Essai KTM RC 390
Moyen mono maximisé
Monocylindre, 373 cm3, 44 ch et 37 Nm, 164 kg pleins faits, suspensions WP Apex réglables, freins ByBre, ride-by-wire...
Sept ans, c'est une éternité dans la recherche et développement de motos sportives, encore plus lorsque le modèle en question est utilisé en compétition. Pourtant, c'est le temps depuis lequel la RC390 de KTM écume les circuits de course, arpente les boulevards et sillonne les routes partout dans le monde, depuis son lancement en 2014.
La RC390, c'est la plus grosse cylindrée des trois déclinaisons (RC125, RC200 et RC390) développées par les ingénieurs KTM en collaboration avec leurs collègues de Bajaj Auto, qui en assure aussi la production dans son usine de Chakan, près de Pune en Inde. Là-bas, plus de 100.000 motos de ce type ont été produites, ce qui montre à quel point la famille RC est un segment important pour les partenaires de la joint venture indo-autrichienne.
On avait déjà essayé avec régal le modèle de la RC390 en 2014. L'heure est maintenant venue pour une refonte radicale du monocylindre KTM pour 2022 sur un segment de plus en plus crucial qui combine une utilisation quotidienne avec la tentative de s'imposer dans la catégorie de course Supersport 300. La catégorie 300 est de plus en plus populaire et c'est aussi là que les twins Kawasaki Ninja 400 et Yamaha YZF-R3 ont dépassé la RC390. Et pourtant, la RC390 a longtemps été la référence de la catégorie. Il suffit de regarder la grille du Championnat du Monde SSP300 2021 pour ne plus apercevoir que quelques rares machines KTM à venir troubler les leaders. Une situation qui est loin de plaire au propriétaire de la marque Stephan Pierer. Au-delà de voir son modèle être délaissé sur le marché au profit d'une concurrence orientale plus jeune. Ajoutez à cela le désir de créer une dynamique commerciale reposant sur le succès d'Albert Arenas sacré champion du monde Moto3 après trois ans de domination Honda et que le rookie Pedro Acosta pourrait doubler cette saison et il est maintenant important pour la marque autrichienne de revoir de fond en comble sa sportive.
Et c'est ce qu'à fait KTM pour sa RC 390 millésime 2022.
Adriaan Sinke, responsable de la gestion des produits chez KTM :
Nous voulions tout d'abord mettre à jour l'apparence de la moto pour lui donner un aspect plus sportif, plus moderne et plus proche des motos de course. Mais pour 2022, nous voulions aussi améliorer le confort, car beaucoup de nos clients utilisent ces vélos tous les jours. Nous avons également souhaité lui permettre de séduire une clientèle plus large en la rendant plus spacieuse avec une ergonomie adaptable à des morphologies plus variées. Ainsi, la selle et le guidon sont réglables, il y a un carénage plus grand pour offrir plus de protection tout en conservant une sensation générale de légèreté. Dans l'ensemble, notre objectif était de conserver les performances sportives et de les améliorer là où nous le pouvions, mais aussi de la rendre plus pratique sans perdre en sportivité.
Découverte
Au-delà de passer Euro 5, KTM s'est énormément appuyé sur la mise à jour du moteur de la 390 Duke introduite en 2017. Accélérateur électronique et embrayage à glissement pour améliorer le couple et la précision, moteur monocylindre de 373 cm3 à carter humide, refroidissement liquide, 4 soupapes et double arbre à cames en tête entraîné par chaîne reste ainsi globalement inchangé par rapport à la Duke, la même boîte à six vitesses avec des rapports de démultiplication identiques et le même grand embrayage à bain d'huile. La puissance maximale est également identique à 44 chevaux (32 kW) mais obtenus 500 tours plus bas à 9.000 tr/min. Le couple augmente sensiblement en passant de 35 à 37 Nm avec un pic obtenu plus bas, à 7.000 tr/min contre 7.250 tr/min avant. Selon Sinke, ce que les ingénieurs visaient avant tout était une répartition plus large de la puissance et du couple. Les intervalles d'entretien sont quant à eux maintenus à 7.500 km.
Le groupe motopropulseur compact ne pesant que 36 kg mesure 89 x 60 mm pour une capacité de 373,20 cm3. Les principales pièces moulées du moteur RC 390, y compris le carter et la culasse, sont toutes partagées avec la dernière 390 Duke. La culasse à 4 soupapes adopte par contre une paire de soupapes d'admission plus large de 36 mm (contre 35 mm) et d'échappement de 29 mm (identiques), réglées sur une angle total de 29,5°. Les deux arbres à cames en tête entraînés par chaîne actionnent les quatre soupapes via un poussoir en aluminium traité DLC pour réduire les frictions au maximum, avec un seul contrepoids entraîné par engrenage pour éliminer les vibrations. Même en faisant monter le mono à sa limite de 10.500 tr/min on ne ressent aucun picotement pourtant habituel sur un moteur de ce type.
Le moteur 2022 présente une compression de 12.6:1 (un point de plus qu'avant) toujours compatible avec un Sans Plomb 95, avec les mêmes profils de came que sur la Duke et un grand corps de papillon Dell'Orto de 46 mm à travers une boîte à air plus grande qu'auparavant et avec un unique injecteur utilisant le même calculateur Bosch commun à tous les modèles KTM fabriqués en Inde. Cependant, contrairement aux variantes plus petites du moteur dotées d'une seule pompe, on retrouve deux pompes à huile Eaton sur le 390, une pour la lubrification sous haute pression, l'autre en aspiration pour l'évacuation du carter. C'est parce que l'utilisation du même carter que les petits moteurs signifie que le vilebrequin de la 390 se trouve plus profondément dans le moteur.
Le silencieux en aluminium du nouvel échappement Euro 5 en acier inox est désormais monté à l'extérieur sur le côté droit de la moto, par rapport à l'installation beaucoup plus compacte au bas du carénage du modèle Euro 4 précédent. C'est principalement dû au deuxième catalyseur qui a dû être ajouté pour répondre à la nouvelle norme, ajoutant au passage 3 kg supplémentaires. Cela se reflète dans le poids en hausse du modèle 2022 annoncé à 155 kg tous pleins faits contre 149 kg à sec pour le millésime précédant.
Ce changement se fait malgré les efforts de KTM pour réduire le poids. 4,2 kg ont en effet été gagnés rien qu'avec le nouveau design des roues en aluminium coulé à cinq branches désormais chaussées de pneus Continental ContiRoads en 110/70 ZR17 et 150/60 ZR17. Ces jantes ont moins de branches, des moyeux creux, des anneaux d'ABS de plus petit diamètre et les disques de frein sont désormais boulonnés directement aux roues plutôt qu'à un support central. L'avant porte ainsi un disque de 320 mm avec un étrier radial à 4 pistons et l'arrière un 230 mm avec un étrier flottant à simple piston, tous réalisés par Bybre, la filiale indienne de Brembo. L'ABS Bosch 9.1 MP à deux canaux vient compléter le dispositif. En plus de faire baisser considérablement le poids non suspendu pour améliorer l'accord des suspensions, ces ensembles roues/freins plus légers offriront également une meilleure accélération et un meilleur freinage en réduisant l'inertie. La maniabilité devrait également y gagner. En plus, ces jantes sont élégantes.
C'est également vrai en ce qui concerne le style Kiska Design entièrement revu sur cette nouvelle moto, dont le prototype non peint au corps noir m'a été confié à quelques semaines de la présentation et que j'ai eu la chance de piloter. Quelques jours plus tard, j'ai vu la version entièrement peinte dans le studio Kiska de Salzbourg et croyez-moi, c'est un régal pour les yeux.
KTM a supprimé les doubles phares du modèle sortant au profit d'un bloc unique à LED plus grand et monté au centre derrière un cache en Plexiglas qui facilite son retrait pour une utilisation sur piste. Le résultat fait que la RC 390 redessinée est un peu moins agressive, mais plus cohérente et raffinée qu'avant.
Le moteur mis à jour est installé en tant qu'élément semi-contraint dans un tout nouveau cadre treillis tubulaire en acier dont les deux parties sont soudées ensemble, avec un sous-cadre arrière boulonné séparé et associé à un bras oscillant en aluminium moulé sous pression actionnant un amortisseur WP APEX à action directe (cantilever) réglable sur 10 niveaux de précharge du ressort, ainsi qu'en compression. On retrouve toujours l'énorme débattement de 150 mm de la roue arrière qui permet à cette sportive de faire face aux conditions de route difficile des marchés ciblés.
Le nouveau cadre adopte une géométrie de direction similaire à celle d'avant avec la nouvelle fourche inversée WP APEX de 43 mm placée à 23,5° (contre 25° sur la Duke) via des triples tés en aluminium forgé, avec une chasse de 84 mm contre 88 mm avant. Cette fourche marque une avancée significative par rapport à l'ancien élément non réglable, car elle est désormais ajustable en compression et détente.
En selle
Mon essai de la RC 390 de pré-production a révélé une moto nettement meilleure que la version de 2014, essayée alors à Modène, en Italie. J'ai notamment trouvé le nouveau carénage considérablement plus protecteur que l'ancien et la position de conduite également très différente de celle d'avant grâce au réservoir de 13,7 litres 45% plus grand (9,5 litres avant) qui vous permet de vous installer plus en arrière dans l'empattement légèrement plus long de 1.343 mm (3 mm de plus). Cependant, vous pouvez ajuster le guidon bracelet très facilement pour trouver une position plus confortable. La selle est encore plus haute que la précédente, cuminant à 824 mm, soit 4 mm de plus qu'avant. Toutes ces petites différences se traduisent par une moto qui, pour ma stature de 1m80, semble plus spacieuse qu'avant. Malgré cette hauteur de selle, on a moins la sensation d'être perché comme sur l'ancien modèle.
Malgré sa cylindrée moyenne, la RC 390 est une moto "full-size" avec une posture sportive assez naturelle qui reste confortable même pour un motard de 1m80. C'est parce que la position de conduite est en réalité plus droite que ne le suggère le style agressif de la moto et il y a surtout de la place sur la selle pour pouvoir se coller sur le réservoir derrière la bulle lorsqu'on le souhaite.
Une fois à bord, les commandes se révèlent légères et faciles à utiliser. Contrairement au modèle précédent, dont la position sportive mettait pas mal de poids sur les poignets et les épaules, suffisamment pour que cela soit fatigant en ville à basse vitesse, la nouvelle RC offre une position plus équilibrée et donc plus confortable.
Essai
Mon essai à travers les collines derrière l'usine KTM de Mattighofen a parfaitement démontré pourquoi il est parfois mieux de faire moins quand il s'agit de sportives monocylindre. On n'a pas besoin d'avoir des performances de Superbike 4 cylindres pour s'amuser et lorsque l'on prend des virages sur les routes de campagne, un mono bien piloté peut même souvent se montrer plus rapide. Cela souligne que KTM a une fois de plus produit une moto qui, tout en répondant à toutes les normes et formalités législatives imposées aux constructeurs, fournit toujours cet ingrédient essentiel qui nous donne à tous l'envie de faire de la moto : le fun.
Car malgré l'empattement réduit et cette géométrie de direction fermée, la RC390 ajoute de la substance à son agilité. Ce n'est pas une minimoto, mais une "vraie" bécane. Et la note distinctive et agréable du silencieux que l'on entend lorsque l'on presse le bouton de démarrage électrique et que le moteur DACT prend instantanément vie se révèle puissante et percutante, même sans le pot Akrapovic optionnel.
Le moteur dispose d'une plage de puissance définitivement plus large que sur la précédente version, mais avec une arrivée en douceur lorsque l'accélérateur est ouvert en grand et sans à-coup de transmission, même s'il faut se maintenir au-dessus de 3.000 tr/min. Le couple à mi-régime est également amélioré avec plus de vie à partir de 4.500 tr/min et une valeur maximale atteinte à 7.000 tr/min, mais qui reste nette au-delà. Il n'est donc pas nécessaire de faire tourner le moteur jusqu'à la zone à cinq chiffres pour obtenir une accélération énergique, un changement de vitesse à 8.500 tr/min permet de mettre le moteur dans le haut de la courbe de couple sur le rapport supérieur.
Le moteur se montre également très lisse, sans la moindre vibration grâce à l'arbre d'équilibrage et aux poids en bout de guidon. Il sort de son ralenti à 1.300 tr/min sans utilisation excessive de l'embrayage et est très tolérant. Sur les accélérations, on reçoit un petit coup de pied supplémentaire au-dessus de 6.000 tr/min lorsque les régimes commencent à augmenter un peu plus rapidement avant d'activer la diode rouge de l'indicateur de changement de vitesse, réglé par KTM sur 9.500 tr/min pour avertir de l'imminence du rupteur 1.000 tours plus hauts.
Mais avec 32 Nm de couple déjà disponibles à 6.000 tours, il n'est pas nécessaire de pousser la RC390 trop loin dans les tours pour obtenir des performances agréables. La boite est plutôt bien étagée pour permettre d'apprécier tout le caractère moteur. Bien que l'on n'ait pas besoin de l'utiliser trop souvent, celle-ci présente le même fonctionnement que sur les autres KTM indiennes avec un embrayage léger à action progressive. La montée en régime est régulière plutôt que rapide, mais au-dessus de 6.000 tours, l'accélération est nettement plus marquée et il y a une allonge insoupçonnée pour ce moteur de 373 cm3 grâce à cette courbe de couple très plate.
La RC390 grimpe à 135 km/h sur route ouverte avec un moteur confortablement installé à 8.000 tr/min et monte même à 9.200 tr/min lorsque l'on grimpe à 160 km/h.
Partie cycle
La nouvelle RC 390 est agile et rapide dans les changements de direction et se montre donc très facile à emmener d'un côté à l'autre dans les enchaînements de virages, ce qui en fait une monture qui inspire confiance sur les routes sinueuses. La maniabilité est aussi facile et efficace que sur l'ancienne, mais avec plus de retours d'information du pneu avant grâce à la nouvelle fourche et à la nouvelle monte de pneus.
La maniabilité précise et la confiance que cela inspire, couplée à la stabilité à haute vitesse, permet d'exploiter l'avantage clé d'un monocylindre performant, à savoir la vitesse en courbe. Maintenir l'élan durement gagné est essentiel et la bonne adhérence du ContiRoads avant donne la confiance nécessaire pour le faire. La qualité d'amortissement sur route est assez bonne à l'avant comme à l'arrière pour une petite moto légère et sportive.
Freinage
Le système de freinage ByBre est lui aussi excellent. Il n'est pas nécessaire de serrer le levier de frein aussi fort que sur l'ancien modèle pour obtenir une forte puissance de freinage. En effet, c'est assez surprenant de voir à quel point le monodisque et son étrier radial à quatre pistons fonctionnent bien, montrant une assez bonne morsure pour arrêter la moto lancée à 160 km/h malgré mes 87 kg.
Conclusion
KTM revient aujourd'hui avec une moto performante qui séduira les jeunes pilotes et les plus âgés qui savent qu'il n'y a pas besoin de plus de chevaux pour aller plus vite que les autres d'un point A à un point B le long d'une route viroleuse ou d'un circuit sinueux.
La RC390 est une superbike monocylindre qui met en confiance y compris lorsqu'on la pousse à ses limites, car très intuitive sans être nerveuse, mais aussi plus communicative grâce à cette fourche améliorée. De quoi remettre la RC 390 en piste en championnat.
Et l'on vous donne rendez-vous dans un mois pour l'essai de la version de série sur route et sur circuit, avec une vidéo à la clef.
Points forts
- Agilité
- Suspensions
- Freinage
- Moteur
Points faibles
- A confirmer lors de l'essai du modèle de série
Commentaires
Elle fait envie quand même.
13-08-2021 08:36bon, j'accroche un peu moins à la face avant que sur l'ancienne, mais KTM devrait sortir cette version noir (genre une "black edition", elle est pas mal
tom4
«C'est parce que l'utilisation du même carter que les petits moteurs signifie que le vilebrequin de la 390 se trouve plus profondément dans le moteur.»
13-08-2021 10:01Concrètement, ça veut dire quoi? Je ne comprends pas la notion de profondeur pour un vilo, nécessairement le truc mobile le plus bas d'un moteur…
Ca peut être sympa à utiliser. Me rappelle le concept de la SZR 660. Mais niveau look j'ai vraiment du mal. Vu de face, grosse tête. Vue de profil, carénage pas fini, manque des bouts coupés à la scie sauteuse. Un peu comme les CBR 650.
13-08-2021 11:07Bon après c'est vrai que quand on est dessus, on la voit pas... :)
Wow, trop bien vous avez eu le privilège de tester le modèle pré-série ! Est-ce qu'ils se sont précipités pour la présenter pour ne pas qu'elle soit dans l'ombre des prochaines 490 ? En tous cas, c'est clair que le fait que le promosport 400 la boude complètement lui donnait une mauvaise image. C'est une bonne chose qu'ils aient revue leur copie, d'autant plus qu'il n'y a plus aucune concurrence à part la cbr500r, la R3 et Ninja 400 ont été éjectées par euro5.
13-08-2021 11:43