Essai moto Yamaha R9
L’Arlésienne est enfin là !
3-cylindre en ligne de 890 cm3, 119 ch, 93 Nm, 195 kg pleins faits, réservoir de 14 litres, 13 999 €
La logique de plateforme a été parfaitement intégrée par Yamaha, qui décline ses mécaniques en de multiples modèles. Prenez son bicylindre en ligne, le fameux CP2, que l’on retrouve au cœur des MT-07, XSR 700, Tracer 7, Ténéré 700 (et ses versions Rally, World Raid, Extreme, Explore, etc.) et de la R7. On attendait à peu près la même chose du très réussi CP3, le 3-cylindres équipant les MT-09 et MT-09 SP, la famille Tracer 9 et les XSR 900 et 900 GP. Mais pour lui, pas de version off-road prévue et un mince espoir de le voir un jour sous un carénage purement sportif. Au point que dans notre petit monde de journalistes moto, celle que l’on baptisait R9 depuis des années faisait figure d’Arlésienne.
Il faut dire que le CP3, apparu en 2014 et qui n’a cessé de se bonifier au fil du temps, a été développé avant tout pour la route. D’où un caractère privilégiant les bas et mi-régimes et des caractéristiques techniques, à l’image de ses carters très larges, qui nous faisaient douter de ses capacités sur circuit. Il suffit de voir, lors du Bol d’Argent, une endurance réservée aux roadsters, à quel point les pilotes Yamaha doivent se débattre pour tirer le meilleur de leur machine face à d’autres modèles pensés dès le début pour être efficaces entre les vibreurs (genre Triumph Street Triple RS ou KTM Duke 990).

Au point que l’annonce officielle de l’arrivée de la R9 nous a presque laissés dubitatifs. De nombreux motards attendent depuis longtemps le retour de sportives à échelle humaine, tant du point de vue de la puissance que du tarif. Honda et Kawasaki l’ont bien compris et réintroduisant dans leur catalogue les CBR600RR et ZX-636 R (avec un joli succès à la clé l’année dernière), mais la R9 sera-t-elle la première vraie sportive mid-size moderne, ou simplement une MT-09 avec un carénage ? Il n’a pas fallu attendre longtemps pour avoir un début de réponse…
L'essai vidéo de la Yamaha R9
Découverte
L’hôtel qui nous accueille semble avoir échappé de peu à la catastrophe qui s’est abattue sur la région de Jerez deux jours plus tôt. Les pluies diluviennes ont balayé les bunkers du golf adjacent, emportant le sable pour le déposer plusieurs centaines de mètres plus loin. Les boxes du circuit ont été inondés, parfois jusqu’à un mètre de hauteur, alors que certains vibreurs et la partie dévolue au long-lap-penalty, dans le virage Lorenzo ont été endommagés. Ceci pour vous expliquer que, 24h plus tôt nous n’étions pas sûrs que le lancement de la R9 serait maintenu. Nous avons un peu l’impression d’arriver comme un cheveu sur la soupe : assister à une conférence de presse quand le personnel est encore en train de réparer les dégâts, c’est un peu délicat. Mais puisque nous y sommes, allons-y.

En détaillant la bête, je suis agréablement surpris, tant par la qualité de finition que par le niveau d’équipement. Commençons par ce qui ne change pas : le moteur. On retrouve le 3-cylindres de 890 cm3 dans sa dernière version (2024). Ne cherchez pas de différences par rapport la MT-09, c’est exactement la même mécanique, seule la démultiplication finale a été allongée (16x43) pour offrir une meilleure vitesse de pointe.

Le cadre en revanche est tout nouveau. Il est à la fois plus léger que celui du roadster (presque un kilo de gagné), mais aussi plus rigide, tant en torsion (+18%), que sur les efforts longitudinaux (+37%) ou latéraux (+13%). Les liaisons au sol sont assurées par Kayaba, avec une fourche séparant les deux fonctions hydrauliques (détente dans le tube droit, compression dans le gauche), le tout assorti d’un traitement antifriction Kashima et de réglages basse et haute vitesse pour la compression. L’amortisseur bénéficie de son côté d’une précharge par molette très facilement accessible, en plus des réglages hydrauliques classiques. Bref, ça sent le haut de gamme et la qualité. Un sentiment qui persiste en se penchant sur les freins, qui combinent des disques de 320 mm de diamètre, des étriers Brembo Stylema reliés à un beau maître-cylindre par des durits tressées… Mais oui, tout arrive ! Ajoutez des jantes en aluminium forgé et des valves coudées (alléluia) et vous comprendrez mon enthousiasme.

D’autant que, esthétiquement, je la trouve réussie, cette R9. On retrouve les codes des séries R de la marque (museau aplati, optiques fines, train arrière fuselé, réservoir imposant, té de fourche ajouré…) dans des proportions qui la placent entre une R1 et une R6. Les appuis aérodynamiques sont assurés par deux ailettes parfaitement intégrées au carénage, alors que la signature lumineuse et les phares sont un mélange de R7 et de R1 (à l’époque où ces dernières étaient homologuées). Bref, ça donne envie, alors en selle.

En selle
La selle justement, offre une assise confortable, mais un peu glissante. Reste que l’on est à une altitude très acceptable (830 mm) et que sa finesse à l’approche du réservoir permet de poser les pieds au sol sans angoisse. Quand on cherche les bracelets, on les trouve sous le té de fourche, ce qui implique d’aller les chercher assez loin et assez bas. Les repose-pieds ne plient pas exagérément les jambes, mais on sent bien que l’on est sur une sportive. Heureusement, le superbe tableau de bord (repris des dernières MT-09) apporte une jolie touche de technicité, de lisibilité et de design réussi. D’autant qu’il est secondé par des commodos bien pratiques et une ergonomie permettant de naviguer facilement dans les menus disponibles. Ce qui n’est pas un luxe vu la quantité de réglages proposés. Retenez qu’en quelques secondes on peut se faire une machine à la carte (cartographies moteur (3), niveaux d’assistance, frein moteur, contrôle de wheeling…) et bénéficier d’un affichage piste intégrant un chrono. Bref, c’est ultra complet et, de nouveau, on a un sentiment de machine moderne et très bien équipée.

En ville
J’ai pu faire quelques demi-tours et du stunt, ça compte pour un usage urbain ? Blague à part, la souplesse de la mécanique et des commandes, l’excellent shifter et la bonne connexion entre la poignée de gaz et le moteur en feront une sportive docile, d’autant que son équilibre, son poids réduit et ses bonnes suspensions devraient la rendre agile et relativement confortable. À part en ce qui concerne une position de conduite résolument engagée. On n’est pas au niveau de la R7, mais vos poignets maudiront à coup sûr les feux rouges assez rapidement.

Autoroute et voies rapides
Vu la quantité de moucherons présents sur l’écran de mon casque à chaque retour au stand, la bulle pourrait être plus haute de quelques centimètres afin d’offrir une protection décente lors des longs trajets autoroutiers. La stabilité en grande courbe ne devrait pas être un problème et il y a même, en série, un régulateur de vitesse (en fonction au-delà de 40 km/h, du 3ème au 6ème rapport ! Quant aux 14l du réservoir d’essence, couplé à une consommation raisonnable (inférieure à la MT-09 à vitesse stabilisée grâce à une meilleure aéro et une démultiplication finale plus longue) ils devraient permettre des étapes de 200 à 250 km.

Circuit
Mais passons aux choses sérieuses, puisque nous sommes sur un circuit de vitesse. Dès les premiers tours de roues la R9 fait preuve d’une bonne volonté évidente. Elle se met complètement à votre service pour vous laisser apprendre le tracé et pardonne volontiers les erreurs. Le caractère du 3-pattes dévoile ici ses points forts : à savoir une souplesse et un couple lui permettant de ressortir efficacement des courbes, même sans être exactement au régime optimal, mais aussi son point faible. À savoir un manque d’allonge qui fait que l’on bute rapidement sur le rupteur, situé à 10 500 tr/min. D’ailleurs, on finit par éviter de rester trop haut dans les tours, car la poussée se tasse d’elle-même à l’approche de la zone rouge. On change donc beaucoup de vitesses, ce qui n’est pas un problème grâce à l’excellent quickshifter, que ce soit pour monter ou descendre les rapports. À noter que le système a été fait pour passer facilement en boîte inversée (première en haut) en vue d’un usage piste.

On est aussi surpris par le bruit, vraiment discret de l’extérieur (une très bonne chose) et assez présent au guidon pour que l’on ne ressente pas un manque. Même si les plus énervés regretteront qu’il n’y ait pas plus de décibels. L’avenir de notre sport est à ce prix. La position de conduite est bonne, mais si j’ai apprécié la possibilité de régler les repose-pieds en hauteur (ils sont ici dans la position la plus élevée), je les aurais placés un peu plus en arrière. En l’état, on passe naturellement d’un angle à l’autre tout en se calant bien au freinage contre le réservoir.

Partie-cycle
Le châssis fait preuve d’une belle rigidité au freinage, on ne sent jamais la colonne de direction onduler sur les gros freinages, la R9 réagit d’un bloc lors des changements d’angle et fait preuve d’une vivacité appréciable. Il faut dire qu’avec 195 kg sur la balance tous pleins faits, elle n’a rien d’un poids lourd. Reste que, vu le peu de temps passé en piste et les pneus routiers, j’attendrais un essai plus extrême avant de porter un avis tranché. Côté facilité et plaisir de pilotage, le contrat est rempli. La mise sur l’angle est aussi vive que précise, les pif-paf sont avalés sans trop d’effort et l’efficacité globale semble bien là. Les suspensions font un boulot remarquable, même si le train arrière paraissait à la fois un peu bas et un peu trop sec sur les bosses, ce qui pourrait être facilement corrigé en quelques clics… à condition d’avoir le temps ! En tout cas, à aucun moment on n’a l’impression d’être aux commandes d’un roadster, la R9 est bel est bien une pure sportive qui se régale entre les vibreurs.

Freinage
L’ensemble Brembo procure à la fois feeling et puissance à l’avant. Les étriers Stylema permettent de ralentir efficacement l’équipage, alors que le maître-cylindre offre un excellent ressenti. Même chose à l’arrière où la pédale dose à la perfection le ralentissement demandé. À noter que le mode Race permet de se passer d’ABS à l’arrière, mais que, vu les conditions de piste et l’utilisation de pneus pluie, la marque avait décidé de retirer purement et simplement les fusibles d’ABS.

Confort/Duo
Nous avions des modèles équipés de dosserets monoplace et sur lesquels les repose-pieds passagers avaient été retirés, ce qui, vu le positionnement sportif de la R9, est probablement mieux pour les deux parties.

Consommation
Pas eu le temps de m’en préoccuper !
Conclusion
Enfin elle est là ! La R9 représente à elle seule tout un symbole : c’est la première sportive japonaise de moyenne cylindrée entièrement nouvelle depuis… plus de vingt ans ! Preuve que la marque y croit et pense à ceux qui cherchent une machine sensationnelle et efficace pour se faire plaisir, que ce soit sur la route où entre les vibreurs. Sans présager de sa capacité à atomiser la concurrence, cette Yam semble déjà bien née. Et, surtout, elle vient combler un vide. Plus puissante qu’une Aprilia RS 660 Factory, moins chère qu’une Panigale V2, dotée d’une électronique assez hallucinante au vu de son prix et d’éléments de grande qualité (suspensions, freinage…), elle pourrait représenter l’avenir des sportives. Reste à voir si sa position ne sera pas trop usante au quotidien et si son caractère mécanique ne sera pas frustrant sur des tracés plus rapides. Bref, prochaine mission : un essai longue durée ?

Points forts
- Facilité de prise en mains
- Équipement
- Homogénéité
Points faibles
- Manque d’allonge
- Centre de gravité un peu élevé
- Position sportive, peut-être trop sur route (à vérifier)
La fiche technique de la Yamaha R9
Conditions d’essais
- Itinéraire : Trois sessions de 20 minutes sur le circuit de Séville, la première en pneus pluie, la seconde avec les Bridgestone RS11 de série et une très courte session stunt.
- Météo : Un premier run sur une piste majoritairement sèche en pneus pluie, deux autres sur une piste quasi sèche, après une averse en début d’après-midi
- Problème rencontré : Aucun à part la frustration de ne pas avoir roulé à Jerez en slicks !
Disponibilité/Prix
- Coloris : Bleu - Noir
- Prix : 13.999 euros (13 699 € la version A2)
- Disponibilité : Mai 2025
Equipement de série de la Yamaha R9
- Trois cartographies moteur (Rain, Standard, Sport) + 2 modes personnalisables
- Amortisseur réglable en précharge via une molette très accessible
- Contrôle de traction (paramétrable et désactivable)
- Contrôle de wheeling (paramétrable et désactivable)
- Frein moteur paramétrable
- Quickshifter
- Connectivité Bluetooth
- Régulateur de vitesse
Accessoires et équipements
Il y a tout ce qu’il faut au catalogue pour rendre la R9 plus agressive, plus sportive ou plus voyageuse, selon vos envies, en attendant de quoi faire un modèle GYTR en 2026 :
- Support de plaque d’immatriculation (159 €)
- Commandes reculées (649 €)
- Capot de selle (250 €)
- Protections de carter (359 €)
- Sacoches cavalières souples (259 €)
- Ligne complète Akrapovič (2 199 €)
- ...
Équipement essayeur
- Casque Shoei X-SPR
Peinture Marty Design - Combinaison Ixon
- Airbag In&Motion U04
- Gants Five RXF1 Evo
- Bottes Alpinestars Supertech R
Commentaires
Dommage pour la météo. Elle a l'air bien née. Vivement les comparos
16-03-2025 08:29Une nouvelle moto dans son genre qui allie sportivité et agrément sur route ! Je dis oui ! Je trouve cependant le design un peu oubliable
16-03-2025 09:03Dispo Mai 2025, on verra...
16-03-2025 10:46J'ai eu l'impression de relire l'essai de la RS660... Yamaha a donc mis 5ans pour la copier... Quelle réactivité...
16-03-2025 10:49Je retiens surtout que le constructeur n'a pas refait la même erreur de proposer une ergonomie trop radicale pour une moto qui n'a pas la fiche technique pour le justifier (comprendre : être adaptée pour un usage très majoritairement routier)
Vivement qu'un média propose un comparatif !
Et par rapport à la xsr-GP?
@Poireau: disponible uniquement pour les quelques concessions qui ont fait des commandes sans connaître la moto.
16-03-2025 10:59Les autres, qui pourraient être intéressés suite à la lecture de cet essai doivent savoir que la disponibilité est annoncée pour l'automne (octobre minimum)...
C'est bien comme ça que je vois les choses.
16-03-2025 13:58Très chouette modèle 2026.