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Canada : de Fields à Jasper

Moto en Colombie britannique

Field n’est pas connu pour son bon temps paraît-il. Le matin commence encore sous les nuages. Et il fait à peine 5°c. On devine toutefois au sud quelques rayons de soleil qui bercent les montagnes. Pas de chance, nous partons au nord, direction Jasper. Pourtant, les prévisions sont plutôt ensoleillées. De toute manière, il faut avancer. Alors le temps de tasser les bagages dans les valises latérales et de mettre les combinaisons face aux nuages noirs, et la FJR repart.

La portion de route est connue, mais se redécouvre : cascades multiples le long de la roche bordant les fossés, passage de pont, dépassement de trucks (ou l’inverse)… et puis le soleil pointe le bout de son nez. De quoi décider de refaire un tour au lac Moraine, pour voir ce que cela donne sous le soleil. Et puis la route qui y va est vraiment un régal. Est-ce encore une excuse ? Par contre, cette fois-ci il fait beau, et les campings cars, voitures et bus se sont apparemment donné rendez-vous. Cinq cent mètres avant le lac, les voitures sont déjà garées pare-choc contre pare-choc sur le bas côté de la route, quelquefois au risque de ne pas pouvoir sortir du fossé. Le problème ne se pose pas en moto et il est donc possible de se garer dans un trou d’écureuil (souris). Effectivement, le soleil perce cette fois-ci et éclaire le lac pour révéler sa couleur turquoise.

Lac Moraine

Un peu de marche pour monter au sommet d’un surplomb rocailleux permet de compléter les points de vue. Mais l’heure avance vite. Non pas qu’il y ait beaucoup de kilomètres à faire – seulement 230 en théorie – mais de nombreux canadiens nous ont dit avoir mis près de dix heures pour les faire. Les limitations de vitesse ne sont pas en cause, même si elles sont souvent inférieures à 60 km/h, voire 50 km/h, mais le nombre d’arrêts possibles et toutes les marches nécessaires entre les parkings et le point de vue réel. Du coup, chaque arrêt peut signifier jusqu’à 30 minutes et il y a au cumul plus de temps passé pendant les arrêts que sur la route.
La route se reprend donc en sens inverse… remplie de voitures roulant à 30 km/h… quasiment au pas.

Bouchon routier

Mais la route tourne, monte, descend offrant surtout une absence totale de visibilité et rendant tout dépassement quasi impossible. Chaque voiture doublée constitue presque un risque, avec un minimum de temps gagné, perdu dès l’arrêt suivant. On finit donc par rouler au même rythme que les canadiens, tranquillement. Il y a moins de bruit dans le casque et l’on peut admirer le paysage tout à son aise. La passagère peut sortir son appareil et prendre des photos au fil de la route sans risquer le flou du à la vitesse. Mais les moyennes en prennent un sacré coup et il ne faut pas du tout compter sur le même type de moyenne qu’en France.

Icefields Parkway 93

C’est l’Icefields Parkway 93 qui monte vers Jasper avec la double caractéristique de traverser le parc naturel de Banff/Jasper et d’être interdite aux trucks. Y entrer signifie donc tout d’abord montrer patte blanche ou plutôt le pass des parcs. Dès lors, une route magnifique bordée de sapins se découvre et commence déjà à virevolter allègrement de gauche à droite et de droite à gauche dans de grandes courbes.

Icefields Parkway 93

C’est le lac Hector qui le premier se révèle au voyageur au bout de seulement 18 km. Long, étroit et d’un bleu magnifique sous le soleil, il s’étend et se perçoit à travers les sapins où les dégagements tellement régulièrement que l’on s’arrête une fois, puis deux puis trois, pour en reprendre à chaque fois une nouvelle photo, plus ou moins dégagée, sous un angle toujours différent. Pas de marche ici, ni de descente de moto, mais des arrêts réguliers avec sortie du matériel, voire un demi-tour sur la route, car tous les points de vue sont sur la gauche dans ce sens… et l’on roule à droite au Canada !

Lac Hector

Douze kilomètres plus loin, c’est le lac Bow qui se révèle. Plus grand, plus dégagé, il représente l’image typique du lac canadien sur fond de glacier.

Glacier et lac Hector

Une raison qui explique la présence d’un magnifique Lodge au toit rouge le bordant. L’intérieur reprend la grande cabane canadienne, avec murs en bois, cheminée crépitante, lustre en bois de cerfs, tête de caribou et ambiance cosy et chaleureuse. Si ce n’était son prix exorbitant qui nous avait freiné, c’est un lieu presque idéal pour commencer la route panoramique au petit matin après en avoir profité la soirée précédente. Ce peut toujours être une idée, à côté des adresses économiques, de prévoir ainsi une ou deux adresses exceptionnelles, pour les souvenirs.

Du coup, il y a des bancs extérieurs et il est possible également de marcher le long du lac. De quoi en faire plus modestement pour nous, un lieu de pique-nique adéquat. Les sandwichs sortent à peine de leur emballage qu’une attaque concertée de casse noix d’Amérique nous tombe dessus. Plus exactement, ils piquent sur les sandwichs pourtant en mains et leurs ailes frôlent nos visages respectifs. Et le pire, c’est qu’ils ne se lassent pas, jusqu’à ce qu’un autre voyageur ne leur abandonne une partie de son déjeuner. Rarement vu d’oiseau aussi agressif. Hitchcock avait du venir ici avant son film. Mais l’ambiance y est ! Ils n’auront pas les pains ni les muffins !

Rassasiés, la route reprend, continuant ses sinusoïdales à travers les montagnes. Le lac Peyto à seulement six kilomètres de là fait l’arrêt suivant. Ici, il y a un vrai parking car il faut marcher, au moins 500 mètres ! Et çà grimpe en plus ! Et comme il s’agit d’un lac à ne pas manquer, les cars de touristes sont là aussi. C’est à qui monopoliserait le plus longtemps la vue pour une photo, à tel point qu’il est difficile d’approcher les rambardes de bois ! Il est vrai que le lac Peyto est au pied d’un immense glacier et se poursuit ensuite plus loin par plusieurs petits lacs successifs, entrecoupés de forêt, sur fond de montagne abrupte. Et la passerelle qui surplombe le tout de plusieurs centaines de mètres offre une vue en profondeur, à donner le vertige. La patience d’admirer le paysage dans le calme permet de voir quitter avec une joie non dissimulée le car de touristes. Le brouhaha disparaît peu à peu et l’on apprécie alors encore plus à sa véritable valeur le panorama offert.

Lac Peyto

Je pourrai vous parler du glacier Snowbird, du lac Waterfowl qui suivent sur les kilomètres suivants mais il faut faire des choix pour avancer. Et s’il y a un arrêt à ne pas manquer, c’est le Canyon Mistaya. Ici aussi, il faut laisser la moto pour prendre son baron pendant au moins 500 mètres. Un pont de bois surplombe alors un canyon ou se déverse un torrent déchaîné, offrant rapides, remous, jaillissements d’eau dans les entrailles profondes de la roche. Plus loin, le paysage offre une large rivière sur fond de montagne enneigée. Et il faut aller plus loin, au moins à deux reprises, pour monter, remonter, puis redescendre sur la pierre sculptée par les eaux. Après tous ces lacs, ce canyon fait encore apprécier une nouvelle facette de la nature canadienne.

Ici encore, je pourrai vous parler du Saskatchewan crossing, du Lac Glacier, du Mont Amery, du trail Alexandra, des Weeping walls, des Bridal Veil Falls… Cette route mériterait d’être faite en plusieurs jours, voire d’y passer une semaine, pour aller au-delà du voyageur pressé enchaînant lacs, chutes d’eau et rapides comme un tour opérateur. Et si la route doit être faite en une journée, les points essentiels, à ne manquer sous aucun prétexte, au moins, sont faits… si ce n’est encore Icefield.

Champ de glace

Car au milieu de la route, et au plus haut de la route, lorsque l’air se rafraîchit vivement en pleine journée, on se trouve alors au pied du Glacier Athabasca, qui culmine à 3493 mètres. Il fait froid, c’est haut, mais c’est surtout l’occasion de faire un tour à pied ou en snowcoach sur le Glacier. Nous en reparlerons plus tard de façon plus détaillée. Car le soleil commence à décliner et le rythme doit accélérer un peu. De toute manière, une autre journée sera faite sur le Glacier au cours des deux prochains jours et donc l’occasion d’affiner cette portion de route. Et puis la route, jusque là, sinueuse, devient plus droite. Les rivières et les lacs font place à de grandes étendues de pierres ou serpentent quelques cours d’eau. Les nuages de la soirée terminent de plomber le paysage et les cent kilomètres suivant s’avalent finalement en moins d’une heure.

Icefields Parkway 93

Nous sommes presque arrivés à Jasper… de quoi s’arrêter au chalet qui nous accueillera cette nuit : des petits chalets tout en bois, face à la rivière. Le coin cuisine est présent dans le chalet ; un aller-retour rapide à Jasper permettra de remplir le panier pour assurer le dîner, le petit-déjeuner et les sandwichs du midi suivant.

Chalet Jasper

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