De motard à vélotard

La moto sort rarement : je préfère mon vélo qui fait bzzzz. Je me vélotarise.

Je n'ai plus que quatre kilomètres et demi à faire pour aller à mon nouveau taf'. Autant te dire que la moto sort rarement : je préfère mon vélo qui fait bzzzz. Je me vélotarise.

Un vélo électrique, c'est comme une moto, mais en plus pratique. Pas besoin de m'habiller en cosmonaute SM. Pas besoin de faire gaffe aux bagnoles et aux camions. Pas d'embouteillages. Je change un peu la position du guidon ; je redresse l'angle de mes "cornes" ; je donne un huitième de tour à la fixation de mon porte-bagages. La semaine dernière, je suis passé chez mon vélociste préféré pour commander une paire de pneus moins raides que les enveloppes ultra-anti-crevaison d'origine. On a passé une bonne vingtaine de minutes à choisir la taille, les sculptures, la rigidité des flancs... Va faire ça avec un brêlon, toi !

De la moto, j'ai conservé le sur-blouson et le pantalon de pluie, un "U", mes gants d'été et mes habitudes de conduite : vérifier les angles morts, attaquer les trottoirs avec un angle suffisant pour ne pas perdre l'avant, faire super gaffe aux portières qui s'ouvrent en remontant les files de voitures stationnées, etc. J'y ai ajouté quelques habitudes propres au vélo : ne pas faire peur aux piétons, rouler au pas quand il y a des gamins, ralentir aux abords des portes cochères et généralement ignorer le code de la Route pour adopter le code de la Pédale qui ne comporte que deux articles : "Reste en vie" et "Ne tue personne".

J'ai changé de dimension : 40 Nm et 35 km/h suffisent bien. 20 km/h aussi : il n'y a personne derrière pour me klaxonner quand je préfère rouler lentement. Parfois c'est moi qui double, parfois c'est moi qui me fais dépasser ; de toute façon, on se retrouve tous au croisement suivant.

Je feuillette le catalogue de merdouilles en alu, épais comme un annuaire papier. Il y a des merdouilles pour tout. Des merdouilles à pas cher et des merdouilles à super-super cher pour les super-super snobs. Heureusement, je fais partie de la famille des vélotafistes, donc je pioche dans le bas du milieu de gamme, catégorie "solide et pas trop cher".

Comme chez les motards, les vélotards sont regroupés en familles qui se parlent peu, mais font bloc face aux caisseux ‒encore eux. La famille des routiers, qui circulent sur des machines inconfortables et dépourvues de tout. La famille des vététistes qui en bavent sur bitume avec leurs pneus trop gros, leur démul' trop courte et leurs suspensions qui donnent le mal de mer. Enfin, la famille des vélotafistes, qui regarde les deux précédentes avec un mélange d'amusement et de consternation. Un peu comme quand je gare Lapin-Lap1 entre une 1250 GS et une R1 et que j'adresse à leurs propriétaires respectifs cette question muette : "tu en as parlé à ton psy ?".

Quelques coups de clef plus tard, voilà mon vélotaf' transformé en randonneuse, prête pour un petit piste-cyclable-trip d'une semaine début août au cours duquel ‒exploit !‒ je vais m'aventurer au-delà des limites du département. L'aventure, c'est le banal accompli différemment. Tout doit tenir dans les sacoches arrière : je n'ai pas d'inserts filetés sur la fourche pour répartir mes bagages. La conduite sera plus délicate avec tout ce poids sur l'arrière ‒bah : je roulerai moins vite. Je pourrais remplacer la fourche, mais les modèles en acier de bonne qualité deviennent rares. La démultiplication d'origine tire trop long, donc je vais échanger la cassette avec celle de mon VTC, dont le grand pignon est un 34 dents, contre 28.

Tu t'imagines faire la même chose avec ta moto ? "Pas grave, je vais monter une nouvelle fourche après avoir changé mon étagement de boîte".

Le plus fort, dans l'histoire, c'est que je vais emporter bien plus de bagages sur mon vélo que j'aurais pu le faire sur Lapin-Lap1, pourtant bien noté côté trimballage de barda. 50 litres dans deux sacoches, plus ce que je peux sangler sur le porte-bagages (limité à 25 kilos) et accrocher au cadre entre mes jambes.

Non, non, il n'y a pas de plot-twist à la fin de cette Kronik. Je ne vais pas te révéler que ‒ta-daah‒ je vais prendre livraison dans une semaine de ma nouvelle Arlet Queue Molle, ou d'une Pagéniale dans sa très convoitée version Trabant Edition. A la place, je zieute avec jalousie les 75 Nm des derniers moteurs Bosch Cargo, surtout quand ils sont couplés à une boîte 13 (si, si). En vendant Lapin-Lap1, j'aurai presque de quoi...

Plus d'infos sur les chroniques

• Toutes les chroniques