Canada : la route de Maligne
Moto en Colombie britannique
Malgré la proche présence de la route, la nuit a encore une fois été particulièrement calme. Les nuages accueillent à nouveau cette journée et le gris enveloppe le ciel et le paysage. Tout va de travers ensuite. Le thé se révèle épicé, mais vraiment épicé, avec de la coriandre, de la cannelle et autres épices diverses et variées. Le grille-pain commence par brûler le pain puis refuse ensuite de fonctionner plus de 10 secondes. Le sol colle aux pieds comme s’il n’avait pas vraiment été nettoyé. Il n’y pas d’éponge pour la vaisselle. Et les femmes de chalets sont déjà à l’œuvre ! Les affaires sont rangées à la va-vite dans la moto ; la nuit prochaine est dans un B&B tout proche, bien moins onéreux que ce chalet, malgré son charme. Ce n’est donc qu’un court transit qui va s’effectuer, de quoi déposer les affaires et repartir à vide, avec suffisamment d’espace pour ranger les blousons et autres affaires motos pendant les marches des arrêts de la journée.
Or de la ville, Jasper constitue l’un des plus importants parcs des rocheuses, non seulement en superficie, mais en dénivelé et en importance de la faune : ours, wapiti, moutons des neiges, écureuils, spermophiles… Y rester deux ou trois jours est donc plus qu’une bonne idée, presque un incontournable au Canada pour qui veux vraiment prendre le temps de découvrir le pays et notamment plus précisément ces 10.000 km2.
Peu de route au programme aujourd’hui mais la découverte de la route de Maligne. A deux kilomètres de la sortie de la ville, la route passe par un petit pont de bois au dessus de la rivière pour à nouveau serpenter au sein de la forêt dans la vallée.
Le premier point de vue surplombe au bout d’un parking ombragé la vallée. On devine à plusieurs centaines de mètres plus bas et au loin lacs, forêts et rivière. 5 mn, montre en main.
A seulement 11 km au sud-est de Jasper, ce sont les canyons de Maligne qui accueillent les premiers les voyageurs. Descendu de la moto, il y a 20 mètres à faire pour passer sur le premier pont surplombant le canyon et la rivière Maligne de 50 mètres de haut. Six ponts se succèdent ainsi entre chemin de terre et de pierres lisses pour apprécier les différents points de vue du canyon, avec des angles mais également des hauteurs différentes. Tantôt proche, tantôt lointaine, la rivière offre plusieurs visages… jusqu’au visage de glace pour ceux qui visiteront le lieu en hiver.
Le meilleur est à venir. La route s’enfonce dans le pays, montant et descendant à nouveau, tournant et virevoltant, sans jamais laisser la moindre visibilité en cas de camping-car lent. En fait, c’est encore dans les virages qu’il est impossible de leur faire l’inter et de doubler en presque sécurité.
Les virages plus serrés sont annoncés à force panneaux jaunes et noirs avec une dizaine de flèches d’avertissement et une vitesse conseillée entre 20 et 30 km/h. çà passe toujours facilement au moins au double. Mais c’est aussi là que peuvent arriver les accidents, car les canadiens doublent aussi en virages, habitués à des vitesses lentes… et c’est le choc frontal, cause majeure des accidents dans le pays.
A la sortie d’un virage, le lac Medicine se dévoile tout de bleu vêtu. Pas de place pour s’arrêter en bord de route en dévers… et un parking au virage suivant, caché par les arbres. Le coup de frein est brutal, la moto balance et s’incline violemment pour ne pas manquer l’entrée du parking sur les graviers. Quand je disais qu’un virage pouvait surprendre ! Mais alors que l’on n’est qu’à une centaine de mètres, le soleil a bougé et la lumière n’est déjà plus tout à fait la même. Le lac s’est déjà assombri. La marche s’avère l’ultime chance de retrouver l’angle de vue et la lumière, en descendant au niveau du lac, puis remontant par une pente escarpée et pierreuse. Peine perdue. Les photos sont dans la boite, mais ne rendent pas comme le premier coup d’œil. La mémoire jouerait-elle des tours ? Pour les indiens, ce lac était habité par des esprits qui le vidaient complètement l’hiver pour le remplir à nouveau au printemps. Si personne n’a avalisé la présence des esprits, ce lac de plusieurs kilomètres possède effectivement cette caractéristique singulière de disparaître et réapparaître régulièrement.
La route remonte sur le flanc de la montagne, laissant le lac à sa droite. Pas de barrière, ni de dossé, quelques centimètres de gravillons et le grand saut pour une centaine de mètres plus bas. La route incite au calme et à profiter du paysage… avec raison puisque ce sont quelques bouquetins qui ont tout d’un coup élus domicile au soleil au milieu de la route. Les voitures s’arrêtent dans tous les sens, s’attroupant autour des animaux. Les appareils sortent. Pas un coup de klaxon. Chacun s’affaire à prendre le cliché de voyage des bêtes avachies sur le bitume.
La route continue ainsi le long de lac avant de s’enfoncer dans la forêt. Ses replis sillonnent tout à tour la vallée et la montagne, renouvelant les paysages et les points de vue. Au bout de la route apparaît enfin le lac Maligne, l’un des plus longs lacs du monde avec ses 22 km. Bordé d’épicéas et de sapins, le lac offre surtout de nombreuses randonnées sur une partie de son pourtour ou vers de plus petits lacs voisins. En longeant le lac, on passe au milieu des arbres, marchant sur des pommes de pins miniatures, avec le glacier au fond. En s’enfonçant dans la forêt, le ciel reste toujours visible entre les épicéas aux branches coupées par la neige hivernale.
Il reste encore le canoé (compter $24 de l’heure) ou la croisière d’une heure pour les budgets plus conséquents.
La route est désormais connue et le retour devrait donc être rapide. La poignée droite se serre un peu plus pendant 5 minutes… le temps de tomber sur 3 voitures arrêtées au milieu de la route, sans aucun espace pour le moindre évitement. Le freinage est court et efficace, sans même déclencher l’ABS. L’animal avait été entraperçus un court instant à l’aller, il est cette fois-ci en train de jouer avec ses petits : c’est une ourse et ses deux petits à moins de 3 mètres du bord de la route.
Aucun d’entre eux ne semble faire attention à ce qui devient une longue ligne de voiture. Au fur et à mesure que les animaux avancent, les voitures bougent également doucement. La moto essaye à chaque fois de conserver une voiture entre elle et l’ourse. Les ours sont particulièrement imprévisibles, et plus rapides que les chevaux. La moto est à nouveau la plus vulnérable ici. Il n’en reste pas moins que l’appareil sort aussi regrettant tout d’un coup le zoom dans le top-case pour se contenter du 55 mm. Le moteur reste au ralentis et le cœur tape un peu plus fort. L’ourse se rapproche petit à petit de la route… pour la traverser tout aussi tranquillement. Les oursons la suivent au bout de quelques minutes et disparaissent dans l’ombre de la forêt non éclairée. Quelques appareils essayent encore de percer la légère pénombre pour un dernier cliché et les voitures repartent doucement.
On retrouvera les chèvres sauvages quasiment sur le même spot qu’à l’aller, et le même attroupement de voitures. Il n’y a plus alors qu’à attendre ou descendre de moto pour essayer d’améliorer les prises de vues de l’après-midi.
Le soleil est désormais dans les yeux pour la route jusqu’à Jasper. L’écran pare-soleil du casque est alors indispensable pour arriver à conduire.
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