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Nous rentrons au bercail

L'un après l'autre, nous rentrons au bercail. Qui de là-bas, qui de perpète.

Nous rentrons, des souvenirs plein la tête

L'un après l'autre, nous rentrons au bercail. Qui de là-bas, qui de perpète. Nous rentrons, des souvenirs plein la tête. Des souvenirs qui viennent s'ajouter à la légende de la tribu.

Nous rentrons au bercail (c) photo : Dominika Roseclay
Nous rentrons au bercail (c) photo : Dominika Roseclay

- Et Fifi ?
- Il est revenu dimanche, il m'a dit qu'il passera demain soir. Par contre, il a flanqué sa XJ par terre à l'arrêt sur une plaque de gravillons. Il est furax : son réservoir a pris un pète.
- Ah... zut. Il doit l'avoir super mauvaise après l'avoir toute retapée au printemps.

De week-end en week-end, par vagues, ils rentrent. Ils franchissent la porte cochère avec l'impression de revenir à la maison, de rejoindre leur port d'attache. J'imagine que pour beaucoup, un voyage n'est jamais tout à fait terminé tant que nous n'avons pas béquillé nos machines dans la cour du Bouclard pour y retrouver les potes.

- Gérald a fait une longue virée dans les Dolomites, d'abord côté italien et ensuite côté suisse. Il a poussé jusqu'en Autriche. Il m'a envoyé des photos : ses pneus sont triangulaires à force d'avoir enquillé les virolos.

Fin août et début septembre, c'est le temps des récits, à la faveur du retour des barbecues du samedi soir. C'est tout à fait primitif et instinctif : voici ressuscités les chasseurs préhistoriques racontant autour du feu leurs aventures de traque. La tribu se reforme, les liens se resserrent.

J'éprouve alors une poignante mélancolie à les voir tous rassemblés autour de tables bancales, à siroter un café tiédissant sur des chaises dépareillées : tout cela s'achèvera un jour et je n'y peux rien.

Mon regard glisse de visage en visage. Combien sont fragiles et éphémères ces moments de réunion. Ils tiennent à presque rien : un délicat accord tacite, un subtil ajustement de la persona des uns et des autres autour d'un je-ne-sais-quoi qui vient du fond des âges et qui fait de nous des humains.

- Éric rentre après-demain de deux semaines dans les Pyrénées. Il a fait un stage de trial et aussi un peu d'enduro. Ah ! Et tu as le bonjour d'Andréa qui demande quand tu t'achètes autre chose qu'un scooter.
- Elle ne va pas être déçue quand elle va voir Cachalotte.
- Mouarf !

Les motos rentrent sales, maculées de moucherons et de boue, du sable et de la poussière d'ailleurs dans les recoins du moteur et du cadre. Certaines arborent de nouvelles estafilades sur les valises ou les flancs de carénage.

- T'es pas parti, toi ?
- Ha non, mon pauvre : plus de sous après les vacances d'hiver. Tout a pris 30%, sauf mon salaire. À la place, on a fait un peu de camping pas trop loin d'ici. À l'ancienne, histoire de changer d'air. Mais c'était aussi bien.

Petit à petit, le groupe se reforme. Avant la fin septembre, ils seront tous rentrés, même les retraités. Nous entrerons alors doucement dans la saison morne, avec des bécanes qui traînent deux semaines sur les bancs élévateurs parce que rien ne presse.

- On montait le col de Machintruc à rythme correct, tu vois ? Pas à fond mais sans se traîner non plus. Et là... Ya un mec sur une meule genre supermotard qui m'a passé avec trente bornes de mieux. Ça m'a énervé : j'ai ouvert, mais penses-tu... J'ai rien pu faire. En trois virolos je l'ai perdu. Et après, Madame m'a fait la gueule au motif que je ne l'ai pas attendue : elle n'aime pas quand je la laisse en arrière.

Ce sont les mêmes récits, les mêmes mises en scène, à peu de chose près. Ils ont un rôle très important : renforcer ces liens impalpables ; assurer la cohésion du groupe, sur laquelle notre survie dépendait, naguère.

Mais avant que l'hiver n'arrive, oh, juste avant, nous vivrons les dernières envolées de l'automne, où un rayon de soleil arriéré et un petit douze degrés Celsius le samedi matin nous pousseront à sauter en selle pour quelques balades afin de prolonger l'été.

Avec les copains.

Plus d'infos sur les chroniques

Attention Kronik ! 100% mauvaise foi ! Ceci n'est pas un article ni une brève (voir historique si nécessaire). L'abus de kronik peut être dangereux pour la santé de certains. Ne pas abuser.

Commentaires

big twin

Bonjour,
Le voyage commence dès que la porte est fermée derrière le héros.
Peu importe que la meule soit une 125 ou une gs avec toutes options à te ruiner.
Peu importe que tu fasse le tour du monde ou le tour du département.
Partir, se créer du bonheur, des souvenirs, voilà l'essence du BON voyage.
A chacun ses rêves, ses plaisirs.
Perso j'ai revendu mon gros et ruineux gros cube pour un petit, tout petit 300, LE BONHEUR .😉😉😉

19-09-2023 07:50 
waboo

L'histoire... celle qu'on a vécu, celle qu'on raconte...

Entre amis. Qui savent.

19-09-2023 08:04 
Goupil62

Etre entouré de personnes qui vivent la même passion, eh, les discussions s'élèvent !
Nous aimons raconté nos histoires, anecdotes & parfois, nous les enrobons de détails quelque peu imaginaires.

Les balades, vacances motos, seul, en duo ou en groupe sont le lien qui nous distinguent & nous rapprochent.

Avec les potes, nous continuerons pendant l'automne & les frimas de l'hiver, nous stopperons que si le brouillard est trop épais, la neige, trop dense & le thermomètre, en deçà de 0 degrés.

V à tous

19-09-2023 08:22 
la carpe

Touché ! En plein dans le mille. Merci Kpok.

19-09-2023 14:18 
Peterpan

Belle histoire de vie !

..ça me rappelle une intervention de Thiefaine lors d un de ses concerts :" Dans le monde qui nous entoure , il faut apprendre à vivre comme des loups solitaires ...mais solidaires entre eux !"

19-09-2023 19:28 
 

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