C'est décidé, j'achète un T-Max

J'en ai marre du Bourgeman, de sa tenue de route approximative et de son moteur vibrant. J'ai repéré un T-Max sur le Coin-coin : c'est décidé, j'achète.

La mise en action de ma personne relève plus du processus géologique que du déploiement de la langue du caméléon en chasse. Cela fait 18 mois que je suis en quête d'un successeur au Bourgeman. Je cherche un véhicule à la fois agile pour me faufiler en ville (donc une 125) et suffisant sur route (donc pas une 125). Je préfère une moto automatique parce que je les trouve reposantes à conduire. Enfin, je voudrais un moteur facile, mais vivant. La réponse est évidente : SH 300 ou Beverly 350.

C'est pourquoi j'ai décidé de m'acheter un T-Max. Logique. Et ça tombe bien parce qu'il y a un modèle 2001 (les tout premiers : carbus, un seul disque à l'avant) avec un kilométrage ridicule pas trop loin de la maison. Il en veut un peu cher : 2.300 euros. Soit. Comme pour Udada, je décroche mon téléphone. Le vendeur m'est d'emblée sympathique ; le phénomène est intéressant : comment une simple voix peut activer la zone "copain !" du cerveau.

Je me retrouve dans un bled à 25 minutes de la capitale des trouDucs de Bourgogne. Pavillons et jardinets. Le T-Max est déjà dehors. Je me gare. Le raffut du Bourgeman a attiré le vendeur. Il a mon âge, à peine plus de cheveux et de grandes mains sèches. Immédiatement, on commence à discuter le bout de gras en faisant le tour des deux scooters. Il m'explique qu'il est en train d'écouler toutes ses motos et que le T-Max est sa dernière ; il a déjà vendu une VFR type RC36 et une Beta 250.

- On va faire un tour ?

Je redoute une réponse négative. Il a un petit sourire gêné. Non ?

- Je n'ai plus rien pour rouler : j'ai même jeté mon vieux casque quand j'ai déménagé l'année dernière. Mais allez faire un tour, il n'y a pas de problème. Je fais confiance.

Hé bé… Je suis impressionné. Surtout pour un T-Max. Je lui laisse quand même les clefs du Bourgeman.

J'enfourche la bécane. Plus haut, bien plus haut de selle que le Bourgeman. Moins de poids et de ballant à l'arrière. J'ai tout de suite l'impression d'une machine beaucoup plus rigide rien qu'en la relevant de la latérale. Guidon cintré comme il faut. Compteurs façon italienne des années 90 -ceci n'est pas un compliment. Je mets un peu de gaz : ça part tout de suite, sans vibrations, mais avec moins de patate.

Ce n'est pas ma moto : je ne fais pas le cornichon. D'autant que la direction est étrangement lourde comparée au Bourgeman. Dans le premier rond-point, il y a des oscillations dans le pneu avant. Ça tourne "carré". Mouais. Je ne connais pas le coin, alors je fais le chemin aller en sens inverse. Forcément, la bulle d'origine protège bien mieux que celle, recoupée, du Burg'. Quand j'appuie sur le guidon, je n'ai pas l'impression que la roue arrière répond à contretemps. Sur les bosses, je n'ai pas ces inquiétantes oscillations. J'aime bien. Par contre, je regrette le "braaapp !" du mono, remplacé par un bruit quelconque.

Je fais demi-tour. J'hésite. Même un vieux modèle de T-Max peut tenter les voleurs, notamment pour les pièces de carénage. Je songe à les échanger pour des éléments endommagés que je dois pouvoir acheter en casse, mais cette solution ne m'enchante pas. De retour chez le vendeur, je fais le tour du scoot un peu plus calmement. J'y trouve la réponse à la tenue de route bizarre en virage : le Bridge' Hoop à l'avant présente des facettes marquées en plus d'être très usé et l'arrière est complètement lisse sur le flanc gauche et très craquelé. Oups-oups. Je remarque aussi un peu partout ces traces de mousse verte caractéristiques des motos qui restent longtemps sans rouler. Il a bien fait 1.000 bornes par an depuis sa sortie d'usine et n'a pas bougé depuis plusieurs mois.

- Vous avez les factures d'entretien ?

Le vendeur soulève la selle puis marque un temps d'arrêt, surpris.

- Elles étaient là. Je les avais mises là quand j'ai déménagé l'année dernière.

Il se gratte la tête.

- Elles sont peut-être au sous-sol.

Il m'invite à le suivre chez lui.

Intérieur propre. Mobilier de grandes surfaces. Déco murale "comme à la télé". Je m’assois et prends une décision : s'il n'a pas les factures d'entretien, je n'achète pas.

Huit minutes plus tard, le vendeur remonte, bredouille. C'est d'autant plus gênant qu'il se souvient avoir mis le double des clefs avec les factures "pour ne pas les perdre". Pas de factures. Pas de double des clefs non plus. Pas bon.

Zut.

Je ne vais pas rouler en T-Max.

Plus d'infos sur les Kroniks

• Toutes les Kroniks