Essai Ducati Monster 1200 R
LA Monster Réussie
Ducati décline à l'envie son roadster à succès depuis 1992. Les versions R symbolisent la sportivité maximale de ces machines. On se souviendra notamment de la S4R (2003), monument de caractère de la lignée des naked de Bologne. Désormais, Monster standard et S (et S Stripe) cohabitent déjà au catalogue, sans oublier les 821. Si la 1100 EVO de 2010 était largement plébiscitée, sa remplaçante 1200 de 2013, entièrement nouvelle, ne faisait pas l'unanimité. Partie cycle et ergonomie sont régulièrement pointées du doigt, tout comme son importante prise de poids (+25 kg…). Cette surcharge des versions 2013 est liée, entre autres, à la conception même du roadster. Porteur du châssis, le twin dispose de supports solides pour recevoir le cadre très compact et donc renforcé lui aussi. Le refroidissement liquide n'est également pas sans impact sur la masse finale. Avec cette nouvelle déclinaison ultime, le constructeur italien souhaite sublimer sa charismatique machine.
Découverte
Esthétiquement la Monster 1200 R ne change guère, cultivant les codes devenus icônes. Bien que partageant l'immense majorité de ses pièces avec celles de la S, la nouveauté se fait, étrangement, moins ostentatoire. L'ensemble est toujours compact et musculeux, habillé d'un perpétuel minimalisme travaillé dans le détail. Particulièrement présente, la partie avant de la machine se veut bestiale, concentrant ses volumes sur l'avant. On note la présence de série, d'un saute vent et d'un capot de selle passager de série. La fixation de ce dernier semble toutefois fragile.
Complété de diodes périmétriques, le phare incrusté entre les tubes de fourche lui donne toujours cet air mauvais. Et, sensuel, son réservoir métallique de 17,5 litres arbore bien sûr les formes devenues références. L'évolution est globalement discrète, notifiée par les protections latérales aluminium du radiateur, signées d'un R sablé.
Les modifications majeures sont toutes dédiées à une bonification ergonomique et dynamique. Celles-ci sont détaillées dans la partie technique de l'essai Monster R. En voici un résumé. C'est au niveau de la poupe que l'on note les premières différences. Raccourcie, affinée visuellement, la boucle arrière parait d'autant plus aérienne, notamment au niveau de l'assise passager, allégeant encore visuellement le roadster. Le support de plaque ne forme plus bavette et revient désormais en hauteur. Gracile, le cadre arrière est surtout modifié pour recevoir les platines de repose-pieds passager, désormais différenciées de celles du pilote. Suspendus à de très discrètes platines, repose-pieds pilote et passagers ne sont plus gainés. Minimaliste, leur surface est juste striée pour offrir le grip nécessaire aux bottes. La machine se surélève de 15 mm, optimisant la prise d'angle pour un maximum de 50° tandis qu'un vérin contrôle désormais la vivacité du train directeur. Ce dernier s'habille de tubes plongeurs noirs mat, contrastant avec les tubes à l'éclat d'or pâle. Et, empruntées à la Panigale 1199, les jantes forgées allégées sont signées Marchesini. L'ensemble fait perdre 2 kg à l'Italienne...
Ducati n'oublie pas le coeur de son roadster, portant sa puissance à 160 chevaux à 9 250 tours/minute et 13,4 da.Nm de couple à 7 750 révolutions/minute. Le souffle du monstre file vers des collecteurs de plus grand diamètre se jetant ensuite dans des silencieux d'échappement à l'esthétique plus anguleuse.
Haut de gamme, la finition du Monster 1200 R est valorisante, notamment en terme de revêtement des pièces métalliques et assemblage. Ce qui rend d'autant plus difficile à accepter le côté gauche (dans les deux sens du terme) du roadster, arborant toujours sans vergogne des durites aussi massives que visibles. On se console avec le côté opposé, bien plus agréable à l'oeil, souligné des remarquables arabesques des collecteurs.
En selle
La nouvelle hauteur de Monster 1200 R fait culminer la selle à désormais 829 mm, ce qui ne ravira pas les moins grands. Ceux-là se consoleront peut-être avec une assise plus étroite, limitant la gêne. La position de pilotage est la même que sur les autres déclinaisons, mais l'apparition de platines pilotes dédiées libère les pieds. Ces commandes légèrement reculées font basculer doucement le buste vers le large cintre à diamètre variable. Les instruments se réduisent toujours à un écran TFT couleur dont l'affichage, le nombre d'informations relayées et les réglages d'assistance varient selon les choix personnels ou les trois modes de conduite disponibles (Urban, Touring ou Sport). Le détail des modes est exposé dans la partie technique. Et comme ici, c'est Ascari, on restera sur le mode adapté.
L'afficheur digital concentre tachymètre, compte-tours barre-graphe (sauf en mode Urban), température moteur, vitesse et consommation moyenne et instantanée, odomètre et deux partiels, témoin de béquille. Et désormais, le rapport engagé est affiché. Mais toujours pas de jauge d'essence. La nuit ou lors de passage en tunnel, la luminosité du dispositif varie automatiquement, affichant alors un fond noir avec des indications en surbrillance.
Toute cette électronique se dirige au commodo gauche via des commandes toujours trop menues. Les leviers sont ajustables en écartement via de discrètes molettes et pressent des maitres cylindres radiaux.
En piste
Dès sa mise en route, le 1200 Testastratta 11° délivre une signature sonore immédiatement identifiable. Les fûts anguleux de ses nouveaux silencieux doubles canons, moins sensuels, font déjà mouche sur nos tympans, mais sans excès. Grave, le grondement semble venir du tréfonds de ses entrailles, faisant alors vibrer les nôtres.
Les sessions matinales se déroulent sur une piste encore bien humide de l'orage de la nuit. Les cartographies Urban puis Touring seront finalement utiles, mettant en confiance lors de la découverte du long circuit ibérique. Très technique, il regroupe, selon la volonté de son propriétaire, le meilleur des tracés du monde entier… Vallonné, sinueux, le déroulé est un rêve de pistard et un excellent banc d'essai pour les machines.
Sur l'asphalte séchant, on découvre une Monster plus facile à inscrire sur l'angle, plus incisive. Légèrement relevé, son centre de gravité lui confère une meilleure agilité. Un constat à mettre également sur la réduction des masses non suspendues, relative aux nouvelles jantes. Les appuis sont également bien plus évidents et l'engagement de la machine facilité par les nouvelles platines de repose-pieds. Mais, fidèle à son ADN, la Ducati apprécie toujours l'engagement de son pilote à ses côtés. De fait, la Monster R accompagne les évolutions, attendant qu'on lui donne pour rendre ensuite. Ce qu'elle fait désormais avec bien plus de rigueur.
Le train directeur se montre précis, d'autant que ses oscillations intempestives sont désormais freinées par le vérin de direction. Un vrai plus, car la Monster 1200 R reste vive, sensible aux mouvements.
Une fois l'humidité évaporée du bitume, nous pouvons lâcher la bride à l'instinct animal du Monstre transalpin et ses 160 chevaux. Le twin se montre particulièrement démonstratif au-delà de 5.500 tours. Gras et ample, son couple important tracte avec vigueur l'équipage en sortie de courbe, catapultant l'équipage avec véhémence. Rugissant alors, le bloc fait déferler les canassons jusqu'à sa crête de puissance, sans temps mort. Particulièrement accordées, ces caractéristiques moteur dynamisent nettement les performances du roadster. Mais sans violence, presque naturellement. Sur l'angle, on apprécie la justesse de la commande Ride by Wire. Précise, elle permet de conserver les gaz au niveau souhaité et se montre parfaitement progressive dans sa rotation. Les années semblent avoir lissé quelque peu le caractère volcanique de l'Italienne, facilitant sa prise en main. De même, les assistances électroniques, ABS et DTC, achèvent de museler la bête. On gagne en efficacité ce que l'on perd, un peu, en personnalité.
Désormais bien plus souple depuis les versions 2013, l'embrayage à glissement limité facilite le passage de vitesse. Néanmoins, l'absence de shifter est regrettable sur ce modèle à vocation sportive. L'indicateur de rapport engagé est appréciable, mais sa présence grevée par la lisibilité perfectible de l'écran. Manquant parfois de précision, la sélection se montre assez douce et rapide. En revanche, on peut gaver la boite de rapports lors des décélérations sans que celle-ci n'en fasse une indigestion. L'important frein moteur participe grandement à l'efficacité et au plaisir de rouler la méchante Italienne.
Quand le rythme augmente, l'inscription en virage manque encore d'une totale transparence, témoignant d'une certaine inertie. Mais le train avant reste franc lors des appuis et remonte beaucoup d'informations. Sur les changements d'angle rapides et revêtements bosselés, le roadster se fait moins neutre, rappelant la vivacité de son train avant. D'ailleurs, les réaccélérations allègent vite la direction. La moindre bosse est alors propice aux wheelies qu'affectionne la Monster 1200 R. Moins brutale, elle n'oublie pas d'être joueuse. Là encore, l'amortisseur de direction, enfin présent, participe à l'agrément. De même, sa garde au sol améliorée autorise des prises d'angle importantes que l'on appréciera sur route, sans avoir à déhancher forcément.
Enfin, les étriers Brembo M50 se montrent plus qu'à la hauteur, tant en terme de puissance que de progressivité. De tour en tour, on réduit chaque fois sa limite de décélération, conservant facilement les freins en entrée de courbe. L'ABS, réduit au minimum, ne s'est pas manifesté.
Partie-cycle
Agilité en hausse, garde au sol optimisée et jantes allégées, la Monster 1200 R progresse nettement en agrément dynamique. Précis et franc, le train avant est désormais plus facile à inscrire sur l'angle en usage sportif. Le réglage plutôt souple de ses suspensions, adapté au roulage sur le tracé d'Ascari, apportait un confort supplémentaire. Il réduisait également d'autant les éventuels mouvements de la machine sur certaines phases de pilotage. Un point à confirmer sur route avec ajustements standards.
Freinage
Toujours un point fort du Monstre. L'attaque des étriers est progressive, permettant de contrôler avec finesse les décélérations. Puissant à la demande, le système de freinage se combine, particulièrement sur piste, à l'important frein moteur.
Conclusion
Ainsi proposée, la Ducati Monster 1200 R parait enfin tenir le rôle qu'elle mérite. Meilleures agilité et précision dopent son caractère sportif autant que le font ses nouvelles performances moteur. Et son homologation Euro 4 lui permettra d'arriver en puissance full dès son arrivée sur le marché, en Janvier 2016. Dynamique et séductrice, cette évolution gomme en grande partie les principaux défauts des autres modèles.
Sa rivale directe est la KTM 1290 Super Duke R. Plus performante et dotée d'une partie cycle exemplaire, l'Autrichienne est également plus accessible financièrement, à 15 995 €. Autres challengers italiennes, les envoûtantes Aprilia Tuono V4 1100 RR, demandant 14 650 € et sa jumelle Factory aux suspensions Ohlins réclamant 16 990 €. Enfin, l'outsider vient d'Allemagne, avec la BMW S 1000 R et ses packs Sport et Dynamic, affichée 14 670 €.
Face à ses redoutables copines, la Ducati Monster 1200 R annonce un tarif de 18.490 € en coloris rouge (18.690 € en noir)… soit 2.500 € de plus que la version S. un positionnement tarifaire peu évident à justifier en dépit d'améliorations appréciables, mais en partie exigibles, de la bête de Borgo Panigale.
Points forts
- Agilité de la partie-cycle en hausse
- Ergonomie optimisée
- Esthétique puissante
- Caractère et disponibilité moteur
- Sonorité
- Equipements
- Finitions globales
Points faibles
- Envolée tarifaire
- Lisibilité du tableau de bord
- Légère inertie
Disponibilité / Prix
- Coloris : rouge, noir
- Disponibilité : janvier 2016
- Prix : 18.490 €
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