Suzuki V-Strom 650 XT
Fausse globe-trotter, vraie routière
Les plus jeunes ne s'en souviennent pas, mais, il fût un temps pas si lointain (le début du siècle), Suzuki n’était pas loin d'être le roi de la planète moto. C'était l'époque bénie où ce site se lançait (1999), où ce(s) modèle(s) se vendaient à la pelle. Il y avait aussi l'incontournable GSX-R 1000, déjà reine de l'endurance et championne du rapport qualité-prix-puissance, les SV aux twins enjoués et (on y arrive) les trails routiers V-Strom. Après la claque de la version 1000 en 2002, la V-Strom 650 -dévoilée en 2004- a été un autre hit instantané pour Suzuki, se hissant immédiatement en haut des ventes mondiales de trails mid-size (650 à 800 cm3). Le hic, c'est que la concurrence n'était pas bien rude sur le segment et la popularité grandissante de ce type de machine correspond aussi à une lente érosion des parts de marché de Suzuki. Logique, vu que l'offre n'a cessé de s'étoffer : Kawasaki Versys 650 en 2006, Honda Transalp en 2007, Triumph Tiger 800 en 2009, Honda NCX en 2012... C'est également en 2012 que Suzuki réagit et revisite sa DL 650 après huit longues années. Et le rythme aujourd'hui s'accélère. Ceux qui pensaient être tranquille jusqu'en 2020 peuvent réviser leur calendrier vu que Suzuki a décidé d'épauler sa petite V-Strom d'une variante XT aux accents plus baroudeur. Pourquoi ? La réponse officielle est que la demande pour des machines au style “off-road” est en augmentation constante et que la XT répond logiquement à cette demande.
Découverte
Commençons tout de suite par ce qui change. La différence la plus flagrante est l'abandon des jantes à bâtons au profit de modèles à rayons. Réalisées en aluminium, elles sont adaptées aux pneus tubeless vu que les rayons viennent s'ancrer sur un double voile vertical plutôt que sur la jante elle-même, préservant ainsi l'étanchéité. Les dimensions sont identiques au V-Strom standard avec du 110/80-19” à l'avant et du 150/70-17”, tout comme la monte d'origine, des Bridgestone Trailwing.
La XT se différencie également par la présence d'origine d'un sabot moteur, de protège-mains et d'une selle bi-ton. Ah, j'oubliais ! Miss XT a aussi droit à une petite facétie stylistique avec la greffe d'un bec de canard sous le double optique, non pas pour singer (comme tout le monde) la BMW R 1200 GS, mais plutôt la lignée des Suzuki DR, anciens trails de la gamme dans les années 80-90.
Et c'est tout ? Presque, puisque Suzuki propose également pléthore d'accessoires pour donner encore plus à sa XT une allure de baroudeuse, notamment avec de la bagagerie “carrée”, des pare-carters...
Pour le reste, on retrouve les caractéristiques de la V-Strom “normale” avec son cadre en aluminium et son petit twin de 645 cm3 délivrant 60 Nm de couple à 6 400 tr/min et 69 chevaux à 8 800 tr/min. Côté suspensions, on a droit à 150 mm de débattements. Curieusement, le poids est inchangé avec 215 kg tous pleins faits malgré des jantes rayonnées réputées plus légères.
En selle
Sans surprise, la hauteur de selle (835 mm) n'a pas changé et poser les pieds par terre pour les petits gabarits se révèle compliqué. Avec 1,70 m, on se retrouve en équilibre sur les pointes à moins d'opter pour l'option “léger déhanchement” pour avoir au moins un pied à plat au feu rouge... Sous les yeux du pilote trône un tableau de bord complet : rapport engagé, deux trips journaliers ainsi que leur indicateur de consommation moyenne respective, une jauge de carburant, une jauge de température d'eau... Surtout, les informations peuvent défiler au tableau de bord au moyen d'une gâchette sur le commodo gauche. Ultra pratique et presque inattendu sur une Suzuki de ce segment !
Côté finition, ça varie de très bien à moins bien suivant les endroits où on porte le regard. Les jantes rayonnées sont sublimes et la peinture de bonne qualité. Le cadre alu noir et les fonderies moteur flattent aussi la rétine, mais la qualité de certains plastiques (les noirs) laisse toujours à désirer, tout comme l'aspect de la béquille latérale ou certains ajustements de carrosserie.
Reste que la XT fait plus cossu que la V-Strom “de base”. Côté ergonomie, le levier de frein dispose d'une molette d'ajustement, contrairement à l'embrayage. Devant, la bulle est réglable sur trois positions moyennant une petite séance de mécanique. Pour les journalistes ce n’est pas pratique, mais il est vrai qu'un propriétaire normal ne change pas ses réglages tous les quatre matins...
En ville
Sans surprise, on retrouve sur la XT les mêmes qualités qui ont fait la réputation de “bon cheval” du modèle original, à l'aise partout. A part une selle trop haute pour les plus de 1,70 m, tout va bien à bord. L'embrayage -pas réglable- n'est ni trop dur ni trop mou et facilement dosable et la boite de vitesse sait se faire oublier. Quant au twin, il se montre remarquablement souple à l'usage. Sur le dernier rapport, il est quasiment possible de descendre jusqu'au régime de ralenti (environ 35 km/h) et -sur les rapports intermédiaires- les reprises sont vigoureuses dès 3000 tr/min. La partie cycle est à l'avenant avec une mise sur l'angle douce et progressive (merci le grand guidon) et un bon équilibre dans les manœuvres à très basse vitesse. L'hydraulique manque un peu de finesse sur les ralentisseurs, mais ce petit défaut est largement compensé par les grands débattements de suspensions. Plus subjectivement, les jantes à rayons semblent également apporter un léger surcroit de confort sur les grosses compressions, mais nous y reviendrons un peu plus tard. Enfin, l'étroitesse générale devrait en faire un allié précieux en ville. Pour les adeptes des remontées de files en revanche, le constat est plus mitigé, car si le grand guidon passe par-dessus les rétroviseurs d'une voiture traditionnelle, il arrive à hauteur de ceux des bétaillères familiales mazoutées et des SUV...
Autoroute et voies rapides
Cette Suzuki XT se sort très bien de la punition des trajets autoroutiers. Sur le sixième rapport, le moteur ronronne à 5.000 tr/min à 110 km/h et grimpe à 5.900 tr/min à 130 km/h, vitesse à laquelle le twin vibre peu, voire pas du tout, suivant les régimes. Le combo large réservoir, bulle et protège-mains assure le job aux vitesses légales, ne laissant exposés que le haut du casque et le bas de jambes. Pour les gros rouleurs, la bulle optionnelle dotée d'un déflecteur est toutefois recommandée. Pas plus efficace dans l'absolu, elle offre l'énorme avantage d'éradiquer presque tous remous aérodynamiques et réduit de manière significative les sifflements dans le casque.
Quant au confort de selle, il est dans la norme, ni pullman, ni bout de bois. Reste l'inconnue des valises carrées qui pourrait gréver la stabilité à haute vitesse. Les modèles standards profilés, testés en parallèle sur une V-Strom 650 classique, n'entrainent qu'un léger flottement à des vitesses largement hors la loi.
Départementales
Le parcours concocté par notre ouvreur Jean-Pierre Goy (vous savez, la doublure “moto” de James Bond) nous a fait emprunter quelques-unes des plus belles routes à virolos entre l'Ain et la Savoie avec une boucle autour du lac du Bourget en guise de dessert.
Bonne pâte, la 650 XT se plie à tous les types d'utilisations sans rechigner. Pour musarder en admirant le paysage, elle est parfaite. Les suspensions souples et bien accordées s'accommodent de tous les types de bitumes tandis qu'on surfe sur le gras du couple en passant naturellement le rapport supérieur vers 5 500 tours.
Si l'envie ou le besoin de hausser le rythme se fait sentir, la V-strom XT répond également présente. Ni précise comme une Kawasaki Versys, ni franche et d'un bloc comme une Triumph Tiger, la petite Suzuki pourra probablement suivre le rythme des machines précédemment citées pendant un “quart d'heure colonial”, mais ça n'est franchement pas sa vocation. Toujours saine, elle pompe légèrement sur ses suspensions quand on commence à la pousser dans ses retranchements et le manque de mordant et de feedback des freins n'incitent pas à empoigner le levier de droite au panneau Trop Tard... Dommage, car le train avant accepte ce genre de contrainte sans se rigidifier ou relever la machine une fois sur l'angle. Le twin non plus n'aime pas trop être violenté. Au-delà de 6.000 tr/min, il connait un léger passage à vide où puissance et couple semblent plafonner. Tout revient dans l'ordre vers 7000 tours et on peut alors extirper les derniers chevaux-vapeur jusqu'à la zone rouge, bien aidé par une boite capable d'enchainer les rapports à la volée sans l'aide de l'embrayage. Mais le twin a indéniablement perdu le côté joueur à hauts régimes de la précédente génération. Malgré son âge, la monte d'origine en Bridgestone Trailwing une fois correctement chauffée s'acquitte pourtant bien d'un rythme sportif. Bref, l'idéal avec la XT, c'est de rouler à 70 % de son potentiel, zone dans laquelle elle délivrera le meilleur rapport efficacité-plaisir. Leurs arsouilleurs lui préféreront sa grande soeur 1000 cm3, carrément plus joueuse côté moteur et dotée d'un freinage redoutable d'efficacité.
Hors pistes (un peu)
Notre convoi, toujours mené par notre ouvreur/cascadeur, a eu droit à un parcours spécial hors-piste à base de chemins de terre très roulants, de petits chemins de terre alternant boue et pierre ainsi que quelques passages pseudo-trialisants. Pour avoir essayé une XT 650 avec les nouveaux Bridgestone A40, autrement plus performants que les antiques Trailwing montés d'origine, un trail mid-size est aussi à l'aise dans ces conditions qu'une girafe sur une patinoire : motricité inexistante, flou général sur terrain meuble, sensation de croiser les skis à chaque virage serré... Mais il y a un truc. Jean-Pierre Goy, encore lui, s'y connait un peu en tout-terrain vu qu'il dirige une école de pilotage entièrement dédiée à ce genre d'agaceries. Et donc pour jouer dans les chemins, l'homme a tout simplement dégonflé nos pneus à 1,5 bar. Le résultat est bluffant pour une machine de ce gabarit avec un vrai feedback au guidon et des sensations “naturelles” en hors-piste sans que la machine ne se transforme en serpent de mer une fois revenue sur route. Bon, dégonfler les pneus n'a pas non plus transformé la petite Suz' en une 450 d'enduro et la position de conduite debout sur les repose-pieds risque de gêner les grands gabarits avec un guidon ancré un poil trop bas. Mais la 650 XT s'en sort avec les honneurs et prouve que malgré sa vocation routière et un gabarit conséquent, les escapades hors des sentiers battus sont possibles, même pour un néophyte.
Testée en parallèle avec une V-Strom de base, la baroudeuse s'est montrée sensiblement plus à l'aise dans cet exercice, bien aidée par ses jantes Excel. Plus légères et plus flexibles, elles facilitent grandement le travail des suspensions sur les successions de bosses et apportent un surplus de confort sur les très grosses compressions. Les gardiens du temple anti-bitume objecteront qu'il manque un ABS déconnectable, mais pour les excursions occasionnelles, un tel artifice n'est pas vraiment obligatoire.
Confort
L'avant n'étant pas réglable, il faut donc se contenter d'accorder la poupe avec la proue. D'origine, (solo sans bagage) l'accord est parfait, procurant à la V-Strom sauce baroudeur un excellent équilibre quelque soit la qualité du bitume. L'hydraulique et le choix des ressorts dénotent une orientation typée confort. L'autre bonne nouvelle, c'est que l'amortisseur de la XT est équipé d'une très pratique molette d'ajustement de la précontrainte logée sur le côté droit à la jonction entre cadre et boucle arrière. Il suffit donc de jouer avec la molette jusqu'à ce qu'on retrouve l'équilibre initial.
Ajoutez à cela une selle moelleuse et taillée pour offrir une large amplitude de mouvement et vous obtenez une excellente routière. Comme la V-Strom standard...
Freinage
La V-Strom 650 XT a droit à un double disque de 310 mm de diamètre et des étriers à doubles pistons superposés à l'avant et un simple disque de 260 mm couplé à un étrier simple piston derrière. A l'usage, la puissance est bien là, mais le système manque de mordant à froid et même à “tiède”. Paradoxalement, le phénomène est nettement moins sensible à rythme très soutenu, les plaquettes semblant gagner en mordant au fur et à mesure qu'elles chauffent. L'ABS est bien calibré à l'avant, avec une entrée en action tardive et un faible retour dans le levier. C'est beaucoup moins bien à l'arrière avec des déclenchements rapides dès qu'on sollicite un peu trop la pédale de droite.
Consommation
La consommation officielle est annoncée pour 3,9 L/100 km en cycle normalisé. Dans la réalité c'est beaucoup plus tout en restant raisonnable. En conduite musclée, il est possible de grimper ponctuellement à 6,5 litres de moyenne, mais au terme de notre journée et demie d'essai, toutes nos 650 affichaient à leur tableau de bord des consommations variant entre 5,2 et 5,5 litres. Combiné au réservoir de 20 litres, on obtient une autonomie totale avoisinant les 350 km.
Côtés pratiques et accessoires
Lors de la sortie de la dernière V-Strom 650, nous avions souligné que la nouveauté n'était qu'une évolution de l'ancienne génération. Mais ça a parfois du bon. Si vous soulevez la selle de la XT par exemple, vous trouverez un espace “à l'ancienne” capable d’accueillir une tripotée de babioles très utiles comme un vrai U, une combinaison de pluie et une deuxième paire de gants d'été. En forçant un peu, on doit même pouvoir y rajouter le futur gilet jaune obligatoire... Bon, l'accès est barré par une barre de renfort surmontée du mécanisme de fermeture, mais on est largement au-dessus des standards du genre.
Plus gênant pour une routière, il faut aller piocher dans le catalogue d'options pour disposer d'une béquille latérale (268 €). Dans ce catalogue, vous trouverez également tout ce qu'il faut pour tailler la route, bouffer de la borne, avaler du bitume, bref, voyager avec un grand V : valises, top-case, pare-carters, poignées chauffantes... Le fait que Suzuki propose une tripotée d'accessoires est une excellente chose, mais transformer une 650 XT en GT baroudeuse n'a pas que des avantages. Plusieurs de nos machines d'essais étaient quasiment en mode full option : pare-carters latéraux, bagagerie plus ses supports additionnels... Et le surplus de poids, même à vide et sans passager se traduit par des performances sensiblement en retrait. Cette remarque est d'ailleurs applicable à tous les trails mid-size du marché. Donc si votre intention est de tailler régulièrement la route en duo avec armes et bagages, mieux vaut porter votre choix sur (au hasard) la V-Strom 1000.
Conclusion
Comme annoncé, cette variante XT ne diffère pas fondamentalement d'une V-Strom classique. Saine, sobre et confortable, elle se pliera de bonne grâce à tous les types d'utilisation : trajets maison-boulot, balade dominicale, départ en vacances et même un soupçon de hors-piste. En résumé, un genre de couteau suisse sauce Teriyaki relooké pour coller au plus près des attentes actuelles de la clientèle du segment. Et pour mettre la main sur une XT, il faudra rajouter 600 € face au modèle standard, soit une addition qui grimpe à 8 599 €. C'est presque cadeau quand on sait combien coute une paire de jantes Excel tubeless au détail... Face à ses concurrentes en revanche, cette XT subit de plein fouet la nouvelle politique tarifaire de Suzuki, ex-championne du monde du rapport qualité-prix : la Kawasaki Versys 650 ABS est affichée à 7 699 € et la Honda NCX 750 à 7.999 €, tout comme la XT 660 Z Ténéré de Yamaha. Reste le cas de la Triumph Tiger 800, nettement plus onéreuse (de 10.190 € à 12.490 €), mais offrant des prestations et des performances d'un tout autre niveau...
Points forts
- Prise en main
- Polyvalence
- Disponibilité moteur
- Confort général
Points faibles
- Freinage manquant de mordant
- ABS trop présent
- Quelques détails de finition
- Hauteur de selle
Commentaires
Tout est dans la conclusion : 1000 ¤ trop chère et sans aucune justification. (je passe sur les jantes totalement inutiles)
19-05-2015 17:46Pour rouler depuis une dizaine d'années avec 3 V.Strom 650 successives, je trouve cet essai quelque peu réducteur.
19-05-2015 18:53Que ce soit pour le quotidien en ville, pour l'arsouille sur petites routes viroleuses ou bien pour emmener madame, le chien et ses croquettes, ainsi que le materiel de camping en vacances; cette V.Strom est un vrai couteau suisse alliant agilité, performance, confort et espace pour la petite famille avec les bagages.
Chaussée de Michelins PR 3 ou 4, elle tient la dragée haute aux machines bien plus affûtées à condition de ne pas faire de circuit et de rouler avec des potes n'ayant pour seul bagage que le permis de conduire, mais la furieuse envie de rouler plus vite et mieux.
Pour faire frotter les repose-pieds, il faut déja bougrement attaquer ou bien que la route soit défoncée. Le freinage n'est pas au top, mais bien suffisant sur route ouverte et le prix d'achat, comme l'entretien, la consommation ou l'assurance sont des plus raisonnables eu égard à la polyvalence et au plaisir procuré.
Je ferai bien un petit tour avec "l'écrivain" qui à rédigé cet article pour lui expliquer le mode d'emploi...
"Surtout, les informations peuvent défiler au tableau de bord au moyen d'une gâchette sur le commodo gauche. Ultra pratique et presque inattendu sur une Suzuki de ce segment !"
22-05-2015 10:49Je ne sais pas si le fait d'apprendre que Suzuki est capable de tirer un câble électrique entre le compteur et la gauche du guidon est vraiment un motif de réjouissance.
lol
21-09-2015 13:40J'avais un 650 Vstrom travel édition , que du bonheur... mais en solo , pour le duo je l'ai trouvé pas top sur les routes de montagne !!! la même en 800 je rachète car la 1000 ne m'a pas convaincu en terme d'agrément ( protection , confort etc... )
11-11-2015 08:42