Essai Yamaha FZ8
Ho-mo-gène ! (enfin)
Pauvre Yamaha FZ-8. Lors de son arrivée sur le marché en 2010, le nouveau roadster mid-size de la firme aux diapasons avait pourtant tous les atouts (du moins sur le papier) pour détrôner la Kawasaki Z 750, best-seller du genre : un gros quatre cylindres bien coupleux et développé d’origine pour développer 106 chevaux, une partie-cycle empruntée à la FZ-1, elle même directement dérivé des anciennes R1, le tout enrobé dans une robe elle aussi largement inspirée du gros roadster crapuleux. Mais deux ans après, le bilan est mitigé. Certes, les scores de ventes sont honorables mais la Z 750 est restée solidement ancrée en tête des ventes de sa catégorie et la Suzuki GSR 750 lui a même chipé la troisième place sur le podium l’an dernier…
Au demeurant, la FZ-8 n’était pourtant pas une mauvaise machine, mais elle souffrait de quelques défauts face à une concurrence particulièrement affûtée. Citons pêle-mêle un silencieux d’échappement hideux et à la finition indigne du reste de la machine, une garde au sol timide en virage et un look certes valorisant car inspiré de la “grosse” FZ-1 mais souvent jugé un peu trop sage face à la concurrence (les lignes datent de 2006). Et surtout une homogénéité en berne doublé d’un potentiel sportif sérieusement bridé par la faute de suspensions mal accordées et surtout dénuées de réglages. Dans le cadre d’une utilisation classique (commuting, balade en solo…), pas de quoi crier au scandale, d’autant que la tenue de route est saine et les suspension souples en font une des machines les plus confortables de sa catégorie. Mais dès qu’on embarque un passager, qu’on emprunte une départementale qui n’a pas vu un employé de la DDE depuis 5 ans ou qu’on a tout simplement envie de s’amuser un peu, les choses se gâtent. Faites les trois, à la fois et c’était la catastrophe…
Le Taureau par les cornes
Yamaha France l’a compris avant le Japon en multipliant les séries spéciales (SP, SP-R, Red Line, R Line…) destinées à rendre sa machine plus plaisante et plus homogène. Logique, la France étant le plus gros marché pour les roadsters, pas question pour le numéro un du marché Hexagonal de se laisser tailler des croupières dans les comparatifs sur un segment majeur.
La recette est à chaque fois la même : un échappement adaptable, des suspensions revues et corrigées sans oublier un traitement cosmétique spécifique. Ainsi affublée, la FZ-8 retrouve de sa superbe et ce n’est pas un hasard si les R-Line composaient l’an dernier 60 % des ventes de FZ-8. Pour 2013, Yamaha a donc reconduit la démarche de la filiale française à l’échelle mondiale. La fourche peut désormais être ajustée en pré-charge et on peut jouer sur l’hydraulique en compression (13 positions) et détente (11 positions) vis des réglages concentrés sur le tube de droite.
A l’arrière, le nouvel amortisseur est équipé d’un ressort au tarage raffermit de 6,4 %, de nouvelles lois d’amortissement et d’une vis d’ajustement de la détente.
Côté cosmétique, ne rêvez pas, un silencieux adaptable en provenance d’une marque de premier plan (au hasard Akrapovic qui équipe les Yamaha M1 en MotoGP) aurait plombé le prix de vente final. La marmite noire est donc conservée mais les ingénieurs japonais ont fait des miracles pour la rendre plus attrayante. Bon, pas de quoi se faire non plus un décollement de la rétine en regardant le résultat final mais la greffe d’une plaque anti-chaleur et d’un embout singeant les productions de la marque slovène font « le job » très correctement.
Au passage, miss FZ-8 adapte un nouveau revêtement de selle plus accrocheur et des cabochons de clignotants transparents plus en phase avec les canons esthétiques actuels, ça ne mange pas de pain.
Ceux qui souhaitent se rafraîchir la rétine et les idées peuvent retrouver l’essai réalisé en 2010 de l’ancienne Yamaha FZ-8.
En selle
Pas de surprise en reprenant le guidon de ce millésime 2013 de la FZ-8. On retrouve une position de conduite légèrement basculée sur l’avant avec un guidon court et étroit, un réservoir toujours un peu trop large à l’entrejambe comparé à la concurrence et une hauteur de selle qui, malgré ses 815 mm de haut, permet à mon mètre soixante-dix de poser presque les deux talons à terre. Les repose-pieds, toujours aussi bas, mettront quant à eux les grands gabarits à l’aise. Le tableau de bord est relativement complet avec un compte-tours analogique intégrant les voyants d’alerte usuels et l’indicateur de point mort et un pavé digital indiquant vitesse, température moteur, le niveau de carburant et deux trips partiels.
Les motards parisiens seront ravis d’apprendre que le commodo de gauche intègre un bouton dédié à l’activation des warning. Notez enfin que si le levier de freinage est réglable, l’embrayage est toujours dépourvu d’un ajustement de la garde.
Contact
Pas de quoi se réveiller la nuit au moment du démarrage, au sens littéral du terme. Le bruit doux, limite feutré, vous voudra des regards condescendants lors des journées piste mais préservera le sommeil de vos voisins lors d’un démarrage au petit matin. Et, heureusement, ça s’arrange quand on roule, avec un bruit d’admission très travaillé émanant de la boite à air dans la deuxième moitié du compte-tours…
En ville
Sans être aussi facile de prise en main qu’une Hornet, cette FZ-8 est à classer dans la catégorie des bons élèves. On apprécie les commandes douces, la position de conduite dans la norme du genre et le moteur ultra-complaisant. Même pour un quatre cylindres, sa souplesse surprend. Capable de reprendre sur le régime de ralenti sur le dernier rapport (soit 30 petits km/h), il offre surtout une réponse très douce à l’accélérateur sous la barre des 2 500 tr/min. Un vrai “plus” dans le cadre de notre présentation lorsqu’on découvre une machine aux pneus à peine rodés sur chaussée détrempée, le tout par une température sous la barre des 5° C. La partie-cycle met également en confiance avec une mise sur l’angle neutre, progressive et sans effort et un levier de frein offrant un dosage parfait de la puissance d’arrêt dès les premiers millimètres de course. La FZ-8 tire également son épingle du jeu dans les embouteillages avec des rétroviseurs à l’écartement contenu qui permettent de passer dans un trou de souris. Et en plus rétrovisent correctement !
Deux petits bémols dans ce cadre quasi idyllique, un rayon de braquage trop limité pour en faire une vraie reine du trafic et un boîte de vitesse manquant de douceur et quelquefois accrocheuse. Une tare congénitale des mécaniques sportives de chez Yamaha lorsqu’on change de rapport sous faible charge et/ou dans le premier tiers du compte-tours.
Sur autoroute
Rien à signaler de particulier. Comme tous les roadsters, la FZ-8 n’aime pas ce genre d’exercice mais permet de cruiser aux allures légales sans fatiguer le conducteur. Le petit-saute-vent fait correctement son travail et aucune vibration moteur n’est à signaler à régime stabilisé, que ce soit au niveau du guidon, des repose-pieds ou des rétroviseurs. A 130 km/h, le régime moteur se stabilise à environ 6.000 tr/min soit 4.000 de moins que le régime de puissance maximale. Dans ces conditions, on peut tabler sur une consommation moyenne inférieure à 6 litres ce qui, combiné aux 17 litres du réservoir, confère à la FZ-8 une autonomie routière de presque 300 km.
Départementales
Dans le cadre de notre présentation, organisée dans la région d’Alès, Yamaha avait invité le septuple vainqueur du Moto Tour Denis Bouan et Barbara Collet, 7ème au scratch de l’édition 2011 au guidon d’une…Yamaha FZ-8 ! Outre les conditions citées plus haut lors de notre prise en main en milieu urbain, le roi Bouan nous a emmené sur les petites routes qu’il affectionne lorsqu’il se prépare pour son épreuve fétiche. Le tracé est du genre rock’n roll avec des portions défoncées souvent pas plus large qu’une automobile et bordées des restes de neige de la veille, le tout parsemé de patchs de sel en guise de mise en bouche. Et dans ces conditions pour le moins extrêmes, la FZ-8 s’en sort avec les honneurs. Une partie du confort s’est envolée, on n'a rien sans rien, mais la rigueur est enfin au rendez-vous avec une fourche et un amortisseur qui travaillent de concert sur les bosses. L’ensemble procure une excellente lecture du bitume et surtout ne se désunit jamais. Saine, rigide et d’un bloc, la FZ-8 met alors en avant une franchise jusque-là inconnue de son train avant une fois les pneumatiques mis en température. Le rythme augmentant en même temps que la température, les freinages se font plus appuyés, les mises sur l’angle deviennent plus incisives et les réaccélérations nettement plus franches. Et toujours aucun signe de faiblesse des suspensions ! Le constat est à tempérer en fonction de plusieurs paramètres. Denis Bouan ayant défini la veille les réglages de suspensions les plus adaptés au parcours, le compromis fut parfait pour les essayeurs ayant un gabarit équivalent (nain de jardin, environ 60 kg). Des confrères au gabarit plus massif ont rencontrés quelques phénomènes de pompages sur de longues séries de bosses ou sur de grosses compressions mais aucun ne s’est plaint d’un quelconque manque de stabilité ou d’un désaccord entre avant et arrière… Sur les changements d’angle, la vivacité est surprenante au regard du poids de l’ensemble (216 kg tous pleins faits sur nos versions ABS) dès qu’on prends la peine d’accompagner les mouvements au guidon de légers appuis sur les repose-pieds. Une monte plus sportive que les très conservateurs Bridgestone BT 21, pourtant bien adaptés à cette partie-cycle, devrait encore améliorer les choses. Côté moteur, la n’arrive pas de manière linéaire, conférant à l’ensemble un petit brin de caractère sympathique. Douce sous la barre des 2 500 tours, la poussée se renforce entre 3 et 6 500 tr/min avant de d’amorcer un nouveau palier, nettement plus violent de 7 à 10 000 tours. Ensuite, le moteur allonge de manière un poil moins viril jusqu’au rupteur à 11.500 tours.
Sur piste
Une fois passée la pause déjeuner, direction le Pôle mécanique d’Alès pour pousser la FZ-8 dans ses derniers retranchements. La température est idéale, le ciel dégagé, la piste sèche, les réservoirs pleins, les suspensions raffermies, bref, yapluka… Le tracé étant plutôt du genre tourniquet -freinage en bout de ligne à 170 km/h quand même- je ne m’épancherais pas sur la stabilité de l’ensemble, plein angle et le coude par terre… En revanche, la trentaine de boucles effectuée au guidon de ce millésime 2013 de la FZ-8 aide à mieux comprendre comment cette machine s’est forgée un palmarès fort respectable en compétition. Outre sa victoire entre les mains de Denis Bouan l’année de sa sortie, le roadster Yamaha a déjà accroché à son tableau de chasse une victoire au Trophée de France 2011 avec Mathieu Charpin et une autre au Bol d’Argent 2012 entre les mains de Cyril Carillo et Franck Tauziède. La seule différence entre ces machines et les versions stock étant… les suspensions. D’ailleurs, chez Yamaha France, on est tellement confiant dans les qualités des nouveaux éléments que les futures FZ-8 engagées sur le prochain Moto Tour se passeront de la préparation Ohlins comme lors des éditions précédentes. Elles devraient en revanche toutes bénéficier de platines repose-pieds racing relevées et reculées.
Car si nous n’avons fait qu’effleurer le bitume du bout de bottes sur route dans la matinée, les repose-pieds d’origine étaient tous copieusement limés après notre première série de tours. En déhanchant outrageusement, on gagne facilement plusieurs degrés d’angle et une grosse poignée de secondes au tour mais les amateurs de piste devront passer par la case “pièces adaptables” pour débloquer tout le potentiel de cette FZ-8. Car pour le reste, il devient difficile de trouver des arguments à mettre dans la case Moins de ce test sur piste. Le freinage ? A part quelques déclenchements intempestifs de l’ABS sur des attaques de freins un peu trop violentes, rien à signaler. Tout au plus pourrait-on réclamer un peu plus de puissance en toute fin de course mais le feeling, le mordant et l’endurance sont irréprochables. Le moteur ? Sur piste, on en voudrait toujours plus mais les accélérations sont déjà copieuses, le couple plus que suffisant pour enrouler un rapport en dessous dans les enchainements de virages serrés (ceux qui ont fait de la piste en 600 sauront de quoi je parle) et la connexion accélérateur-roue arrière est excellente. Même la boîte, dans ces conditions, est parfaite. On peut enchaîner les rapports à la volée sans l’aide de l’embrayage et enfin profiter du débattement court du sélecteur pour grappiller quelques centièmes sur chaque tour… avant de se faire faire l’extérieur par une Barbara Collet en mode “coude à la portière”. Rageant…
Freinage
Tout ayant été déjà dit sur l’élément avant, penchons nous sur le frein arrière. Parfait dans son rôle de stabilisateur ou pour resserrer une trajectoire, il manque en revanche de feeling pour offrir un dosage réellement correct. Une remarque valable pour la quasi totalité des roadsters mid-size aujourd’hui en vente… Quant à l’ABS (+ 600 €), il est transparent dans son fonctionnement et ne génère quasiment aucune remontée dans le levier lorsqu’il est activé. Mieux, lors de ses déclenchements inopinés sur piste, le freinage revient en mode “normal” en quelques dixièmes de seconde et on retrouve toute la puissance (et surtout le dosage) des étriers monoblocs. Rassurant !
Confort et duo
Aucun mal aux fesses à signaler lors de notre essai mais les suspensions raffermies devraient logiquement mettre à un peu plus rude épreuve qu’auparavant l’arrière-train du pilote. Du moins d’origine mais vu qu’il désormais possible de jouer sur les réglages, rien ne vous empêchera désormais d’ouvrir légèrement les réglages d’hydraulique pour gagner en confort ou au contraire de vous concocter une machine raidie de partout pour une sortie piste. C’est vous qui voyez. Même constat pour le passager, qui pourra bénéficier de réglages adaptés à, mais qui pestera malgré tout sur la planche à pain qui lui est dévolue.
Pratique
Il y a de la place sous la selle et surtout pour placer un bon gros antivol U homologué standard, voire un bloc-disque en plus. Le réservoir est en métal et offre la possibilité de mettre une sacoche magnétique. A l'arrière, il est possible d'arrimer un gros sac, en utilisant à la fois les supports de repose-pieds et le support de plaque (percé). Concernant les réglages de suspensions, il faut malheureusement déplorer une vis de réglage de la détente quasiment collée au guidon et qui rendra son réglage malaisé. Paradoxalement, il est plus aisé d’ajuster cette dernière avec la pointe d’un couteau suisse en passant sous le guidon qu’avec un tournevis plat traditionnel. Au moins, il n’est pas nécessaire de démonter le guidon…
Consommation
Si il est possible de rouler tranquillement en ne consommant que 5,5 litres aux 100 kilomètres, la consommation peut également s’envoler si on force le rythme. Sur route, on peut allégrement dépasser les 7 L/100 km et même dépasser les 8 litres sur piste. L’autonomie varie en conséquent, l’autonomie moyenne avant réserve se situant légèrement au-dessus de 200 km dans le cadre d’un usage mixte.
Conclusion
La FZ-8 vient de gommer de fort belle manière son plus gros défaut à savoir une homogénéité en berne. Ce millésime 2013 gagne donc sur deux tableaux en offrant un comportement plus homogène aux allures usuelles tout en étant désormais capable de claquer une pendule sur un tour de piste. En revanche, les plus saignants devront obligatoirement se rabattre sur des platines ajustables pour exploiter le nouveau potentiel sportif du roadster Yamaha. Les retouches cosmétiques sont également les bienvenues, l’ancien échappement étant réellement indigne du niveau de finition auquel nous avait habitué le constructeur. Reste l’épineux sujet du prix. Affichée à 8 399 € dans sa version standard et 8 999 € avec l’ABS, la FZ-8 se place juste entre la Kawasaki Z 800 (8 900 €/ABS 9 450 €) et la GSR 750 de Suzuki (8 300 €/ABS 8 800 €). Ces trois-là boxent dans la même catégorie et seul un comparatif en bonne et due forme permettra de dégager une vraie hiérarchie tant leurs prestations semblent proches. Sur le papier, le potentiel sportif de la Kawa devrait être en retrait de par son poids trop élevé (230 kg en ordre de marche) mais l’outrance de son design ne la destine à priori pas à la même clientèle. Reste deux outsiders de choc, la Hornet et la Street Triple 675. La Honda est la dernière représentante des 600 cm3 et malgré son âge fait toujours référence en termes de tenue de route. Son prix contenu à 6 740 € (ABS : 7 240 €) en fait une alternative plus que séduisante malgré son déficit de couple à bas régime. Quant à la Triumph, elle demeure la référence incontournable des roadsters sportifs les améliorations apportées au dernier millésime lui apportent même une touche de polyvalence bienvenue, le tout pour un prix qui défiera toute concurrence tant que les Japonais verront la compétitivité de leurs produits plombée par une parité Yen/Euro défavorable…
Points forts
- Moteur
- Tenue de route
- Prise en main
- Freinage
Points faibles
- Garde au sol
- Boite de vitesse rêche à bas régimes
Concurrentes : BMW F800R, Ducati Monster 796, Kawasaki Z800, Suzuki GSR 750
Commentaires
Il semblerait qu'elle soit enfin arrivée à maturité cette moto. Dommage que Yamaha ne l'ait pas fait d'entrée ! Maintenant, sa rivale directe à pris aussi du poil de la bête !
25-03-2013 18:32Il semblerait qu'elle soit enfin arrivée à maturité cette moto. Dommage que Yamaha ne l'ait pas fait d'entrée ! Maintenant, sa rivale directe à pris aussi du poil de la bête !
25-03-2013 20:07