Définition : sportive
Comment la notion de performance est mise en avant par les constructeurs
Revue des troupes avant l'apparition heureuse de la GSX-R !
Voilà une question compliquée : la première sportive de l'histoire de la moto, c'est quoi ? Car avant que l'humanité ne régresse, que la vitesse ne finisse par entrer dans le camp du Mal et que Emmanuel Barbe ne nous explique (sic) que de rouler sur des routes dangereuses, c'est vraiment super pour notre sécurité, la notion de progrès était indissociable de celle de performance et de dépassement de soi.
Tenez, en prenant cette théorie, on peut donc imaginer que le premier marathon de l'histoire de l'humanité ne s'est pas couru sur un champ de bataille en Grèce en 490 avant JC, mais plutôt quelques centaines de milliers d'années avant, quand un Néandertalien qui avait plus la dalle qu'un autre Néandertalien a voulu faire les freins à son confrère pour être le premier à aller tailler un costard à un mammouth qui passait par là et d'avoir l'exclu sur un t-bone format XXXXL.
Dès que le premier véhicule a été produit en deux exemplaires, on a donc forcément trouvé un gus qui voulait aller plus vite que l'autre. C'est comme ça, c'est humain : enfin le genre d'humanité qui a existé avant les RT : pas les grosses BMW (car on peut aussi se tirer la bourre avec elles !) mais le RT, pour Radar-Tronçon. Avec le RT, c'est sûr, tout le monde se traîne à la même vitesse ; c'est beau, l'égalité. Vive le progrès !
Une moto, ça sert d'abord à aller vite !
Que Barbe, Perrichon, Got et La Rédaction ne nous fassent pas une crise cardiaque en lisant cet intertitre (en même temps, ça nous ferait des vacances), mais c'est un fait. La vitesse est un état d'esprit et l'esprit de compétition a marqué l'histoire de la mobilité. Si l'on fait remonter la première moto à 1894, alors il est intéressant de noter que la première course de moto eut lieu en 1895 et que le Tourist Trophy de l'Île de Man se tient depuis 1907, quasiment sans discontinuer.
Le seul truc, c'est qu'il n'existe alors pas vraiment de "moto de sport" : il existe des "motos avec lesquelles on fait du sport", nuance. Du coup, on pourrait ergoter pendant des millénaires : est-ce que la Norton à moteur Peugeot, qui a gagné le premier TT de l'histoire, c'est-elle la première moto sportive ? Oui : elle a gagné une course. Non : votre arrière grand-mère a probablement acheté la même et c'était en réalité une moto de série, peu modifiée.
Tout repose donc sur une double question, à la fois de référentiel et aussi de lien de proximité par rapport à la machine qui gagne et de sa différenciation avec celle achetée par le tout-venant des motards. Aux États-Unis, par exemple, est-ce que la première sportive fut la Harley-Davidson de Joe Petrali (premier champion de flat track de l'AMA en 1933), ou bien plutôt une XLCR 1000 de 1977, première moto américaine avec trois freins à disques ?
On pourrait alors rétorquer que la Grande-Bretagne, dans les années 50 et 60, a produit quelques monocylindres particulièrement affûtés, chez Velocette, BSA ou même Norton.
Et même avant ça : au tournant des années 30, la Brough Superior dépasse les 100 mph (160 km/h et c'est juste stratosphérique vu le niveau moyen de performances des autos de l'époque et surtout l'état des routes. Rouler à fond avec une Brough Superior, ça devait être très "sport" ! Tout comme frôler les 200 km/h dans les années 40, avec une Vincent Black Shadow !
Ou est-ce alors la Honda CB 750 ? Elle n'avait rien de fondamentalement plus "sportif" que ses concurrentes anglaises, mais avec elle, on pouvait rouler longtemps sans prendre le moteur dans la tronche, même en restant aux alentours de sa vitesse de pointe, un peu plus de 180 km/h ! Car à la fin des années 50, les Sportster et Bonneville n'étaient pas les motos de poseurs d'aujourd'hui : elles étaient aussi achetées par des motards amateurs de performances... et qui aiment bricoler plus que de raison.
Gagner le dimanche, vendre le lundi. Ou pas...
Il impose donc ici de marquer une rupture sémantique et conceptuelle : une moto de sport, ce n'est plus une moto de route. C'est un truc développé exprès avec pour unique but la performance ultime. Et c'est là que la véritable sportive apparaît, pour boucler la boucle : de cette moto de course, on va faire homologuer et dériver un engin qui pourra rouler sur route. En quatre-temps, c'est simple : c'est la Suzuki GSX-R 750 de 1985 qui écrit une nouvelle ère, car dans les années 50, 60 et 70, il n'existe pas de dérivé des motos de GP que l'on puisse s'acheter.
Est-ce suffisant pour la considérer comme la primogénitrice ? Difficile d'être aussi affirmatif : après tout, une Yamaha 350 RDLC puisait sa filiation dans les TZ de course, bien avant les fabuleuses Suzuki RG 500 Gamma, Honda NSR 400 et Yamaha 500 RDLC. Et si on remonte avant, comment trancher : en Italie, par exemple, est-ce que les Guzzi V7 et Ducati 750 Sport ont été développées pour la course, ou est ce qu'on les a suffisamment bien développées pour faire de la course avec ? Va savoir Charles, l'œuf, la poule, tout ça. Par contre, au tournant des années 90, les petites 250 2-temps sont alors ce qui se fait de plus proche d'une vraie moto de course. Si vous en trouvez une belle, n'hésitez pas : on ne fera jamais rien d'aussi pur à piloter.
Parce qu'il faut bien trancher...
Allez, on va lancer trois étapes. Même quatre : niveau zéro, ce sont les monocylindres anglais des années 50, pour le haut rendement mécanique de leur bloc (certes, qui était infernal à démarrer et qui demandait des vidanges tous les 1000 km), à leurs freins à tambour sophistiqués et la précision de leur châssis (comparez une Velocette Venom à une Royal Enfield Bullet des mêmes années et vous comprendrez la différence).
Ensuite, l'an 1 : la CB 750 de 1969 ; rien d'époustouflant dans l'absolu (un petit moteur type bagnole collé dans une moto, Friedl Munch avait fait ça avant avec sa Mammut), mais une combinaison absolument inédite pour l'époque entre un prix raisonnable, une puissance facile et domesticable et surtout, une capacité à ne pas faire exploser le moteur dès que l'on tirait dedans...
Ensuite, ça stagne pendant 15 ans. Certes, on gagne en cylindrée, en puissance, en performances. Kawa Z 900, Z 1000 R, Honda CB 1100 R, ça en jette. Mais elles doivent tout à la CB 750. Même la 900 Ninja, qui introduit le refroidissement liquide est qui est la première sportive à dépasser les 240 chrono. Elle ne révolutionne rien : architecture classique, poids élevé.
D'ailleurs, pour palier aux déficiences et au manque d'innovation des constructeurs, les artisans (Dunstall pour Norton, Godier-Genoud pour Kawa, Egli, Bimota et Martin avec à peu près tout le monde) vont réussir à optimiser des motos de série, non sans légitimité d'ailleurs, puisque Egli, Bimota et Godier-Genoud obtiendront de sérieux résultats en compétition... Mais hélas, leur fin approche et elle est signée Suzuki.
Non, l'an 2, c'est évidemment la GSX-R 750 de 1985 : cadre alu et poids réduit (176 kilos), une vraie fille de la course : ce n'est pas du pipeau, puisque basée sur la GS 1000 d'Endurance, la GSX-R 750 permet à Kevin Schwantz de gagner les 200 miles de Daytona en 1985.
Ensuite, encore, il ne se passe rien pendant 15 ans. Rien de révolutionnaire, cependant. La CBR 900 apporte légèreté et facilité, la première R1 une bonne dose de puissance, les GSX-R 1100 n'en finissent plus de devenir des grosses dindes empâtées dans leur coloris violet et fluo et la GSX-R 1000 de 2000 réveille un peu tout le monde avec une grosse louche de patate supplémentaire.
Et voici l'an 3 : 2009 et à la surprise générale, elle vient d'une marque qui faisait jusqu'à présent des motos de flics. 200 chevaux, une distribution par linguets et surtout, une électronique complète qui rend le tout à peu près contrôlable, bienvenue à la S1000RR. Suzuki et Honda prennent une baffe gigantesque et mettent huit ans à s'en remettre et sortir de la cave, Kawasaki réagit le premier en dotant sa ZX-10R d'un contrôle de traction et d'un ABS race et la R1 se remet au goût du jour dans la foulée, tandis qu'Aprilia ne rate pas le coche avec sa RSV4, qui tient toujours le haut du pavé. Ducati se remet conceptuellement en cause et abandonne le V2 pour sortir l'époustouflante Panigale V4.
Voilà où nous en sommes. Et qu'est-ce qui se profile ? L'ère du compresseur, les amis et c'est Kawasaki qui défriche le terrain avec ses H2. Car même dans l'ère du RT, on ne peut pas arrêter le progrès. Heureusement, d'ailleurs.
Commentaires
la CB 750 a été un vrai choc visuel lorsqu'elle est apparut en boutique.
05-09-2018 09:01dans les concentres une 750 honda était LA moto a avoir, plus tard la 750 gsxr a mit le feu, lorsque tu pilotais cette bécane c'était comme un grand prix, puis la 1100 a permit de rouler a plus de 300 compteur, SANS RADAR, un jour ou je faisait une pointe taqué j'ai vu au loin une tache blanche, c’était une renault 5, j'ai eut l'impression qu'elle était a l’arrêt lorsque je l'ai doublé !
les 250, 350 et 500 genre KR1, RGV, RDLC, RG des années 90 étaient des petites bombes et attaquées forts, a mon avis même les petits 125 2 temps sont a classés dans les sportives.
Gimbert a débuté sur une TZR 125 et aujourd'hui encore il est dans le trio de tète en championnat du monde d'endurance, après avoir couru en grand prix 500.
La première sportive de l'histoire, c'est quoi ?
05-09-2018 11:15[attachment 29720 gladiateurs_4196.jpg]
2 roues, 4 cylindres à échappements séparés (on peut remarquer que les cylindre n°3 est réglé trop riche), 16 soupapes, boîte 3 vitesses, admission d'air forcée à l'avant, pas de traction-control, pas d'anti-cabrage.
Notez que le vert poubelle faisait déjà fureur chez les kékés...
Bin soit on parle pas de la même machine soit on pas les mêmes souvenirs... parce qu'à l'époque les radars étaient déjà existant... 05-09-2018 11:36
Ah ah ah, tout pareil CLEW ! La mienne, pourtant bien tapée, prenait difficilement 280 compteur. Il n'y a guère qu'avec le big bloc 1340 CC de yoshimura que le vieux 11 passait les 300 ! Et les soupapes, les arbres, les bielles et tout le toutim.
05-09-2018 12:36Et les mesta traînaient déjà sur les bord des routes.
Une moto c'est fait pour aller vite ? Merde comment je fais pour avoir du plaisir sur mon sportster 1200 ?
05-09-2018 15:54C'est sur qu'il y a eu un avant et un après avec l'apparition de la 750 gsx r
05-09-2018 16:51c'est le 11 septembre de la sportive,c'est la grotte de Lourdes dans toutes les concessions
Hormis les deux temps,toutes les sportives d'avant rentraient dans la catégorie"enclume"
"La tête dans le compteur" me semble être une définition qui correspond bien aux sportives !
05-09-2018 20:09..moi qui suis presbyte c parfait ! lol
La Manx a jamais été une moto de route. C'était une moto "de course" dès sa conception.
05-09-2018 20:29Une moto de sport, c'est surtout une moto qui demande des efforts pour la ranger.
06-09-2018 09:31Moi je dirais : peu importe la monture, c'est le pilotage qui compte... Et quand on dit "piloter", c'est tout de suite connoté sport ! J'en connais qui conduisent des motos "sportives" et d'autres qui pilotent tout et n'importe quoi, même une Royale Enfield !!
06-09-2018 11:50La prochaine révolution, ce sera une sportive électrique de 150 kilos.
07-09-2018 10:40On sait techniquement déjà faire avec les nouvelles batteries au graphène qui pèsent bien moins lourd que des lithium-ion, avec une autonomie largement supérieure et un temps de charge réduit.
Impressionnant quelle maîtrise et quelle force !
Il faut une sacrée expérience pour réussir à faire cela. 07-09-2018 11:26
L'entrainement est le secret des grands sportifs... 07-09-2018 16:31
Mon Philou, merci pour cette leçon d'histoire qui m'a rappelé bien des souvenirs... Mais je me dois de te contredire : même les RT ne peuvent guérir le motard de sa soif de performances. Avec l'aide d'un GPS ou d'un Coyote, je me cale à 136 km/h "réels" quand c'est limité à 130. La tolérance de 7 km/h étant appliquée sur les voies rapides, même avec les RT (vérifié grâce au PV reçu par un pote précisant la vitesse relevée et la vitesse retenue), ça me permet de doubler plein de monde... lentement, certes, mais le dépassement des autres, c'est encore mieux que le dépassement de soi (profond ça, je vais le garder pour un prochain texte) ! Connard un jour, connard toujours !
07-09-2018 22:05Ha les 250 2T !!! Aprilia, refais nous une RS 250...
08-09-2018 09:46l'équipe Indian en 1909
18-09-2018 23:42[www.google.fr]
Merci pour le lien Commando.
Years before the inaugural beach races, Ormonde/Daytona beach was used for speed records. This Indian did 112mph in 1907
Traduction :
Des années avant les toutes premières courses de plage, la plage d'Osmonde/Daytona beach était utilisée pour des records de vitesse. Cette Indian a atteint 112 mph (près de 180 km/h !!!) en 1907.
Vous vous imaginez à 180 à l'heure sur cette bécane … et sur du sable ?????
19-09-2018 01:32
Merci pour le lien Commando.
Years before the inaugural beach races, Ormonde/Daytona beach was used for speed records. This Indian did 112mph in 1907
Traduction :
Des années avant les toutes premières courses de plage, la plage d'Osmonde/Daytona beach était utilisée pour des records de vitesse. Cette Indian a atteint 112 mph (près de 180 km/h !!!) en 1907.
Vous vous imaginez à 180 à l'heure sur cette bécane … et sur du sable ?????
19-09-2018 01:32
Sur la deuxième photo, on distingue très bien la taille immense de leurs baloches.
02-10-2018 13:44Amusant de déterrer cet article 3 ans plus tard: finalement, nous ne sommes pas à l'ère des compresseurs… Kawa a abandonné la H2.
20-07-2021 13:19On en est plutôt à l'ère d'¤5, et on va continuer un peu à stagner.
Mais après tout, ne sommes-nous pas arrivés à un plafond?
Car maintenant, les machines haut de gamme sont limite inconduisibles sans assistances, tellement elles se sont radicalisées…
La nouvelle ère, en oubliant volontairement l'électrique, ne serait-ce pas les sportives décarénées et équipées d'un guidon droit?
Salut
16-09-2023 02:37La 350 RDLC alias la TZ de route
Un vrai choc
La ducat 500 pantah un autre choc
500 RG gamma la dernière salve...