Essai Moto Guzzi V7 Classic et V7 Café
Cappuchinos décaféinés
Sur les traces de son histoire, Moto Guzzi ressuscite le mythe de la V7 Sport avec ces deux superbes déclinaisons sur un même thème : la mode rétro, mais le ramage vaut-il le plumage ?
Découverte
Assis sur mon 350 RD j’attends que Charly démarre sa V7 sport. Le gros twin en admission quasi libre et échappements du même tonneau s’ébroue dans un vacarme d’enfer. Couché sur sa belle italienne il suit ma trace en direction des boulevards extérieurs que nous allons bientôt prendre à des allures pas très raisonnables. Nous sommes en 1980. Charly a une « vraie » V7 sport. Pas les toutes premières de 1967 avec un tambour à l’avant, lui c’est une belle S2 noire avec 2 disques, qui envoie du gros gaz quand on tourne la poignée.
Avant de monter sur la V7 café, je repense à lui. Retrouverait-il ses 20 ans avec cette nouvelle mouture ? Je commence par un tour du propriétaire pour me faire une idée. Esthétiquement, c’est très réussi. Mieux que les Ducati classic qui ont trop « grossi » lors de leur résurrection. Ici c’est fin, sobre et l’esprit y est vraiment. Tout juste remarque-t-on un côté moins « longiligne » de la nouvelle qui évoquait la vitesse pure sur l’originale. L’empattement n’est pas seul en cause (2 cm d’écart, 145 contre 147 cm). C’est aussi la selle basse et le réservoir qui donnaient cette impression. En un peu plus de 40 ans elle est passée de 77 à 80,5 cm de hauteur et c’est sans doute la combinaison des deux qui se voit à l’œil. Mais ne boudons pas notre plaisir, qu’il s’agisse de la classic (noire) ou de la café (blanche), c’est très réussi.
Entre les deux versions, une paire de pots relevés, une selle monoplace à dosseret et des guidons bracelets distinguent la café qui est facturée 500 € de plus ! Ultime détail qui ne saute pas aux yeux tant c’est bien réalisé, tous les éléments de carrosserie sont en plastique : garde boue, réservoir, cache latéraux. Etonnant non ?
En Selle
On enfourche facilement la V7 qui reste vraiment petite pour une 750. C’est conforme à l’esprit de l’époque. Le tableau de bord à cadrans ronds et aiguilles est lui aussi un brun rétro, mais il fait limite « cheap » et finalement pas assez ancien. On aurait aimé un fond blanc avec une aiguille au bout orange pour nous rappeler un peu plus les traditions en vigueur à l’époque. Que la vraie V7 les ait eu ou pas on s’en fiche, c’était comme ça avant sur les motos de course et nous on a envie de sentir l’huile de ricin. Pas vrai Charly ? Bon on débéquille facilement ce poids plume, on passe la première et on met les pieds sur les reposes-pieds… trop en avant. La position n’est pas naturelle pour deux sous. C’est mieux sur la classic, mais on aurait vraiment aimé des commandes plus reculées, surtout sur la café.
Contact
Ah mon Charly je peux te dire que les voisins vont préférer cette version des échappements à la tienne, et ils n’auront pas tort. « La liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres »… le bruit reste tout de même sympathique, mais ce n’est pas aussi plein que la tienne. Il faut dire qu’en 40 ans la belle a perdu près de 20 cv (et moi pas mal de cheveux déjà !), ça calme ! Ton 748 cm3 ( 82,5 X 70,2) de 70 ch SAE à 7000 tr/mn, c’était un avion pour l’époque. Il emmenait ta V7 sport à plus de 200 chrono ! Malheureusement, il a cédé la place à un placide 744 cm3 ( 80X74) de 48,8 cv à 6800 tr/mn. Tout droit sorti de la Bréva et de la Nevada, il n’a plus qu’une ambition de gentil utilitaire. Paraîtrait qu’avec une paire de silencieux libérés ça change tout. Faut voir, mais sans ça, tu vas être déçu Charly, ça c’est sûr.
En ville
Ici tout va bien, surtout avec la classic qui offre une position plus adaptée avec son grand guidon. Le moteur est d’une douceur et d’une souplesse incroyable, ça change d’un Ducati par exemple. Pas de cognement à l’horizon, on repart très facilement à 2000 tr/mn sans jouer de l’embrayage. La moto se manie comme un vélo. C’est royal.
Autoroute
Oublie les 200 chrono de ta V7 sport Charly, mais c’est peut-être mieux pour ton permis. Quand tu auras atteint 170 km/h et 175 couché sur la café, tu seras au maxi. Les temps changent, mais avoue que c’est surprenant d’avoir fait une des premières moto de série capable de 200 km/h et d’en perdre 25 ou 30 après 40 ans de progrès ! Parce qu’une 750 sportive moderne aujourd’hui ça prend 100 bornes de mieux que le V7 café, mais à propos de café justement, je crois que l’autoroute ce n’est pas sa tasse de thé.
Nationales
Ici ça va déjà mieux, tu devrais être un peu plus à l’aise, mais évite les bosses, car cette Guzzi est montée sur ressorts. Ils ont dû oublier les amortisseurs sur la chaîne de montage à Côme. Ça sautille sévèrement. Si tu trouves une terrasse de café sympa, fais une petite pose et là tu vas pouvoir admirer ta belle sous son plus bel angle. Tu devrais faire ton effet. Les badauds vont te poser pleins de questions sur son âge, sa marque et avec un peu de chance tu devrais pouvoir trouver un joli mannequin qui acceptera de prendre la pose le temps d’une photo souvenir en noir et nlanc. Ça te rappellera tes 20 ans mais ne dis rien à ta femme en rentrant à la maison…
Départementales
Voilà enfin ton vrai terrain de chasse. Tu vas y retrouver les sensations de pilotage à l’ancienne. Pas besoin de déhancher avec tes pneus étroits (100/90 X 18 av et 130/80 X 17 AR), ça penche tout seul. Droit comme un I, tu peux prendre de l’angle en profitant de la bonne garde au sol. N’abuse pas trop quand même les pneus (à chambre) ne sont pas très tendres, mais tu as une bonne marge. Ne t’excites pas sur la boîte ni sur les freins, ce n’est pas du racing non plus. Préfères enrouler à un bon rythme et tu te feras plaisir. Sur que ça manque de chevaux en haut, mais le moteur est sympathique. Tu vas rouler le sourire aux lèvres sans crainte des radars. Je te connais, tu vas trouver que c’est un peu limite en sortie de courbe et tu n’auras pas tort. Tu veux mon avis ? Mr Moto Guzzi, il aurait dû y mettre le moteur de la Bellagio. Là, je crois que tu oublierais carrément de rentrer chez toi et que tu roulerais jusqu’à la panne sèche.
Freinage
Sûr qu’un simple disque avant de 320 mm et un étrier 4 pistons, c’est mieux que le tambour 4 cames de 220 mm. D’ailleurs tu te rappelles, les gars montaient des doubles disques... Avec des étriers de Renault 8 ! Bon, mais aujourd’hui encore le freinage est trop juste. Si tu veux attaquer. 2 disques (de Bellagio ! ) ça serait vraiment mieux ! Derrière le 260 mm fait très bien son boulot, mais gaffe sur sol mouillé, il est limite brutal.
Confort
Sur la Classic on est assez bien assis et les suspensions sont souples donc ça va plutôt bien tant que la route est lisse, mais dès qu’elle est bosselée, ça saute sacrément. Les vibrations sont bien contenues, pas de soucis. La position de conduite sur la Café est moins agréable à la longue, mais vaut mieux rouler sur la route avec ça qu’avec une Triumph 675 par exemple. Reste que les grands auront du mal à loger leurs genoux derrière les couvres culasses.
Consommation
Je te connais, tu vas essorer un peu la poignée, alors même si grâce à l’injection ça consomme moins que tes carbus, compte environ 6l/100, soit 240 km avant réserve et 280 km en tout (le réservoir fait 17 litres dont 2,5 litres de réserve).
Pratique
La version Café est homologuée biplace mais il n’y a ni place sur la selle-dosseret, ni repose-pieds passager. Les aspect pratiques sont réduits à néant, mais n’oublions pas de mentionner la transmission par arbre, propre et quasi sans entretien.
Conclusion
Je préfère te le dire directement Charly : V7 oui sans doute, mais sport non, à aucun moment. D’ailleurs je m’emballe mais si la V7 fait référence à la V7 sport, le nom du nouveau modèle n’est pas V7 sport, c’est classic ou café. En fait, il s’agit simplement d’une Breva avec une carrosserie rétro. Je crois que si Cesare Carcarano découvrait la descendante de sa V7 sport, il serait heureux de voir que sa création est entrée dans l’histoire et que 40 ans et quelques plus tard « son architecture » est intacte. Mais il serait déçu par son manque de performances. Dommage car avec le 940 cm3 Moto-guzzi a exactement le moteur, la transmission et les freins qu’il fallait à une V7 sport moderne. Paraît qu’elle serait trop chère… possible mais elle serait à la fois plus performante et plus attachante. On lui pardonnerait alors sans doute ses 1500 € de plus que la café. Parce que là même à 7990 € , la V7 classic ne semble pas donnée compte tenue de sa technologie et de ses performances. Quant aux 500 € de plus pour la café, on se demande où ils vont les chercher…
Points forts
- élégance
- souplesse du moteur
- transmission par arbre
Points faibles
- performances modestes
- amortisseurs arrière quasi absent
- prix élevé surtout en café
La fiche technique de la Moto Guzzi V7
Conditions d’essais:
Itinéraire: Ville + autoroutes interurbaines et départementales
Kilométrage de la moto : 350 km
Problème rencontré : aucun
Commentaires
Merci pour ce bel essai tant littéraire que technique.
25-04-2013 11:20Même si aprés sa lecture je crains de rester sur ma faim lors de l'essai programmé de cette Belle, par d'autres aspects il donne envie d'y aller soigner un brin sa nostalgie...
Recyclage du small bloc des V35, V50, V65, V75
12-09-2020 15:52faut aimer le rustique