Essai KTM 390 Duke
Si fraîche !
Monocylindre de 398 cm3, 45 ch et 39 Nm, 165 kg tous pleins faits, 6.749 euros
La petite, c’est l’espiègle. Elle a fort à faire dans son cénacle, la brigade 400-500 s’étend, comme un retour aux années 80, normes Euro5 en sus. Pour tous les goûts, de la Kawa ZX-4R à la Triumph Scrambler 400 X, en passant par la Yamaha MT-03 ou l’oubliée Honda CR-F 300.
Présentée au salon de Milan en 2012, la Duke 390 figure parmi les aînées. Pour ça que le lifting 2024 lui donne un sacré coup de jeune. Jupe courte, collants noirs, Vans, multiples piercings aux oreilles, coiffure savamment désordonnée, fan d’art contemporain et de festivals… celle qui refuse de vieillir.
Dans l’univers de la moto, c’est une noblesse (Duke). Comme la 125, la 390 est développée en Inde, chez Bajaj, industriel avec lequel KTM a établi un joint venture dès 2007. Marrant d’ailleurs que Triumph ait aussi développé sa nouvelle 400 avec le même Bajaj.
Peu à peu, les marques ne sont devenues que des bureaux de développement, pour sous-traiter la fabrication en Asie, sur les traces de l’automobile. L’industrie, un monde de moines copistes.
Découverte
L’esprit s’enrichit de ce qu’il reçoit, le cœur de ce qu’il donne. Tellement pompeux de citer Hugo dans un essai moto, je refuse de m’en priver. Le cœur de la 390 se donne un peu de poumon, avec une vingtaine de cm3 supplémentaires (accroissement de la course du piston), qui compense l’étranglement des normes, Euro5+ toque à la porte. Et une nouvelle culasse. Le moteur est aussi plus léger que l’ancien, le circuit de refroidissement a été modifié (capteurs au plus près des points chauds du moteur pour mieux renseigner le boîtier ECU) et les intervalles de révision passent de 7 500 à 10 000 km. La puissance ne varie pas, à 44,9 ch (46 ch pour la version indienne, moins normée) contre 44 avant… Suffisant ? Pffff… évidemment ! J’en suis à me demander si ce n’est pas un chouïe trop ; la même puissance que l’inouïe Norton Manx de 1950 et tout le monde la voulait en ces temps où le radar-robot n’existait pas. T’as vraiment peur de t’ennuyer avec 45 bourrins ? Viens, on part.
Non, attends un peu. On termine le tour d’horizon. Je veux te parler de la boîte de vitesses. Reste, tu vas être surpris ! Une gageure de concevoir et faire fabriquer une nouvelle boite, poste important de dépense dans un cahier des charges calculé au boulier fin. Les 5ème et 6ème rapports n’ont plus le même ratio. Un quick shifter est dispo en option, 204 euro. C’est que la Duke n’a pas tant évolué depuis 2013, celle-ci restera comme le premier vrai upgrade, malgré la refonte de 2017. Avoue que ça valait le coup de rester. La suite va te bluffer. On va parler partie-cycle. (J’attise comme personne la stimulation curieuse).
Le cadre treillis en tubes d’acier a été adapté pour ancrer l’amortisseur sur le côté droit de la moto, afin de libérer de l’espace pour la boîte à air. L’idée, c’était d’en profiter pour améliorer la rigidité du cadre en torsion (!?) et accroître la réactivité de la partie-cycle. Pas sûr de pouvoir faire la distinction entre les éléments de langage marketing et le bien fondé de cette refonte… Les enjeux industriels ont probablement commandé ces modif’, dans quel but, je l’ignore et KTM n’en parle pas. Un prochain trail ? Une prochaine sportive RC ? Parce qu’on ne pouvait pas reprocher à l’ancienne 390 son manque de maniabilité ou de réactivité. Mais peut-être roulez-vous bien plus vite que ce que j’envisage. Plus probant, la hauteur de selle légèrement abaissée, à 820 mm contre 830 et la possibilité de la réduire à 800 mm en option (selle au catalogue Power Parts, le prix n’est pas encore dispo mais la selle en option de la 990 Duke est à 146 e, donc…).
La fourche WP Apex de 43 mm de diamètre (41 mm sur une MT-09 !), identique à celle de la 990 Duke, renferme de nouvelles cartouches. Le débattement est augmenté de 8 mm. Les réglages (5 crans en compression et détente) sont plus sensibles, toujours dixit KTM. Là encore, seules des contraintes sévères révèlent ces nuances. L’amortisseur s’ancre directement sur le nouveau bras oscillant, qui laisse plus d’espace au silencieux d’échappement, lui aussi modifié, à cause des normes.
Le disque avant de 320 mm, avec un nouvel étrier, ne possède pas de frettes qui le fixe au moyeu de la jante (disque non flottant). Et ça fait un peu vide. Mais permet de gagner quelques grammes sur des masses non suspendues. Tiens, le poids… 165 kg tous pleins faits, ça va, même si on rêve d’un petit roadster de 150 kg.
Le prix ? Toujours trop cher, parce qu’on n’est jamais content d’une part, que l’inflation prise par les petites cylindrées en quatre ans ne cesse plus. La 390 de 2020 coûtait 5 999 euros… 800 euros de plus aujourd’hui et en 2028 ? Comparaison qu’il faudrait développer, ok, mais éloquente : la 390 coûte 288 885 roupies indiennes, soit 3 226 euros. La fiscalité, les marges des concessionnaires, les salaires des intermédiaires sont bien différents. Mais…
Plus réjouissant, le nouveau look. C’est franchement compliqué, à 50 m, de distinguer la 390 de la 990, en un coup d'œil. On aime tellement rassurer nos égos.
Justement, on y va cette fois ?
En selle
Le luxe, c’est la légèreté. Source de bonnes sensations. Et la finesse. Enserrer la moto, apprécier le contrôle même à l’arrêt. La Duke se donne, sans frétiller encore. Selle confortable, joli tableau de bord TFT 5 pouces (commandes au guidon gauche et surtout grande facilité pour visiter les menus et sélectionner les réglages proposés : mode Street ou Rain, launch control (...) quand on choisit le fond d’écran orange “Track”…), ensemble guidon/selle/repose-pied ergonomique, le réservoir de 15 litres n’oblige pas à élargir l’entrejambe. Rien de compliqué, la dolce vita. 1m68, les deux pieds au sol, les essayeurs plus grands ne se sont pas plaint de la position.
En ville
On n’a pas roulé en ville, quelques passages dans des bleds andalous, déserts, quelques ronds-points, nul ne doute de la facilité de l’espiègle sur ces terrains-là. L’embrayage est progressif, souple, la boite (avec l’option quick shifter) ne bronche pas et le mono reprend tranquille à 2.500 tr/mn, sans vigueur mais docile.
Autoroutes et voies rapides
5 000 tr/mn à 130 km/h, il y avait un vent bourrasqueux et pas en poupe, de travers, donc un calvaire. Couché sur la bombinette, j’ai attendu que le temps passe et il est arrivé trop tard… Deviserons-nous sur les capacités autoroutières de la KTM 390 Duke ? Y aura-t-il de la neige à Noël ? Pourquoi dit-on bâbord et tribord sur un bateau et non gauche et droite ? Pourquoi le point d’interrogation a-t-il cette forme ?
Départementales
Bon dieu, enfin ! Des années que je n’avais pas eu le poignet autant étiré après deux heures de meule. A moto, le plaisir, c’est pas de rouler vite mais à fond. Avec les centrales nucléaires de 200 ch, les plombs de mes neurones fondent en larmes de désespoir, de honte. Trop de puissance rend impuissant (tsssssss). Là, à dimension humaine, on s’entend. On se lit (re tsssssss). Le plaisir se décuple. Un appui sur le repose-pied, la fesse légèrement décalée, le casque dans le guidon, la plume virevolte, l’encrier s’agite à 9 000 tr/mn, tout s’emballe autour de moi, je reste imperturbable. Majestueux. Seule une petite cylindrée provoque ce panache. La Duke 390 particulièrement. Tout y est précision, “ordre et beauté, luxe, calme et volupté” (pfffff, après Hugo, Baudelaire ; foutez-vous de moi, je paie ma tournée). Si ça marche ? Je t’ai dit qu’on s’en fout. L’ensemble moteur/partie-cycle de la Duke, c’est l’homogénéité incarnée, l’évolution de l’espèce, celle qui s’adapte et survit, tu te rappelles ? T’en es où de tes 100 ch au litre - dinosaure ? Tout ce qui importe ici, c’est le caractère et la vivacité des montées en régime. Avantage du petit moteur, il s’excite à mi-régimes, par des cris plutôt que des gestes, mais ça file quand même. De 6 000 à 9 000 tr/mn, le petit poumon crache tout ce qu’il peut, sans s'essouffler, sans m'essouffler.
Et puis les routes andalouses sont sales, étroites, parfois sans visibilité, alors la facilité à ramener la 390 sur le droit chemin apaise l’inquiétude. Le freinage mord pas mal, progressif mais pas très puissant. Le frein arrière s’apprécie, plus puissant que sur la plupart des motos aujourd’hui. Surtout, l’ABS ne se déclenche pas trop vite.
L’idée serait de partir entre potes, en famille, voire entre ennemis et savourer les joies de la bourre irraisonnable mais jugulée. Retour à la moto simple, facile, mais désormais excitante grâce à la 390 Duke, son tour de force. Excitante par son mono rageur et par sa partie-cycle précise, agile mais rassurante, précise du train avant. Les Michelin Power 6 renvoient un bon feeling, même si j’ai trouvé difficile d’en percevoir les limites, c'est-à-dire de les sentir travailler en courbe. Quand je parle de bon feeling, il s’agit plutôt du profil des pneus, qui facilite la mise sur l’angle.
Partie-cycle
J’en ai pas mal parlé plus haut, des suspensions, du cadre, du bras oscillant… De cet ensemble résulte un sentiment de sécurité teinté de la jouissance de la maîtrise (le pourpre, la teinte de la jouissance ?). La Duke se balade comme une vraie moto, pas comme une petite moto, comme une Royal Enfield Interceptor ou la nouvelle BSA Gold Star, pourtant plus fortes en cylindrée. Rigide, précise, capable d’être emmenée sur un (petit) circuit.
Confort/duo
Aucune idée de la capacité de la 390 en duo, mais la selle est large. Les repose-pieds me paraissent un peu reculés… Bref, du dépannage. Le confort suffit, les suspensions se tendent et détendent avec progressivité, la selle pilote large est agréable. Et la position de conduite aussi.
Consommation
On n’a pas fait le plein sur ce court trajet d’environ 150 km. Si j’en crois la conso affichée au tableau de bord, on serait aux environs de 4,8 l/100 km, en roulant comme des débiles. Donc pas de vraie info ici, problème d’une présentation courte.
L'essai vidéo de la KTM 390 Duke 2024
Conclusion
Je sais, je n’ai convaincu personne. Je mesure la misère de mon destin de prêcheur anachorète. Mais déterminé. La simplicité et la légèreté sont l’avenir de la moto. Les futures motorisations alternatives ne nous y préparent pas, semble-t-il, aussi les petites cylindrées s’imposent-elles parmi les solutions évidentes, à commencer par la santé portefeuille. Même si la Duke est chère, à seulement 1 300 euros d’une Yam MT-07, plus vivante en moteur.
Son atout de maître, c’est sa partie-cycle presque surdimensionnée, rapport aux capacités du moteur. Elle se démarque là de pas mal de 400 ou 500. Par exemple de la Yam’ MT-03, sympa, un peu moins chère (400 euros) mais moins rigoureuse. Sinon, la Hornet 500, de même puissance mais que je n’ai pas essayée. Quant à la Kawa Z 400 (6 449 euros), elle n’a pas non plus la rigueur de la KTM. Et pas le look. Ni l’équipement.
Points forts
- Partie-cycle rassurante et efficace
- Equipement
- Moteur volontaire
- Ce look !
Points faibles
- Tarif élevé
- Sonorité avec le silencieux d’origine
La fiche technique de la KTM 390 Duke
Conditions d’essais
- Itinéraire : 150 km routes sinueuses
- Météo : très nuageux, 7°C à 17°C
- Problème rencontré : RAS
Equipements de série
- ABS
- Traction control
- Ride-by-Wire
- Embrayage anti-dribble
Disponibilité / prix
- Coloris : Orange - Bleu
- Prix : 6.699 euros au lancement puis 6 749 euros
- Disponibilité : mars 2024
Equipements essayeur
- Casque X-Lite X 801 Carbon
- Blouson cuir Segura Bongo
- Jean Vanucci
- Basket Cofra
Commentaires
J ai hesité mais comme j aime bien le orange comme couleur j ai pris une honda 500CL orange.. et elle fonctionne a merveille.. et pour longtemps…
11-05-2024 00:37En comptant divers frais 7000 balles, il faut aimer l'orange.
11-05-2024 07:37Pour un produit qui n'est même plus fabriqué en Europe, à ce prix on a des chinoises de cylindrée supérieure auxquelles il faudra rajouter avec le temps quelques aménagements (amortissement).
On achète avant tout cette moto pour le fun alors le prix devient accessoire n'est ce pas?
Je commence seulement à me faire à son design mais une petite cylindrée rigolote sur les petites routes c'est jouissif surtout en mono. Reste la fiabilité?
KTM qui est quand même expert en cross devrait nous sortir une 450 civilisée à l'image de la Duke.
11-05-2024 13:43... Pour longtemps lui va mieux 11-05-2024 20:42
La yam mt-03 320 cc est certainement moins efficace en partie cycle et freinage que cette KTM mais nettement plus agréable sur de longs parcours .Et question budget je l'ai testé sur 55000km (avec 2 Mt-03 2016 et 2019)et là elle plante tout le monde.( Consommation, révisions,prix des pièces détachées etc...)
12-05-2024 15:28Il reste qu'à 6500 euros elle est 800 euros trop chère par rapport à la précédente version.
Idem j'en ai une depuis 2 mois.
Polyvalente et fun. 12-05-2024 20:14