Comparo de la gamme Kawasaki A2
Versys 300 et 650, Vulcan, Ninja 400 et 650, Z650 et Z900, du 300 au 900, de 5000 à 9000 €, 7 machines pour les nouveaux permis A2
Trail, sportive, roadster, quelle est votre préférence ?
Dans un grand élan de bonté, soucieux de contribuer à l’épanouissement individuel et au bien-être collectif, notre bon gouvernement, toujours enclin à tout niveler par le bas sans une once de réflexion, a décidé que depuis 2016, ce serait permis A2 pour tous et 47,5 chevaux pour tout le monde pendant deux ans (dérivés d’une machine ne pouvant pas excéder 95 chevaux en configuration d’origine). Que vous ayez 22 ou 62 ans, que vous ayez zéro ou un million de kilomètres d’expérience, que vous soyez naturellement sage ou fougueux, Matignon a déclaré qu’il ne voulait voir qu’une tête et aucune oreille qui dépasse.
Les Français étant réputés pour être des veaux, la mesure est passée comme une lettre à la Poste ; en ce sens, ils sont rejoints par les Espagnols, qui sont avec nous, les seuls deux en Europe à avoir appliqué cette mesure. Et là, dans les ministères, de sinistres âmes en costume gris ont dû regretter de n’avoir pas visé directement 30 chevaux. Ou même deux. C’est ça, le manque d’ambition.
Bon : tout le monde a du faire avec, les clients, les apprentis motards et surtout les constructeurs. Il est difficile d’avoir des chiffres précis sur la mesure, mais on apprend toutefois au gré des conversations que de 50 à 70 % des machines, sur les modèles phares, pourraient être touchées par un bridage en A2. De fait, chez les constructeurs, donc, c’est branle-bas de combat pour avoir la gamme la plus large possible et à ce titre, Kawasaki se distingue en proposant en 2018 pas moins de 7 modèles éligibles A2, donc 5 que l’on connaissait déjà et deux nouveautés, la Ninja 400 (qui a son essai complet) et la Z 900 70 kW.
Nous avons pu faire le tour complet de cette gamme lors d’une journée bien remplie sur les petites routes de Corse.
Découverte
On espère pour lui que Kawasaki a filé un paquet de stock-options à Shunji Tanaka, grand designer (et père de la fantastique Mazda MX-5, pour ceux qui connaissent). Car après une période, disons, d’égarement avec les boursouflées ZX-9R et quelques autres trucs sans grand glamour, Kawasaki a su retrouver ses racines de motos de caractère avec la Z 1000 de 2003 (souvenez-vous, la orange, avec les quatre pots), dessinée par Tanaka-san. Depuis, un design très « manga » s’est emparé d’une grande partie des modèles de la marque. Oh, cela a des détracteurs, mais les chiffres de vente (la série Z a été un carton, les ER-6 aussi) et l’attitude suiviste des concurrents (ambiance dark side of Japan chez Yamaha et les clones de Z, les Suzuki GSX-S qui sont arrivées deux mille ans après), tout cela prouve que Kawasaki avait vu juste. Même si Honda ne reprend pas ses codes avec les nouvelles CB Néo-Sport, la 1000R, la 300 et la 125R.
Toujours est-il qu’il y a comme un air de famille dans ces motos, malgré leur vocation diverse. Entre les couleurs et les angles de la carrosserie, l’esprit Kawasaki moderne est immédiatement identifiable. Du coup, de la Versys X-300 à la Z 900 en passant par la nouvelle Ninja 400, impossible de ne pas voir la filiation.
Si l’on connaissait quasiment tous les modèles, il faut toutefois reconnaître, selon la formule consacrée, que la Ninja 400 « a tout d’une grande » : feux avant full LEDs, coque arrière avec des petits effilements façon Ninja H2, gabarit qui fait presque penser à une 500 ou à une 600, ça le fait bien, encore plus dans ce coloris KRT Replica qui demande 200 € de plus que le noir (6199 € au lieu de 5999 €).
Pour le reste, on est effectivement en terrain connu et que ce soit de la Versys-X 300 ou du quatuor de 650 (Z, Versys, Ninja, Vulcan, toutes indépendamment donnant lieu à de précédents essais sur Le Repaire), c’est de l’éprouvé.
Quant au jeune permis et amateur de gros roadsters, il a pu se sentir longtemps tombé du bateau et laissé seul dans un océan d’indifférence. Jusqu’à ce que Kawasaki fasse une version adéquate de sa Z : que l’on reconnaît à ses couvre-culasses peints en gris et à ses tubulures d’échappement plus étroites (c’est flagrant quand on a les deux modèles côte à côte).
En selle
Pour les Versys, il faut un peu de jambes : selle à 845 mm pour la 300 et à 840 mm pour la 650. Pour les Z 900, il faut un (petit) peu de muscles : 210 kilos avec les pleins, tout de même, ce qui n’a rien d’insurmontable dans l’absolu, mais n’oublions pas que nous parlons là à des jeunes permis et à des motards débutants. Et il faut si possible qu'ils soient grands, parce que hauteur plus poids, cela ne met généralement pas en confiance.
Du coup, nous sommes tentés de miser, dans le cadre d’une arrivée à la moto, sur les catégories intermédiaires. Entre les 168 kilos tous pleins faits d’une Ninja 400 et les 705 mm de hauteur de selle d’une Vulcan 650 (qui compensent un poids de 231 kilos), votre cœur peut balancer !
Moteur et transmission
Des petits, des moyens, des gros, des nouveaux et des bridés : il y a de tout chez Kawa !
Commençons par le plus petit : le Versys X-300 : son petit bicylindre en ligne développe déjà 40 chevaux à 11500 tr/min, ce qui n’est pas rien dans la catégorie (si l’on considère que des concurrentes éventuelles comme la Suzuki 250 V-Strom, développe 25 ch à 8000 tr/min) ; bon, évidemment, faut le cravacher, mais cela reste un moteur assez brillant.
Le twin vertical des 650 est plus connu : selon les versions, il développe de 61 chevaux (Vulcan S) à 68 chevaux (Z et Ninja) et il est réputé pour son caractère un poil rugueux, mais aussi pour son couple présent sur une large plage de régime et sa vigueur dans les tours. Le bridage, ici, n’est qu’une affaire de reprogrammation électronique et vous sera facturé 90 € dans le réseau Kawasaki. On peut dire tout de suite que le bridage des 650 est extrêmement bien réalisé, dans le sens que le caractère moteur est intégralement conservé : il y en a un petit peu moins, mais partout et le 650 A2 prend quand même autant de tours que le full, avec une belle allonge et un beau sentiment de couple à bas régime.
Le moteur de la 400 Ninja est nouveau, ce n’est donc pas un 300 réalésé. Il développe 45 chevaux à 10000 tr/min et 38 Nm à 8000 tr/min. Comme la moto n’est pas très lourde (168 kg avec les pleins, on l’a dit), on se rend vite compte qu’en plus d’être très souple (il roule à 50 km/h en sixième sans problèmes), ce petit bicylindre ne demande qu’à être cravaché et dispose d’une vraie gniak dans les tours, entre 8 et 12000 tr/min. Sur petite route, en s’appliquant, on découvre des sensations de vraie sportive, entre le poids plume, la légèreté et le moteur rageur.
Reste le cas des grosses. Déjà, ici, ce n’est pas qu’une question de mapping. On avait loué le caractère moteur de la Z900 à sa sortie : la version 70 kW, en plus d’une reprogrammation électronique, dispose de collecteurs d’échappements au diamètre plus fin, mais aussi d’arbres à cames différents. De fait, une version 70 kW ne pourra jamais être reconfigurée en full power 125 chevaux. Précisons que dans ce segment des « moyens / gros » roadsters, Kawasaki est le seul à proposer une version A2.
Par contre, si sur les routes corses, la version 95 chevaux se différencie peu de la 125 chevaux (on a même l’impression qu’avec un couple maxi plus bas – 92,1 Nm à 6500 tr/min au lieu de 98,6 Nm à 7700 tr/min, elle est plus efficace sur les petites routes), la version bridée n’offre pas le même agrément. En même temps, c’est difficile d’être vraiment critique d’une telle version : passer d’un bloc qui est conçu pour délivrer 125 ch et qui en fait 47, c’est un peu comme considérer qu’une Porsche 911 Turbo ne sortirait que 130 chevaux, comme le premier monospace Diesel qui pue.
Toujours est-il que la Z bridée a un caractère moteur très différent : à l’ouverture des gaz à très bas régime, déjà, il y en a moins sous la poignée, comme si on avait une cartographie « pluie » (mais genre mousson tropicale dans les terrasses de riziculture en Mandchourie Orientale) ; puis, à mi-régime (3 / 6000 tr/min), la réponse est plus lente et la puissance est là, mais sans grands débordements, forcément. Et, alors qu’une Z dotée de son potentiel se plait dans les tours, la version bridée n’a plus rien à raconter au-dessus de 6000 tr/min et n’offre pas d’allonge quand on insiste. Frustrant. En même temps, l’idée du législateur était d’offrir de quoi apprendre la moto sans se faire peur : mission accomplie.
En ville
Entre une Z900 souple, mais encombrante, des Versys qui demandent un peu de jambes (la 650 moins que la 300, paradoxalement), des Ninja plus sportives de par leur position de conduite (la 650 moins que la 400), on se dit que la Z650 est la plus facile dans l’exercice, même si le twin pilonne toujours un petit peu à très bas régime. Ce qui est une excellente nouvelle : car débuter à moto, ça doit aussi vous faire comprendre tout le contrôle des commandes et la gestion de l’embrayage.
Cela dit, toutes ces motos restent faciles et seront toutes de bonnes compagnes du quotidien.
Sur autoroute et grandes routes
Malgré la puissance limitée, il y a de quoi prendre au moins un bon 160/170, se faire plus flasher que Naomi Campbell à un défilé de Karl Lagerfeld et avoir les honneurs de votre quotidien régional qui fera de vous une personne encore plus détestable que l’enfant illégitime de Michel Fourniret et de Francis Heaulme (oui, ça fait peur, mais la tartufferie sécuritaire ambiante nous conduit vers ces extrêmes).
Ces motos A2 n’empêcheront pas les jeunes motards de conduire des voyages au long cours. Elles ont suffisamment de ressources pour attaquer les grands axes, doubler le trafic ambiant en vous préservant toutefois des grands excès. Là aussi, la mission est remplie.
Ici, on aura un faible pour la Ninja 650, à la position de conduite finalement assez relax, mais surtout pour la Versys 650, pour sa bulle et sa selle. Si pour vous, débuter à moto, c’est surtout de grands voyages, c’est elle qu’il vous faut.
Sur départementales
Avec des 650 bien bridées, on peut envisager la balade et le roulage plus rythmé sans problème. Elles ont une bonne réponse à l’accélérateur, un châssis sain et compact, bref, le plaisir en version bridée n’est pas totalement différent de celui exprimé au guidon des versions full.
Concernant la 900, c’est un peu différent : le déficit de puissance est bien réel et l’on ne pourra l’apprécier que dans une optique de balade, car quand on lui tape dans la motte, la frustration n’est jamais loin.
Le cas de la Ninja 400 est différent : si votre truc, c’est le dernier quart avant la zone rouge, dans ce cas, elle est vraiment faite pour vous, car en plus, elle vous offre ce plaisir de pouvoir exploiter tout son potentiel. Une petite bourre sur la montée vers Sartène, face à un collègue d’une publication concurrente (rachetée par un groupe de presse centenaire) et de plus doté d’un fin coup de guidon, lui sur la Ninja 650 et moi sur la Ninja 400, a montré que ce que je perdais en sortie de courbe, je le rattrapais facilement en entrée du virage suivant. La Ninja 400 a un train avant qui permet quasiment l’agilité d’un 250 2-temps. On a dit « quasiment », mais il n’empêche que cette moto est vraiment drôle. Et là, la Vulcan 650 surprend (en bien) par la qualité de son amortissement.
Partie-cycle
Que du classique et de l’éprouvé ici. Pas d’électronique, de contrôle de traction (Kawasaki est à la traîne sur ce segment), pas de cartographies moteur non plus.
Confort et duo
Ici, si c’est votre première préoccupation, c’est la victoire absolue de la Versys 650. La 300 a une selle vraiment trop ferme, la Ninja 400 est un peu rude à la longue et les Z900 ne peuvent rivaliser….
Consommation / autonomie
En passant derrière le guidon de 7 motos sur une journée, vous vous doutez bien qu’on n’a pas pu faire le plein et les consos de toutes. Néanmoins, si vous êtes un motard débutant et totalement désargenté une fois l’achat de votre monture effectué, sachez que la Versys X-300 est réputée pour être un véritable chameau, avec pas loin de 400 kilomètres d’autonomie. Cela vous permettra de tailler la route tout en conservant un peu de budget pour acheter des fleurs à votre grand-mère, ce qui est un geste important, si, si.
Conclusion
Il y en a pour tous les goûts, dans cette gamme A2 Kawasaki. Ce qui ressort de notre essai collectif, mené tambour battant, c’est à la fois le bon bridage des 650 et le côté vraiment sympa de la Ninja 400. La Versys-X 300 ne démérite pas (et en Corse, avec Bruno Langlois à son guidon, c’est carrément impressionnant !) tandis que la Z900 a toujours ce côté « grosse moto » valorisant, mais les performances moteur sont un petit peu frustrantes, même si l’on comprend que le motard débutant qui souhaite une « grosse » moto pourra faire son apprentissage et c’est toute la vocation des mesures A2, sans se faire peur…
Points forts
- Facilité du 300 Versys-X
- Fun et efficacité de la Ninja 400
- Bon bridage des 650
Points faibles
- Z900 un peu frustrante à 47 ch
- Pneus d'origine des Z900 (des Dunlop D214 sans aucun feeling)
La fiche technique de la Versys-X 300
La fiche technique de la Versys 650
La fiche technique de la Vulcan S
La fiche technique de la Ninja 400
La fiche technique de la Ninja 650
La fiche technique de la Z900 A2
Conditions d’essais
- Itinéraire : une journée de roulage en Corse avec toute la gamme, sous la conduite de l'excellentissime Bruno Langlois, double vainqueur de Pikes Peak
- Kilométrage de la moto : variable
- Problème rencontré : aucun, grâce au talent de haute volée des fins techniciens de Kawa (Julien & Olivier, big up !), qui nous ont remis sur pied une Z900 rouge cartonnée la veille par un collègue officiant pour un quinzomadaire centenaire...
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