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Portrait : David Dumain, des maux aux mots

Victime d'un très grave accident, David Dumain raconte son combat pour la vie

A toute vitesse, l'expérience motarde d'un journaliste pilote

David Dumain, l'auteur d'A toute vitesseA toute vitesse, c’est l’expérience universelle de la vitesse liée à la trajectoire d’un homme.

Qu’est-ce que cela signifie de sceller son sort à celui de la moto et de la passion du sport mécanique ? C’est en substance la réflexion que nous offre David Dumain, survivant de la course et de sa propre passion. Le livre qu’il a offert au monde moto est un témoignage aussi frappant que parlant, l’histoire d’un homme à qui la moto a tout donné, un métier, une passion, des amis, une famille et qui a manqué de lui prendre la vie un jour de septembre 2014 sur le circuit Bugatti. Après des années d’expérience et de multiples participations aux manches du championnat du monde d’endurance, David Dumain s’élançait cette fois aux côtés du champion olympique de saut à la perche Renaud Lavillenie pour une nouvelle édition des 24 H du Mans. Mais les choses ont tourné court pour l’équipe et la vie de David Dumain a bien failli connaître un court-circuit définitif.

Après avoir pris le départ de cette 37ème édition des 24 H du Mans moto au guidon de la Suzuki n°63 du team AZ Motos, David Dumain rencontre un ennui mécanique dans la terrifiante courbe Dunlop. Victime d'une chute à 250 km/h, l'homme s'en sort avec divers traumatismes, mais surtout avec une fracture de la première vertèbre cervicale C1, poétiquement surnommée l'Atlas, du nom de ce géant de la mythologie qui supportait le monde. Une manière métaphorique d'exprimer que cette vertèbre détermine l'ensemble du fonctionnement des membres et qu'une blessure à cette endroit est généralement un présage bien sombre. Mais David Dumain s'est relevé. De sa blessure, mais aussi du poids de tout ce que lui aussi, portait sur ses épaules. Son livre, A toute Vitesse, retrace la trajectoire d'un jeune homme doué pour la vie et la vitesse et qui a frôlé la mort à 250 km/h. Nous l'avons rencontré pour évoquer son livre, la moto, la vie et ce genre de vastes étendues...

Avec Renaud Lavillenie, pendant la convalescenc.Le Repaire des motards : En septembre 2014, suite à un incident mécanique, tu chutes à 250 km/h dans la courbe Dunlop du circuit Bugatti du Mans. Tu as frôlé la mort. Aujourd’hui, tu reviens sur cet accident à travers un livre. Est-ce que l’écriture panse les plaies ?

David Dumain : Oui, je le crois. J’ai commencé à écrire l’épisode de ce grave accident. Ça m’a aidé pour évacuer tout ça. Ensuite, j’ai voulu continuer pour mon entourage, ma famille et mes proches. Tous ceux qui m’ont soutenu dans cette épreuve. En écrivant ce livre, j’ai ressenti la même gêne que lorsque j’ai débuté à moto. Cette impression de me glisser dans la peau d’un professionnel sans en être un. Alors j’ai écrit comme je pilote, en m’y employant à 100%.

Le Repaire des motards : Les dernières pages de ton livre ne posent aucun point final à ton histoire. Est-ce que ça signifie que tu ne tires pas d’enseignements de ton grave accident ?

Le livre de David Dumain, des maux aux motsDavid Dumain : Pour moi, ce livre n’est pas figé et ma vie n’est pas finie. Je voudrais que mon livre évolue chaque semaine. J’ai déjà rajouté un chapitre entre la version commercialisée et les 100 premiers exemplaires que j’ai offert à ma famille. Lorsque les attentats du 7 janvier sont survenus, j’ai voulu reprendre la plume, mais mon livre était déjà bouclé. Après l’accident, il me faut consolider une fracture grave ; et bien c’est la même chose concernant les enseignements que je tire de cet accident, c’est-à-dire que cela a consolidé en moi une manière de voir la vie.

Le Repaire des motards : C’est-à-dire ?

David Dumain : Après mon accident, beaucoup de gens m’ont dit que je n’avais vraiment pas eu de chance. Moi je pense tout le contraire. Je suis tombé dans un des virages les plus rapides du monde, je me suis fracturé la vertèbre cervicale la plus délicate de toute la colonne vertébrale et pourtant aujourd’hui, je peux envisager de mener une existence ordinaire. Alors ce qui est certain, c’est que je ne me plaindrai jamais. J’aurais pu ruminer beaucoup de choses, à commencer par le divorce de mes parents lorsque j’étais enfant jusqu’à la fatalité de cet accident. En fait, je pense que dans la vie, tout est fonction de ce qu’on fait des épreuves que l’on traverse. Je veux à tout prix éviter l’aigreur négative, la chasse aux coupables, les pensées obsessionnelles du genre « pourquoi moi ». Je veux continuer à réussir ou à échouer tout en faisant confiance aux gens.

Le Repaire des motards : Ton livre est aussi une déclaration d’amour touchante à la moto, à qui tu dois pourtant tes graves blessures…

David Dumain : Mais un accident ne remet certainement pas en cause la passion ! La moto reste une formidable école de la responsabilité. Dans le sport comme dans la vie, c’est la prise de risque qui est souvent à l’origine des plus grandes avancées. Sans risque, on stagne. Or aujourd’hui, notre société fonctionne avec la crainte du risque et des conflits. Moi je ne provoque pas de conflits, mais je ne me soustrais jamais d’un duel avec un autre pilote. Le risque nous construit. Intégrer une part de risque, c’est vivre. Vivre avec le risque, c’est vivre. Alors oui, je serai toujours passionné par le sport moto, quoiqu’il arrive.

Le Repaire des motards : Aujourd’hui, la fracture de ta vertèbre n’est pas complètement consolidée. Comment te portes-tu aujourd’hui ?

David Dumain avec l'auteur de cet articleDavid Dumain : Je suis plus fragile qu’avant, plus fragile qu’un autre. Les chirurgiens me disent que cela ne me posera aucun problème de mener une existence normale. Après, pour ce qui est de la pratique des sports à risque, je n’en sais rien aujourd’hui. Cela dépend en partie de l’évolution de ma fracture. Mais aussi de ma propre évolution. En imaginant que je ne retrouve pas mon niveau de pilotage, est-ce que je trouverais encore du plaisir ? De plus aujourd’hui, j’éprouve une appréhension à enfiler un casque consécutive à mon accident. J’ai comme un blocage. Donc la suite dépendra de nombreux facteurs. Mais quoiqu’il arrive, c’est le plaisir de vivre qui me guidera.

David Dumain, A toute vitesse

Aide Mémoires Editions, 18 €

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