Comment rouler la nuit et sous la pluie
Taper dans les freins lors d'un freinage d'urgence, prendre de l'angle, est-ce possible ?
Retour d'expérience du stage de conduite sécurité "Pluie et nuit" BMW à Trappes (78)
Qui d'entre vous aime rouler de nuit ? Et qui adore rouler sous la pluie ? Et qui surkiffe les roulages de nuit sous la pluie ? Toc, toc, vous êtes endormis, là, ou quoi ? Je ne vois pas trop de mains levées, au fond de la classe. La raison est simple : la pluie, la nuit, c'est pour beaucoup d'entre nous assez éloigné de la définition du bonheur motocycliste. Route glissante, visibilité réduite sur les obstacles et les pièges de la route, champs de vision nettement plus étroit : tout est là pour vous crisper au guidon, sans même parler du petit filet d'eau qui coule le long du dos et qui va vous humecter les nougats.
L'objectif d'un stage "Pluie et Nuit" est de vous détendre : en moins de trois heures, vous allez vous retrouver à écraser les freins comme un malade, à faire un slalom les genoux sur la selle, ou encore à prendre de l'angle dans un virage sans visibilité. En d'autres termes, à maîtriser votre moto en oubliant que vous roulez sur un bitume détrempé. Étonnant, non ?
Le stage "Pluie et Nuit" fait partie des formations organisées par Team Formation, une société qui propose, en partenariat avec BMW, des stages de conduite. Différentes formules sont proposées, de jour (le Repaire l'avait suivie en 2004 sur une R 850 R) comme de nuit, sur circuit et plateau comme sur route. Depuis 22 ans, cette équipe a accueilli plus de 9000 stagiaires moto lors de formations destinées à des particuliers comme à des groupes (moto club, entreprises et police municipales). Le stage "Pluie et Nuit" coûte 340 €.
La pluie, la nuit, bof...
Si vous n'aimez pas rouler de nuit et si vous aimez encore moins rouler sous la pluie, ce stage est donc fait pour vous. Car le profil des participants est varié : Ludovic, 35 ans, permis moto depuis 2010, s'est fait offrir ce stage comme cadeau d'anniversaire à sa demande, après avoir suivi la première formation de jour. La Rédaction, 56 ans, motard depuis 1987, dont la moto est le seul moyen de transport et qui a déjà eu deux accidents, par sa faute. Ou encore Bruno, 45 ans, permis depuis 1992, qui est là pour mieux appréhender le bitume humide et les ronds-points. Il y a aussi Thomas, permis moto depuis 2012 et qui fait 30 000 km/an sur sa BMW R 1200 GS. Ou encore Joëlle et La Rédaction, qui sont là pour revenir aux fondamentaux et espèrent ne pas tomber durant le stage. Tous ont un point commun : aucun ne déclare aimer rouler la nuit sous la pluie et tous se déclarent un peu crispés dans ces conditions.
Les décrisper : ça va être la mission de Laurent, le formateur de ce soir. Comme la plupart des moniteurs de Team Formation, Laurent est en fait motocycliste dans la Police. Mais ce soir il est venu sans son uniforme et surtout sans son carnet à souches, ce qui le rend déjà plus sympa. Et en vrai professionnel des questions de sécurité routière, Laurent entame le dialogue de manière simple et directe et commence à faire la liste des points clés pour rouler dans ces conditions.
Les conseils essentiels
"Rouler de nuit sous la pluie", explique Laurent, c'est d'abord une question de bon sens. Le principal, c'est d'être détendu". Et commencer par le bon sens, c'est avoir une machine et un pilote en bon état pour aborder cette épreuve.
- Avant de partir, vérifier l'état de sa machine
- Vérifier l'état des feux et la propreté des optiques
- Vérifier que la chaîne est graissée
- Vérifier l'état de ses pneus
- Vérifier le gonflage des pneus : ne pas hésiter à surgonfler de 200 ou 300 grammes, car cela va "ouvrir" les "sculptures" du pneu qui permettront une meilleure évacuation de l'eau
- Ne pas oublier de faire chauffer ses pneus
- Si vous roulez souvent dans ces conditions, faire le choix de pneumatiques dédiés
- Vérifier son équipement, qui doit être chaud et étanche, tout en vous laissant une certaine latitude de mouvement au guidon
- Proscrire absolument les visières fumées
- Porter une chasuble ou un gilet jaune fluo vous aidera à mieux être vu par les autres usagers
Les règles de conduite
La même logique de bon sens s'applique aux règles de conduite. Laurent explique donc que la moto, la nuit, sous la pluie, c'est
- Quand même un peu particulier comme univers !
- Que l'on prend moins de vitesse et moins d'angle
- Qu'il faut éviter les bandes blanches comme la peste
- Qu'il faut éviter tous les obstacles genre plaque d'égout
- Au cas où on ne peut pas les éviter : remettre la moto à l'horizontale en passant dessus, puis remettre de l'angle après
- Que quand la pluie se met à tomber, il faut attendre une bonne heure d'une bonne pluie bien dense pour évacuer toutes les huiles, poussières et résidus de gommes qui remontent à la surface
- Que les bandes "rustine" qui pullulent sur la chaussée et notamment sur les autoroutes vous feront glisser un peu, très furtivement, mais qu'en laissant faire et en regardant loin, ça passe. C'est d'ailleurs la clé de la conduite dans ces conditions : rester fluide et ne pas se crisper
- Que le regard, c'est 90 % de la conduite
- Qu'il est préférable d'enrouler à bas régime pour éviter les à-coups
- Que, dans les ronds-points, il est préférable de se positionner à l'intérieur, la déclivité naturelle emmenant les impuretés vers l'extérieur
- Dans les voies de circulation, éviter la section centrale, bombée, mais suivre les traces des pneus des autos qui auront évacué une partie de l'eau et des résidus
- Que normalement, avec des pneus en bon état, il n'y a quasiment pas de risque d'aquaplanage en dessous de 100 km/h
- Qu'il faut apprendre à "lire la route" : en s'aidant, par exemple, avec les patches réfléchissants des poteaux qui signalent l'extérieur du virage
- Qu'en virage, il faut se positionner pour avoir le regard avec l'angle de vision le plus large possible vers la sortie du virage
Sans les mains !
Après le cours théorique, voici venu le moment tant attendu des travaux pratiques. Team Formation dispose d'une quinzaine de motos (des BMW F 800 R renouvelées chaque année) ainsi qu'un large éventail d'équipements et de casques modulables, dans toutes les tailles. C'est important, car ensuite, nous allons pratiquer de 20 heures à minuit.
L'école de conduite Jean-Pierre Beltoise de Trappes (78) possède plusieurs pistes et la formation du soir prendra place sur un petit circuit (qui se parcourt, au mieux, en troisième) et sur un plateau, avec une alternance constante entre des tours de circuit et des exercices sur le plateau.
Et ça commence fort : on alterne les exercices autour des cônes : les deux mains sur le guidon, mais avec les pieds sur les repose-pieds passager, debout, mais avec la main gauche levée, avec les deux genoux sur la selle ou encore en amazone d'un côté, puis de l'autre : à chaque fois, la logique est la même. Améliorer votre prise en main de la machine et vous concentrer sur l'équilibre, pas sur les conditions de route. Et ça marche, puisque l'on se rend alors compte qu'une simple pression sur un repose-pied, sur le guidon ou sur le réservoir suffit pour faire tourner la machine, sans se crisper. Et il est d'ailleurs impossible de se crisper puisque vos quatre membres ne sont jamais complètement au contact de la moto. On comprend aussi la nécessité du braquage en dessous de 40 km/h et du contre-braquage au-dessus.
Ensuite, ça continue tout aussi fort : Laurent nous fait tourner entre 4 cônes, qui correspondent à un tout petit peu plus que le rayon de braquage de la F 800R. Là, on comprend direct que c'est le regard qui fait tout et si l'on ne va pas constamment chercher des yeux le prochain cône, c'est la perte d'équilibre avec la moto en butée de direction qui vous guette ; la sanction est immédiate.
Fred, sale pervers !
On sait que sous la pluie, les bitumologues s'accordent pour dire que le coefficient d'adhérence est globalement divisé par deux. Comme si cela ne suffisait pas, l'équipe de formation fait appel à un sale pervers. Son nom, c'est Fred et il vient avec son meilleur ami : un camion citerne rempli d'eau et dès que vous passez à proximité, il actionne sa grosse lance et vous vous retrouvez sous un véritable déluge. Et, par exemple, c'est à ce moment précis que Laurent vous demande de déclencher un freinage d'urgence.
Donc, là, résumons : il fait nuit. Par terre, le bitume est trempé. Il brille, il luit. Vous allez devoir passer à 50 puis à 70 km/h, tester un freinage d'urgence avec d'abord uniquement le frein arrière, puis le frein avant, puis les deux.
Juste avant, Fred vous balance des litres d'eau, qui viennent résonner sur votre casque comme quand on passe sous une cascade en hydrospeed. En plus de l'effet de surprise, on n'y voit plus rien. Et pourtant, il faut faire comme si une classe entière de petits nenfants sans gilets jaunes, se mettait à traverser devant vous, dans le noir (bonjour le maître d'école !). Bref, ce n'est plus le moment des questions existentielles. Il faut écraser les freins.
La clé : bien tendre les bras ; regarder loin devant ; laisser faire l'ABS ; se souvenir qu'en dessous de 6 ou 7 km/h, l'ABS ne fonctionne plus et s'attendre à une toute petite glissouillette de rien du tout en fin de freinage. La répétition de l'exercice, puis l'intégration du temps de réaction avec le déclenchement aléatoire au signal lumineux d'un des moniteurs, font que tout ceci devient un automatisme. "C'est mouillé, par terre ?" : voici une question que l'on ne se pose plus.
On est alors chaud pour les dernières épreuves : l'évitement en virage puis l'évitement aléatoire en ligne droite. On se retrouve alors à changer de voie d'un contrebraquage viril, manœuvre qui conclut en apothéose cette soirée pédagogique.
Car la force de cette formation est de vous faire, conformément au pari pris par les formateurs, oublier que vous roulez sur un sol détrempé. Ils vous mettent suffisamment à l'aise, vous font ressentir tout le fonctionnement de la machine lors des ateliers qui s'enchaînent sans temps mort et sans lourdeurs, au point qu'on se concentre sur l'essentiel : la maîtrise de la moto, point final.
Plus d'infos sur le roulage de nuit sous la pluie
- Site : www.conduitesecurite.fr
- Tous les conseils
Commentaires
Top, moi qui cherchait un stage de ce style! Question est il préférable de prendre son équipement ou tout est fourni? Y a t il une caution?
26-10-2016 14:51Finalement, ce qui semble incroyable c'est qu'on est quelques-uns à n'avoir jamais roulé dans ces conditions ... pendant la formation !
26-10-2016 16:17Sur la théorie, beaucoup d'évidences dans cet article ; encore faut-il suivre ces conseils de bon sens au quotidien.
26-10-2016 16:47Pour la pratique, ce doit être autre chose : tout le monde était sur une grosse BMW et tout le monde avait un ABS ?
Merci à vous 3 de ces commentaires
26-10-2016 18:33Oui, tout le monde est en BM avec ABS : l'école renouvelle un parc de F800R chaque année ; les instructeurs ont des R 1200 R, ceux qui veulent peuvent les essayer dans le courant de la soirée... Pour le reste, il faut apporter ses bottes et des gants, casque, blouson et pantalons (étanches et coqués) sont fournis. Et c'est vrai qu'il y a beaucoup d'évidences dans l'article (le moniteur rappelle que la conduite la nuit sous la pluie, c'est d'abord du bon sens), mais pratiquer pendant plusieurs heures sous le regard et les conseils d'un moniteur, ça permet de remettre de l'ordre dans les automatismes. Pour ma part, en fin de soirée, je freinais et je mettais de l'angle comme si c'était pas vraiment mouillé.
Merci de nous suivre en tous cas
Philippe
Excellent article "de saison", plein de bons conseils, et qui donnent envie de s'inscrire. J'ignorai qu'une telle formation existait, c'est vraiment une très bonne idée. Merci le Repaire.
27-10-2016 10:13La pluie ne me dérange pas plus que ça et de plus les bleus sont au chaud , donc je suis plus concentré sur la route et sa circulation.La seule chose qui me fait flipper ,ce sont les ronds points. Sur une chaussée sèche et de jour , je renifle puis je vois ces pu**** de traces de gasoil alors que de nuit .... nada!!! de plus la mixture des deux (eau-gaoil) est fatale . "Expérience" vécue par 2 fois..... et là , tous les stages n'y pourront rien. A quand les goulottes de réservoir de carburant des PL équipées de clapets obligatoires ? on rends obligatoire des tas de choses et de conneries pourquoi pas ça ? Combien d'entres nous se sont vautré dans un rond point .....
27-10-2016 22:12--> Ça, je crois que j'y arriverai si je m'applique !!!
(désolé, elle était un peu facile, je reconnais) 28-10-2016 09:13
excellent article... ça donne envie d'aller faire un tout à Trappes (... de jour et ss le soleil.
28-10-2016 17:08De tps en tps je rentre le soir à la nuit tombée et ss la pluie ... l'horreur j'ai l'impression qu'un 50 cc va me doubler, faut dire que je passe par des ZI à camions avec pompe à mazout près des ronds points.
Ah le pire, j'oubliais >> quand en plus il fait froid avec de la circulation des caisseux un peu préssé
RIKAOUETE77 + 1
28-10-2016 19:20Il est tout à fait incompréhensible que les vieux messieurs de la sécurité rentière n'aient jamais voulu/pu/réussi à imposer juste un connard de bouchon efficace à 2 balles aux fabricants de camions et aux transporteurs ...
Y'a des années, on collait ça sur les pompes ... croyant bien faire, mais en fait on pissait dans les contrebasses. C'est ballot...
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Je me souviens de cet autocollant ; on pourrait le rééditer et le diffuser. Il y aurait des volontaires pour les poser sur les pompes; d'autant qu'il est toujours d'actualité.
30-10-2016 17:37Surgonfler pour ouvrir les sculptures, impossible sur une hayabusa déjà gonflée à 2,9 ! Surtout mes PR2 sans "zizis" à l'ancienne comme les K81 !
23-12-2016 20:59Tout le monde me conseille de dégonfler sur le sec en plein été dans le Var.
Un Vioeux sans ABS et pas prêt pour l'assistanat
Ce qu'on apprend d'abord, sous la pluie principalement, c'est que beaucoup d'aménagements sont scandaleusement aggravants en ce qui concerne l'adhérence ; ce qui passe encore pour un 4 roues ou plus (et n'exclue pas l'amorce de glissade) est pour ceux qui ont moins de 4 roues parfaitement dangereux. La sécurité, soit-disant priorité absolue de beaucoup d'instances et d'édiles, est en fait joyeusement sacrifiée. D'où la nécessité d'apprendre avec précautions avant d'acquérir une vraie maitrise sur le mouillé.
03-01-2017 17:35