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Essai moto Yamaha MT-09 Y-AMT

Retour de flemme

Moteur 3 cylindres en ligne CP3 de 889 cm3, 119 ch et 93 Nm, 196 kg, transmission semi-automatique, 11.299 euros

Se simplifier la vie est l’une des bases de l’aventure humaine et l’origine de nombreuses avancées technologiques. Ainsi, selon les constructeurs, passer incessamment des vitesses peut être une source d’ennui, voire de fatigue. Avec même le développement d’un symptôme chronique : la flemme. La flemme de passer les rapports, la flemme de prendre l'embrayage, d'actionner le sélecteur, de penser à choisir la bonne démultiplication en ville… La flemme, quoi.

À cette pernicieuse problématique, l'industrie motocycliste a depuis longtemps tenté d’apporter des solutions. Moto Guzzi est le premier constructeur à proposer, de série, un modèle à boite automatique en 1972, la 1000 Convert. C’est alors un système à convertisseur de couple et deux vitesses qui fait le boulot. Honda suit cette idée avec sa Hondamatic en 1977. Mais la marque innove surtout en 2010 avec la boite à double embrayage DCT. Elle équipe d’abord sa Sport-GT VFR1200F puis les Africa Twin. Cette année, c’est l’embrayage automatique E-Clutch que le constructeur ailé monte sur les CB650 R et CBR650 R pour une approche simplifiée et une gestuelle plus naturelle aux motards. Un autre constructeur japonais avait également pensé aux fatigués chroniques.

Essai de la Yamaha MT-09 Y-AMT
Essai de la Yamaha MT-09 Y-AMT

Chez Yamaha, c’est en effet sur la FJR1300-AS en 2006 que l’on découvre l’embrayage YCC-S à boite robotisée. Quatre ans après l’arrêt du modèle, le constructeur aux diapasons revient avec l’automatisme de confort, désormais nommé Y-AMT. Premier modèle à en bénéficier ? Le best-seller sportif essayé au printemps par Zef : la MT-09 millésime 2024. Un choix étrange que nous analysons au nord de Barcelone, sur les contreforts des Pyrénées et 300 km de routes variées.

Découverte

Rien ne change ! Enfin, presque. Visuellement et mécaniquement, la MT-09 Y-AMT semble identique au modèle standard. Il faut avoir l’œil, car Yamaha ne souhaite pas distinguer sa nouveauté par un marquage ou toute autre forme de discrimination, fût-elle positive. De même, le système restera optionnel. Une forme de prudence peut être, de discrétion sans doute. Et quant au choix du modèle, un roadster très dynamique, la marque rappelle l’exemple de Porsche qui, depuis longtemps, livre ses bolides avec boite auto et palettes de commande. Bref, sport et automatisme ne s’opposeraient plus.

La Yamaha MT-09 Y-AMT
La Yamaha MT-09 Y-AMT

Sur la nouveauté, les différences au niveau moteur sont à peine visibles. Deux éléments type servo-moteurs actionnent l’un l’embrayage, l’autre le tambour de sélection de la boite. Celui-ci dernière ne diffère que dans l’étagement des vitesses : le neutre est placé « sous » la première afin d’éviter les à-coups entre la deux et la une. Compacts, ces deux dispositifs électro-mécaniques sont légers, 2,8 kilos, n’augmentent pas la largeur du bloc CP3 et peuvent s’adapter très facilement sur tous types de moteurs. Bien sûr, l’électronique évolue un peu pour diriger les changements de vitesse en tenant compte de l’ouverture des gaz, du signal de différents capteurs moteur et de celui de la centrale inertielle.

On retrouve toujours le trois cylindres CP3 de 889 cm3
On retrouve toujours le trois cylindres CP3 de 889 cm3

Les assistances restent les mêmes, les performances moteurs aussi, idem pour la partie-cycle. Pour en prendre connaissance si besoin, reportez-vous à l’essai MT-09 2024.

Avec 2,8 kg sur la balance, l'Y-AMT n'impacte que peu le poids du roadster
Avec 2,8 kg sur la balance, l'Y-AMT n'impacte que peu le poids du roadster

En selle

C’est au guidon que l’on note le plus de changements. Ainsi, le commodo gauche, déjà bien pourvu en poussoirs, accueille deux basculeurs supplémentaires. Au pouce, on rentre les rapports ; à l’index, on peut les monter en appuyant sur la commande, mais aussi les descendre en poussant, un choix personnel. Ce système pallie l’absence de sélecteur et de levier d’embrayage. À droite, un bouton permet de passer du mode Automatique au mode Manuel séquentiel. Le premier autorise un profil D pour des évolutions tranquilles ou D+ pour une plus grande réactivité de la boite. Le système monte et descend les vitesses sans intervention du pilote. On peut également, à tout moment, utiliser les gâchettes au commodo gauche pour changer de rapports si on le souhaite. L’automatisme reprend ensuite la main. En mode Manuel, si vous oubliez de redescendre les rapports, l’électronique le fera à votre place à trop basse vitesse.

Le commodo gauche se pare de gachettes supplémentaires pour le passage des vitesse
Le commodo gauche se pare de gachettes supplémentaires pour le passage des vitesse

Au tableau de bord de cinq pouces, de nouvelles indications AT ou MT et D ou D+ rappellent vos choix. Notez que les assistances, personnalisables dans les deux modes User comme sur la MT-09 standard, le sont aussi en mode de puissance (réactivité à l’accélérateur) en profil D et D+, mais sur les valeurs 3 et 4 seulement. Donc avec une réactivité maximale moindre.

Le compteur TFT de 5 pouces fait de la place pour les nouvelles informations
Le compteur TFT de 5 pouces fait de la place pour les nouvelles informations

Enfin, la version Y-AMT propose un système de démarrage sans clé avec transpondeur.

Différence la plus visible avec la MT-09 standard : la disparition du levier d'embrayage
Différence la plus visible avec la MT-09 standard : la disparition du levier d'embrayage

En ville

C’est en automatique que je décide de partir afin de tester au mieux la technologie embarquée. Moteur en marche, un coup de gâchette fait passer la première et claquer la sélection, boite Yamaha oblige diront les plus cyniques. C’est aussi que restant essentiellement mécanique dans son fonctionnement, quasi identique à la version standard. Donc moins douce qu’un double embrayage. Mais dès le deuxième rapport, la sélection est liée à l’électronique du quickshifter de 3e génération présente sur la MT-09. Hors le passage 1-2 et 2-1, les autres changements se montrent bien plus doux, presque « seamless », sans à-coups.

Le passage automatique entre la 1 et la 2 fait un peu claquer la sélection
Le passage automatique entre la 1 et la 2 fait un peu claquer la sélection

Pour des évolutions douces, le mode Auto D est le plus approprié, passant les vitesses à régime moyen. La bonne disponibilité du trois cylindres aide sensiblement à la sérénité urbaine. Mais c’est surtout l’excellente gestion de l’injection, surtout à basse vitesse, qui est remarquable. Immédiatement les démarrages se font naturels et la moto docile. Les demi-tours sont tout aussi bluffants de facilité pour doser les gaz. Très progressive, la poignée permet de doser parfaitement l'accélération et l'électronique s'occupe tout aussi bien de l'embrayage. Et l’on parle bien d’une MT-09 dont la finesse à ce niveau a longtemps été décriée ! L’aisance est quasi immédiate et apporte un vrai agrément en milieu contraint et dans le trafic. Pour plus de tonicité on passera en D+, ou, pourquoi pas, en mode Manuel et profil de pilotage Street. Le modèle Y-AMT retrouve alors vivement sa personnalité habituelle, pour mieux quitter les espaces étroits.

La souplesse du 3 cylindres offre un bon agrément en ville sur le mode Auto D
La souplesse du 3 cylindres offre un bon agrément en ville sur le mode Auto D

Autoroute et voies rapides

Il suffit d’accélérer fort pour que l’automatisme, même en D, rentre suffisamment les rapports et permettent d’accélérer comme souhaité pour s’insérer. D+ apporte une meilleure réactivité à l’accélération et les vitesses passent, logiquement à plus hauts régimes. Un choix plus pertinent en périurbain, souvent dense en circulation, afin de réagir plus vite. Également, sur voies tarifées, les relances sont ainsi plus rapides pour doubler. Mais là encore, on peut changer de vitesse au commodo à tout moment. D’ailleurs, allons essayer la chose sur un racé plus rythmé.

Le système Y-AMT s'adapte parfaitement aux évolutions sur voies rapides
Le système Y-AMT s'adapte parfaitement aux évolutions sur voies rapides

Départementales

Si l’on veut musarder en mode D, pas de soucis. Enfin, presque. La MT-09 n’est pas faite pour prendre son temps et faire dans le bucolique. Roadster sportif, elle a d’autres projets pour vous. On passe en D+ et on accélère le rythme. Dans les suites de virages, le système ne donne pas forcément toute la dynamique attendue, notamment au rétrogradage. Malgré tout, le fonctionnement pourrait déjà convenir à de nombreux motards. Mais pour retrouver l’esprit « Dark of Japan » en version Y-AMT, il faut passer en manuel. La bête est alors de retour, éructant méchamment d’aisance au-delà de 7 000 tr.mn.

Le mode D+ est à privilégier sur les petites routes pour un rythme plus dynamique
Le mode D+ est à privilégier sur les petites routes pour un rythme plus dynamique

Bref, on retrouve le caractère du bloc CP3. Et les éléments électro-mécaniques Yamaha surprennent par leur vélocité. Pour accélérer les choses, un ressort sur la commande de sélection motorisée de vitesse optimise le passage du rapport à venir. Un coup de gâchette et le rapport attendu sort immédiatement, en montée et descente, sans à coups, comme avec un shifter. Normal, il est présent en électronique pour la gestion de l’allumage… Cette célérité de fonctionnement montre l’excellent niveau de la technologie, mais les palettes demandent une certaine habitude pour être plus naturelles. Et, si l’on commence vraiment à rouler sport, avec de gros appuis sur les poignées limitant les mouvements de la main gauche, la pédale vient à manquer et la botte gauche pivote à vide, cherchant le sélecteur. Certains s’y feront dans doute, mon ressenti est plus mitigé.

Les changements de rapports par gâchettes demandent un peu de temps pour devenir naturels
Les changements de rapports par gâchettes demandent un peu de temps pour devenir naturels

L'essai vidéo de la Yamaha MT-09 Y-AMT

Conclusion

Le fonctionnement en Manuel étant proche de celui d’un shifter, pourquoi se passer du sélecteur et greffer deux commandes supplémentaires sur un commodo gauche déjà fort encombré ? Le résultat me parait manquer de naturel, surtout à bon rythme. Mais en tout automatique, pour un usage urbain, périurbain et routier plus tranquille, pourquoi pas. En fait, le concept serait plus adapté à la Tracer GT/ GT+ ou autres routières. D’autant que le nouvel ensemble embrayage, injection, sélection, boite est réellement sans défaut et particulièrement économique. Aux 10.799 € de la MT-09 il faut rajouter seulement 500 € pour la version Y-AMT. Notez que la consommation ne change pas avec 5,5 litres au 100 km en roulage plutôt tranquille.

Le roadster Yamaha MT-09 Y-AMT
Le roadster Yamaha MT-09 Y-AMT

Performant, le système Y-AMT est à la hauteur de ses ambitions. Et il satisfera les motards souffrant de mobilité réduite. Au final, c’est la gestuelle qui, personnellement, me parait limiter l’aisance sur certaines phases de pilotage. Avec, peut-être, une erreur de casting, car, si l’on est convaincu par la qualité de cet automatisme de confort, sur la MT-09 il reste difficile de céder à la flemme du pilotage et des sensations.

Points forts

  • Finesse d’injection remarquable
  • Rapidité des changements de rapport
  • Compact et économique

Points faibles

  • Gestuelle moins évidente
  • Sportivité pas encore évidente

La fiche technique de la Yamaha MT-09 Y-AMT

Conditions d’essais

  • Itinéraire : 300 km, routes sinueuses à revêtement variable, sec et humide
  • Météo : nuageux, de 16° à 20°C
  • Problème rencontré : ras

Disponibilité / prix

  • Coloris : Icon Blue, Tech Black, Midnight Cyan
  • Prix : 11.299 euros
  • Disponibilité : octobre 2024

Équipement essayeur

  • Casque Nishua NTX4-Evo
  • Blouson Rekurv
  • Jean Vanucci Armalith
  • Baskets Vanucci VTS