essai du côté de Valence...

Essai de la Ducati Multistrada 950 S

Découverte

Stefano Tarabusi, product manager, chargé de la conception de la gamme, place pourtant la nouvelle Multi 950 S parmi les trails (on dit adventure bikes dans le reste du monde), précisant sa particularité face aux autres : le style et la sophistication. Malgré sa jante avant de 19 pouces et son guidon large, la 950 S n’évoque en rien un trail tel que nous autres Gaulois, pétris de culture Paris-Dakar et autres fantasmes telluriques, l’entendons.

Phare de la Ducati Multistrada 950 S

Bien sûr, son empattement long (1 594 mm) et la chasse importante de son train avant (106 mm) évoquent des dimensions de trail, mais le débattement de ses suspensions (170 mm) n’a rien à voir avec, par exemple, celui d’une Honda Africa Twin 1000 (230 mm pour la fourche). D’ailleurs parmi les évolutions 2019 qui concernent la Multistrada 950, S ou pas S, figurent les nouvelles jantes à bâtons, plus légères de 0,5 kg qu’auparavant et un bras oscillant en aluminium provenant de la 1260 Enduro. On peut aussi opter pour des jantes à rayons, mais c’est 600 euros de plus. Or des jantes à bâtons conviennent mieux à une routière qu’à un trail.

La jante à rayons de la Ducati Multistrada 950 S Touring

Autre signe qui ne trompe pas, parmi la multitude de modes de conduite programmables, on trouve au tableau de bord un mode Track, pour circuit… Bref, c’est une Ducati, avec de l’asphalte dans le sang. Mais le segment des trails, en pleine maturation, très concurrentiel, oblige les principaux constructeurs à en être. Chacun à sa façon. Particularité aussi de la 950, son niveau de finition élevé et notamment son superbe silencieux d’échappement étroit, complètement intégré à la ligne.

Ducati Multistrada 950 S

Il faut dépenser 2 000 euros supplémentaires pour la 950 S par rapport à la 950 ! 16.490 euros contre 14.490 euros, à cause de son pack électronique. Du gadget ? Si vous aimez l’alphabet et les anglicismes, on vous détaille déjà en quoi consiste le fameux pack :

  • le DSS (Ducati Skyhook Suspension). Les suspensions sont gérées électroniquement et s’adaptent aux conditions de la route, à la conduite, au duo avec ou sans bagages etc. On peut aussi figer un mode parmi ceux préprogrammés car, oui, la liberté reste un principe essentiel (pour le moment…).
  • le DQS (Ducati Quick Shift up & down), un shifter permettant de se passer de l’embrayage pour monter et descendre les rapports (de vitesse…).
  • Le VHC (Vehicle Hold Control), pour éviter de tenir le frein en côte. Un appui prolongé sur la pédale de frein arrière et la moto s’immobilise pendant 15 secondes. Un nouvel appui bref l’immobilise à nouveau pour 15 secondes etc. Rien à voir cette fois-ci avec les rapports…
  • bien sûr le fameux système DTC (toujours rien à voir avec les rapports…), pour Ducati Traction Control, préside aux destinées du pneu arrière en contenant ses éventuelles dérobades.
  • la 950 S hérite de même du DCL (Ducati Cornering Lights) : deux feux supplémentaires s’illuminent en fonction de l’angle pris en courbe.
  • un cruise control s’ajoute à la panoplie, utile sur autoroute.
  • cette armée de capteurs est gérée par une centrale inertielle Bosch à 6 axes (hors de question d’évoquer cette fois les rapports !) qui caractérise le Ducati Safety Pack. Sont inclus les différents modes moteur, Touring, Sport, Urban, les degrés d’intervention du DTC et de l’ABS etc. Ducati estime au total une possibilité de paramétrage portée à 400 combinaisons, plus qu’une vie de motard pourrait en souhaiter. Mais le potentiel virtuel suffit à impressionner.

En selle

Retour à la vie réelle. Mon mètre soixante-huit est passé maître dans l’art de juger les trails selon l’accueil qu’ils réservent aux gnomes. La Multistrada 950 S n’est pas très haute pour un trail (840 mm de hauteur de selle, avec possibilité de choisir deux autres selles pour atteindre 820 mm ou 860 mm) mais cette selle et le réservoir sont un peu larges. Au feu rouge, je trouve un appui, un seul et encore sur un demi pied. Le guidon et la selle offrent une position de conduite confortable, mais unique : la forme creusée de la selle empêche de se reculer, de varier sa position en roulant, appréciable après quelques heures de route. On y est quand-même bien à bord de cette Multi ; les commodos se manipulent facilement d’un mouvement du pouce, la bulle se règle manuellement en roulant, d’une main. La moto démarre avec la clé dans la poche, le transpondeur envoie l’autorisation de décollage à la centrale électronique, ne reste plus qu’à appuyer sur le démarreur.

Commodos de la Ducati Multistrada 950 S

Si vous avez encore 1.200 euros en plus, la version Touring Pack (17 638 euros) ajoute deux valises latérales, une béquille centrale et des poignées chauffantes, dernier accessoire dont on se demande pourquoi il est quasi systématiquement en option, comme si on proposait le chauffage en option dans une bagnole neuve… D’ailleurs la 950 S a la bonne idée d’éclairer ses commodos, ce qui devrait être évident pour toutes les motos modernes. On croirait voir les leds de certaines Audi qui offrent un éclairage intérieur des pieds.

La Ducati Multistrada 950 S et le modèle avec le pack Touring

Côté mécanique, le 937 cm3 Testastretta 11° développe 113 ch à 9 000 tr/mn et surtout 9,8 mkg de couple à 7 750 tr/mn. Des valeurs suffisantes pour une moto destinée à nous emmener partout, tout le temps, seul ou à deux, avec la banane ou sans, selon les aléas, les rapports, tout ça… Ce moteur reste en tous points semblable à celui de la 950 et réclame une vidange tous les 15 000 km et un contrôle des courroies de distribution (éventuellement une tension) tous les 30 000 km.
Idem pour le cadre, le nouveau bras oscillant commun aux deux versions et le freinage.

Moteur de la Ducati Multistrada 950 S

Le tableau de bord réclame quelques minutes d’attention pour en comprendre le fonctionnement. La lecture des informations est facile, tout y est, de l’heure à l’autonomie en passant par la température extérieure, la charge de la batterie, la température moteur, la conso instantanée, on pourrait y passer des heures mais la prudence recommande de regarder la route…

Instrumentation de la Ducati Multistrada 950 S

En ville

Le parcours prévu par Ducati débute dans la banlieue industrielle de Valence, Espagne. Premier geste pour la béquille, qui se replie facilement grâce à un ergot bien foutu. Le second va à l’embrayage, très souple, que je ne toucherai pas souvent après avoir fui l’urbanité, shifter oblige. Le moteur, souple, alerte, calé en mode Touring (le mode le plus cohérent), toussote à peine sous 2 000 tr/mn et se soumet avec bienveillance à toutes les rotations du poignet. J’attendais quand-même plus de gouaille à bas régimes, de muscle rond, prometteur. Comme toutes les Ducati, la 950 tire long (on parle là de rapport final…) avec son pignon de sortie de boîte de 15 dents et son moteur réglé pauvre en carburation pour franchir les normes antipollution se conjugue à cette démultiplication finale pour retirer un peu de punch du gros bicylindre à bas et mi-régimes. Ça vaudrait presque le coup d'ajouter une ou deux dents à l'arrière, comme certains modèles de parc presse des années 2000 savaient le faire pour transformer l'impression que l'on avait de la moto.

La 950 S en courbe

Belle surprise en revanche, la maniabilité, malgré le pneu arrière de 170 de large. On la sent favorisée par un judicieux équilibre des masses. L’empattement long aurait pu nuire à la vivacité de la 950 S, il n’en est rien. Elle se faufile et se défile d’un simple désir, avec toujours un grand sentiment de sécurité.

Autoroute

Une bretelle mène à l’autoroute A7, peu chargée en ce lundi matin. Bulle en position haute, la protection au niveau du casque est correcte, ce n’est pas le cas au niveau des épaules. La bulle est trop étroite. Les jambes calées dans les flancs de réservoir, le buste reposé par le confort de la selle et la position droite induite par le guidon, j’appelle les kilomètres à venir à moi. La 950 S possède tous les attributs d’une voyageuse agréable, évidemment avec les valises latérales. Un porte paquet large permet sinon d’arrimer un sac, sans gêner la position du passager.

La Ducati Multistrada 950 S sur voies rapides

La position droite, un peu haute, laisse le loisir d’anticiper les freinages au loin ou les comportements suspects, effet indirect du « trail » mais bienvenu.

Le bi ronronne à 5 500 tr/mn à 130 km/h, l’ordinateur de bord indique une consommation de 5,8 l/100 km, la mathématique se veut rassurante. Chiante comme l’autoroute mais rassurante. J’en profite pour tester le mode Sport, parce qu’un motard s’excite naturellement à la vue de cette invitation. Pression longue sur l’interrupteur du commodo gauche, dans la fonction Menu : la biomécanique propose de bander ses muscles (ça va…), Sport. Sans rien modifier de ma trajectoire banale et rectiligne, je sens les suspensions s’affermirent. Le moteur répond plus franchement à la première sollicitation de la poignée de gaz, sur les premiers millimètres, mais je ne vois aucune différence sensationnelle ensuite entre le mode Sport et Touring, même au-delà de 7 000 tr/mn. En même temps, l’électronique ne peut pas tout ; ça reste un moteur de 937 cm3 avec deux cylindres, deux bielles et huit soupapes.

La Ducati Multistrada 950 S sur route

Départementale

Une autre bretelle, de sortie cette fois, propose de fuir l’ennui des longues bandes planes de l’A7. Des bleds comme Algimia de Almonacid ou Zucaina promettent un piment fin que le gros plat en sauce autoroutier ignore. Les routes rétrécissent, les bitumes se gondolent, les virages s’annoncent nombreux.

Essai de la Ducati Multistrada 950 S sur route

Il me tarde d’en découdre. Voilà typiquement un paysage routier ou tenir une moyenne égale à la vitesse maxi autorisée s’avère impossible. Comme dans les Cévennes ou en Lozère. A la fin de l’escapade (200 km de routes escarpées), le compteur affichera une vitesse moyenne de 64 km/h, sans toutefois s’endormir trop sur le guidon.

La Ducati Multistrada 950 S en virage

La 950 S confirme ce qu’elle laissait deviner. Sa stabilité ne souffre aucun défaut, ses pneus Pirelli Scorpion Trail II n’attirent aucune critique, l’équilibre de la partie-cycle est parfait, carrément. Peu de motos montrent un comportement aussi sain, liant maniabilité et stabilité à merveille, quelle que soit la vitesse. Magie des valeurs généreuses de la géométrie de la partie-cycle et de l’intelligente répartition du poids et de la qualité des suspensions pilotées (fourche Kayaba et amortisseur Sachs). La position de conduite convient là aussi très bien, je guide la moto depuis les repose-pieds et lui précise la direction depuis le guidon, pas trop large, aux dimensions idéales, sans jamais fatiguer.

La Ducati Multistrada 950 S dans les virages

Le moteur file la même docilité, mais je lui aurais préféré là encore plus de peps à bas et mi-régimes. Sous 6 000 tr/mn, sur petite route, il est efficace mais pas sensationnel. Ducati promettait une plage de couple large, 80% du couple entre 3 500 et 9 500 tr/mn, je n’en ai pas du tout l’impression. Pour un presque 1 000 cm3, il demande à être cravaché pour en tirer quelque émotion digne de l’Italie. Il pousse fort, là n’est pas le problème, mais manque un peu de charisme. Or une Ducati s’estime aussi par son accent rocailleux, fort en goûts.

La Ducati Multistrada 950 S en courbe

Partie-cycle

La 950 S intègre donc le cercle assez fermé des partie-cycles réussies, homogènes et performantes. A mes yeux, une bonne moto, c’est un train avant rassurant. Je ne déteste rien tant que les trains avant lourds, qui donnent la sensation d’emmener la moto vers l’intérieur du virage, ou les trains avant trop légers, frétillants. La Multi du jour a su s’intercaler à la perfection entre ces deux extrêmes. Son train avant est sûr, précis, avenant sans être léger. Sur le mode Touring, les suspensions peuvent commencer à se dandiner subrepticement quand on commence à faire le cochon en virage, mais elles préviennent par leur mouvement progressif. La compression et la détente hydrauliques s’ajustent en permanence aux imperfections de la route et au rythme du pilote, grâce à leur assistance électrique commandée par le boîtier cenral, sans jamais perturber la sérénité naturelle de la partie-cycle.

Fourche de la Ducati Multistrada 950 S

Freinage

Devant, de part et d’autre de la jante, deux disques de 320 mm se retrouvent pincés par des étriers Brembo M4 à fixation radiale, bref, des agents d’arrêt intraitables. Derrière, c’est un disque de 265 mm qui fait office et l’avant et l’arrière sont couplés. Le boîtier central, décidément toujours là mais jamais las, calcule la répartition idéale du freinage. Sa puissance ne mérite aucun reproche, je trouve en revanche qu’il pourrait être plus progressif, plus doux à la prise du levier puis de plus en plus consistant. C’est qu’on est exigeant avec une moto à plus de 16 000 euros !

Frein avant de la Ducati Multistrada 950 S

Confort

Après une journée de 300 km, dont l’essentiel sur départementales, aucune douleur particulière, sauf dans les genoux, à cause de jambes un peu trop pliées. Or vu mes courtes pattes, ça peut devenir gênant pour un gabarit d’1m85. La protection, je l’ai dit, est perfectible au niveau des épaules. Mais la position de conduite et la selle ne fatiguent aucune partie du corps qu’elles sollicitent. Il n’est en revanche pas possible de se déplacer sur la selle, dont la courbe prononcée empêche de se reculer.

Selle de la Ducati Multistrada 950 S

Consommation

Si on se fie à l’ordinateur de bord, la consommation moyenne (80 % de départementales, le reste en ville et sur autoroute) serait de 6,4 l/100 km. Mais après 170 km, il a fallu remettre 12 litres, soit une consommation plus proche des 7 l/100 km. Je me dois d’être honnête, je n’ai pas fait personnellement le plein avant de partir, je ne peux donc prétendre que le réservoir ait été rempli jusqu’à ras bord. Il faudra donc vérifier la consommation lors d’un prochain essai.

Conclusion

La 950 S apporte avant tout une plus-value électronique par rapport à la 950 connue jusqu’alors (sortie il y a trois ans). En termes de suspensions, donc de confort et de tenue de route, le gain est indéniable. Je serai plus réservé à propos des modes moteurs, dits Power Modes et de leurs multiples configurations potentielles, dont l’apport en agrément n’est pas dément.

Rappelons que la 950 standard dispose déjà de l’antipatinage et de modes moteurs, aux choix moins variés. Le shifter, propre à la S, est aussi un avantage, tout comme le rappel automatique des clignotants et le flamboyant écran TFT.

La Ducati Multistrada 950 S

En clair, il faut être l’homme ou la femme du XXIème siècle et reconnaître les qualités de ces suspensions pilotées, qui s’adaptent continuellement. Il faut aussi rouler souvent et beaucoup. J’achèterai volontiers une Multistrada 950 pour rouler toute l’année, je suis certain qu’elle m’inciterait à toujours pousser plus loin le kilomètre, mais les 2 000 euros que la S réclame me feraient réfléchir. Franchement, je crois que je les utiliserais pour raccourcir la démultiplication d’une 950 standard et lui offrir un silencieux d’échappement plus bavard.

Points forts

  • Tenue de route
  • Qualité des suspensions
  • Homogénéité de la moto, en tant que routière
  • Maniabilité
  • Souplesse moteur
  • Equipement
  • Finition

Points faibles

  • Protection des épaules (en bulle haute et basse)
  • Coffre moteur sous les 5 000 tr/mn
  • Tarif élevé
  • Selle « monoposition »

La fiche technique de la Ducati Multistrada 950 S

L'essai en vidéo de la Ducati Multistrada 950 S

Conditions d’essais

  • Itinéraire: 320 km sous un soleil espagnol radieux, température extérieure de 24° l’après-midi, routes parfois dégradées et poussiéreuses en montagne, dans la Sierra Espadan (paysages magnifiques, avec de grands canyons).
  • Kilométrage de la moto : 300 km
  • Problème rencontré : RAS

Equipements essayeur

  • Blouson Furygan Shield
  • Casque Shoei Hornet ADV
  • Gants VQuattro Mercure
  • Chaussures Vanucci Tifoso VTS4

Commentaires

alain81

Beaucoup trop cher !!!

26-02-2019 19:25 
Coolapix

Bah ça dépend. Pour un camion, c'est honnête...

26-02-2019 20:12 
ludo51

Camion ..... de course !

27-02-2019 00:16 
ber83

Bien, voir très bien, mais un peu chéro et attention au coût de maintenance chez Ducati, elle va faire de l'ombre a sa grande s½ur la 1260 encore beaucoup plus chère, sur la 950, le moteur est déjà largement suffisant a mon avis

01-04-2019 22:57 
 

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Bering