Kronik : Pourquoi tu n'auras jamais la moto qui te convient

Koud'pied o'Kick est un journaliste professionnel écrivant pour un grand hebdomadaire. Vous le retrouvez chaque mois exprimant son opinion sur un monde qu'il affectionne énormément : la moto, avec un amour immodéré de la controverse, à nul autre pareil.

Ta quête de la moto collant au mieux à tes envies est vaine : aucun constructeur ne te la livrera jamais. Une moto est affaire de compromis industriels, pas de satisfaction de la clientèle.

C'est un privilège réservé aux vieux schnoques : savoir à peu près ce qu'ils veulent. Motardus simplex au stade juvénile s'enflamme pour la dernière nouveauté et vient publier là des déclarations d'amour inconditionnel et éternel qui font pouffer ou tousser les vieux schnoques sus-mentionnés. Car ceux-là savent qu'avant d'avoir essayé longtemps une moto, on ne sait rien d'elle. Les essais des magazines sont trop subjectifs pour être vraiment utiles.

Les constructeurs ne nous aident pas beaucoup. Leur logique est industrielle, diamétralement opposée à la nôtre : vendre le plus cher possible la moto construite pour le moins cher possible. Certains ne doivent pas rouler avec les motos qu'ils construisent : des motos sans génie, juste parfaitement adaptées à leur outil de production. Ce n'est pas ce que nous leur demandons, mais comme c'est tout ce qu'ils nous offrent, on se résigne à prendre ce qu'il y a : des compromis, des cotes mal taillées, des approximations.

Si encore nous savions nous-mêmes ce que nous voulons vraiment. Or c'est très rarement le cas. L'achat d'une moto est un coup d'essai sur la base de critères rarement objectifs. De doctes sociologues l'ont prouvé : Homo sapiens fait des choix irrationnels. Leurs études ont d'autant plus de poids qu'elles ont été réalisées avec la complicité active de la crème de la crème des usines à trous du culs du monde : les étudiants de Cornell, Harvard, Princeton et les autres.

Il n'y a malheureusement pas d'alternative : à part quelques maboules ou très doués, nous sommes condamnés à prendre ce qui nous est vendu à quelques options près. Vues les sommes en jeu, nous abusons d'un autre biais cognitif qui consiste à se convaincre soi-même de la justesse de son choix... et on manque de s'en coller une en descendant d'un trottoir pour cause de selle ou de centre de gravité trop haut, ou on hurle à la vue de la facture de la révision des 40.000 qui impose le remplacement -artificiel- de pièces hors de prix.

Tu peux aller à la « concurrence ». Elle n'existe que dans les rêves d'économistes sortant de ces mêmes usines. La vérité c'est que les catalogues des constructeurs sont interchangeables à de très rares exceptions près -Moto Guzzi, par exemple. Comme ils travaillent sur des volumes beaucoup plus réduits que leurs homologues à quatre roues, leur marge de manœuvre est limitée. Leurs prototypes restent lettre morte, de vains exercices de style. Yamaha avait présenté la Morpho il y a près de trente ans et encore aujourd'hui on crie au miracle quand une bête selle est réglable en hauteur. Les cyniques ricaneront au communiqué de presse extatique qui a accompagné sa sortie.

Il n'y a rien à attendre : ta quête de la moto parfaite est vaine. Ton choix sera toujours affaire de compromis face à des catalogues qui se répondent mais t'ignorent, toi.

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