Kronik : Retour à l'anormal

L'anarcho-stoïque fronce le nez. Ça pue.

L'anarcho-stoïque en moi fronce le nez depuis quelques semaines. Ça pue. Toute cette histoire pue l'arnaque sémantique. Je m'efforce de relier cet amas de nouvelles.

Je m'attends à lire d'ici peu que ouf ! les puces recommencent à sortir par millions des usines et que le risque d'une pénurie de bidules électroniques est écarté, hourrah ! Z'aviez eu peur, hein ? Je guette dans cette presse grenouille de bénitier la dernière invention langagière de ces discrètes officines qui mettent des expressions idiotes dans la bouche des politologistes qui vantent "le monde de demain". J'ai lu récemment "confinement climatique" : j'ai eu froid dans le dos.

Relis plus lentement. Confinement climatique. Tu la sens venir ? La tête de noeud semi-fonctionnarisée t'expliquera vers 20 heures à quel point c'est "nécessaire" si on veut "éviter" ce péril monté en épingle. Il t'expliquera que ce que l'on a fait jusqu'à présent, c'est bien, mais qu'il faut faire "encore un effort" pendant quelques semaines, quelques mois à peine et "après"... Ah ! "Après". Après sera à nouveau comme avant : joie !

Tout comme on t'a dit que pour sauver l'humanité d'une mort atroce et certaine il fallait te mettre un mouchoir sur le nez et prendre une aspirine sans quitter ta chambre, pour sauver le climat, nous préparent-ils des restrictions sur la consommation d'essence ("rationnement" ? pouah ! quel vilain mot ! non, non, c'est juste un petit effort pour qu'on soit à nouveau "libres" après...), de viande ou de je ne sais quel produit tombé en disgrâce ? Bientôt, la carte kilométrique ? Les départementales payantes "pour sauver la grenouille dorée d'Amazonie" ? La ceinture de sécurité à moto ou le gilet de sauvetage obligatoire par temps de pluie (car oui : on peut se noyer dans 5 centimètres d'eau ; voyez cette étude scientifique en double randomisé) ? Après tout, pour changer les habitudes de la population, il suffit d'attendre que soit morte la génération qui trouve tout cela absurde.

Je prends un café en terrasse au coin de la rue des Godrans, comme "avant". Des moutards, hilares et tout en cris, passent à toute berzingue sur leurs trottinettes et leurs vélos bariolés. Je lis les divagations de l'Agence internationale de l'énergie, qui recommande l'arrêt des explorations pétrolières et gazières, sans toutefois expliquer comment sera trouvé le pétrole nécessaire à la fabrication des composites des pales d'éoliennes, ni par quel miracle on va se passer du gaz des hauts fourneaux pour fabriquer l'acier des radiers des embases.

Je consulte les chiffres de ventes de véhicules "propres" (mouarf !) et constate que la moto électrique fait un bide. Le VAE se vend bien, mais la moto au nucléaire ou au charbon ne part qu'au compte-goutte. Quand je lis que quelques constructeurs de deux roues se penchent sur l'hybride ‒quoi que cela signifie‒ je pouffe : où vont-ils caser les 60 kilos de batteries nécessaires pour avoir un peu d'autonomie ?

Comment vont-ils s'y prendre pour te chiper ton trois-en-ligne et le substituer, sans protestation de ta part, par de l'électrique ? Déjà, Paris se vide de ces engins de mort d'avant 2004, que, naïfs (inconscients!), nous achetions à l'époque. Les forums ronchonnent, mais personne ne se donne la peine de calculer finement s'il l'on gagne quoi que ce soit à mettre au rebut nos bécanes à carbus ‒le courageux candidat serait inaudible, ou alors vilipendé illico : les voies de la Science sont à sens unique.

Parce que bien sûr, nous n'avons "pas le choix" : c'est "inévitable" et "logique". Étrange, cette société où le vertueux empile les interdits les uns sur les autres en un édifice bancal ; mais il faut qu'il tienne, coûte que coûte ! Quelle tête ferions-nous si demain on nous disait de démonter nos plaques d'immatriculation, devenues inutiles ?

Il n'y aurait pas besoin de tendre beaucoup l'oreille pour entendre, près de la tombe de La Boëtie, "ah ! les cons ! les cons !". Il n'a probablement jamais cessé de le répéter, depuis bientôt 450 ans ; mais ces derniers temps il me semble qu'on l'entend plus fort.

Maintenant, il faut sauver la planète ! Tout ceci est très sérieux et il n'est pas question de blaguer sur un sujet aussi grave. L'électrique, c'est l'avenir (voire l'hydrogène). Ils ont tous raison et tous ceux qui disent le contraire ont tort et seront pendus plusieurs fois jusqu'à ce que mort s'ensuive.

Plus d'infos sur les chroniques

• Toutes les chroniques