Comparatif Aprilia Tuono V4 1100 RR, RSV4 RR & RSV4 RF à Magny-Cours
Roadster ou sportive ? Quel Aprilia V4 pour faire de la piste ?
Un V4 de folie et des assistances électroniques de très haut niveau, à partir de 14 849 €
Alors comme ça, Le Repaire enfonce des portes ouvertes ? La meilleure pour faire de la piste, c'est forcément la sportive la plus aboutie du moment et puis c'est tout. T'achètes le nec plus ultra, pour ça y'a MasterCard et puis après tu apprends à mettre du gaz, tu baisses la tête pour avoir l'air d'un coureur et le tour est joué. C'est comme si tu veux apprendre l'accordéon, vaut mieux attaquer le répertoire de Yvette Horner que celui de Rémi Bricka, question de style.
Donc, la sportive s'impose, voici la conclusion. Sauf que, objection votre honneur, la Tuono, c'est pas n'importe quoi. C'est pas du mou de veau ni un truc simplement conçu pour se donner un genre. Historiquement, Aprilia fut d'ailleurs, avec la Tuono, le premier des roadsters à être directement dérivé d'une sportive, la RSV Mille de l'époque, à un moment où la concurrence, composée principalement de roadsters japonais, était faite d'assemblages de moteur de sportive d'ancienne génération, installés dans un cadre en tubes de chauffage et déguisé sous un habillage "qui fait jeune". Forcément, question prestations dynamiques, ce n'était pas la même chose.
La Tuono, tout au long de sa longue carrière, a parfois été décriée pour son physique, mais jamais pour ses prestations dynamiques. La concurrence a d'ailleurs été longue à se mettre au niveau : on pense aux Ducati Monster S4RS, par exemple. Ça le faisait côté performances moteur, rigidité du châssis et qualité des suspensions, mais question ergonomie et garde au sol, ça ne pouvait pas rivaliser avec la Tuono. Aujourd'hui, seul BMW avec sa paire de S1000R et S1000RR peut rivaliser.
Du coup, le doute est permis. Encore plus quand on voit que, pour chacun de ses modèles, roadsters ou sportive, Aprilia décline deux versions. Alors voici le moment de la vraie question : faut-il dépenser plus ? A partir de quel niveau d'équipement commence-t-on à se faire plaisir ? Y aura t'il un beau feu d'artifice au 14 juillet ? Le V4, il est mieux en 1000 ou en 1100 ? Est-ce que le drapeau italien sur le carénage fait aller plus vite ?
Pour répondre à cette batterie de questions existentielles, Le Repaire est allé rouler sur 3 modèles (la Tuono V4 RR 1100, la RSV4 RR et la RSV4 RF) sur le circuit de Magny-Cours, lors des Aprilia Days organisés de main de maître par l'équipe de Box 23.
Découverte
Voici donc un comparo presque complet de l'offre du constructeur de Noale, même si, pour être totalement exhaustif, on aurait pu rajouter la Tuono 1100 V4 Factory ainsi que la RSV4 RF RW, celle avec ses ailerons façon MotoGP ! Il n'empêche : ce qui est bien, c'est que quel que soit le modèle, la version standard ou plus haut de gamme, l'apparence est déjà assez racée. Je dirais même que si vous n'êtes pas Aprilologue, il faut un œil exercé pour les reconnaître.
Un indice : si la lettre "A" apparaît en gros sur les flancs de carénage, il s'agit de la version standard. Si c'est le nom "Aprilia" qui barre, en grosses lettres, les flancs de réservoir et du carénage, alors c'est la version haut de gamme. Facile, non ?
Quoi qu'il en soit, on est dès les modèles d'accès sur des motos "ready to race", ne serait-ce par la qualité des composants, des freins, des suspensions qui sont déjà réglables, bref, la totale.
Et quand on dit la totale, c'est la totale : sur les versions "de base" (boudiou que cette expression est galvaudée, dans le cas présent", on a donc : des freins Brembo monoblocs M50 commandés par un maître cylindre de frein radial et pinçant des disques de 330 mm, l'APRC de 4ème génération (avec cornering ABS, anti-wheeling avancé, contrôle de traction), un shifter up & down, un régulateur de vitesse et même un pit limiter réglable, on se dit que la version d'accès, elle va déjà pas mal. Le tout étant en plus commandé par une interface assez intuitive (un joystick a fait son apparition au commodo gauche) et un nouveau tableau de bord TFT couleur (apparu depuis les millésimes 2017 sur ces modèles), voilà qui nous permet donc de d'affirmer une fois de plus qu'elles ont la totale. Et ce d'autant plus que chaque paramètre est réglable séparément, contrairement à certaines motos qui vous donnent 'des "univers" où chacun des paramètres sont liés entre eux selon le type de réglage préselectionné.
Quand on voit que certaines sportives japonaises ne sont même pas foutues de proposer des durit aviation sur une machine vendue quelques milliers euros de plus que les 14 849 € demandés par une Tuono V1 1100 RR standard, on voit vite quel camp se moque des clients...
En tous cas, il faut savoir que la différence ne se fera pas ici : standard ou haut de gamme, les Tuono et RSV4 disposent du même package électronique, avec bien entendu des settings différents selon qu'il s'agisse de la sportive ou du roadster.
Moteur
Même chose ici : standard ou haut de gamme, c'est le même moteur. Sportive et roadster ne partagent pas tout à fait le même bloc, cependant. Celui de la Tuono cube 1077 cm3 et sort une puissance déjà respectable de 175 chevaux à 11000 tr/mn, assorti d'un couple de 120 Nm à 9000 tr/mn. Un peu plus sophistiqué (il dispose notamment de 8 injecteurs au lieu de 4), celui des RSV4 sort 201 chevaux à 13000 tr/mn et 115 Nm à 10500 tr/mn. La plage d'utilisation semble donc décalée vers le haut, mais la générosité du V4, sa vivacité, sa sonorité et son caractère font que l'on n'a pas l'impression, en passant du roadster à la sportive, de passer sur un moteur plus pointu et plus difficilement exploitable.
Partie-cycle
Entre les deux machines : 5 kilos d'écart (180 à sec pour la RSV4, 185 pour la Tuono). Et là, attention, ça se complique. Car on sait que les versions haut de gamme ont un châssis upgradé par rapport aux modèles standard. Oui, mais pas dans les mêmes proportions. Concrètement : tout comme la RSV4 RF, la Tuono Factory se distingue de sa petite sœur plus roturière par des éléments de suspension Öhlins en lieu et place des Sachs. Oui, mais attention à la subtilité : à l'avant, c'est la fourche NIX 30 dans les cas, mais à l'arrière, seule la RSV4 RF a droit à un Öhlins TTX 36, la Tuono Factory devant se contenter d'un élément Öhlins de qualité moindre, bien que réelle. Autre subtilité, qui est loin d'en être une une fois en action : la RSV4 RF a droit à des jantes forgées, tandis que la Tuono Factory conserve les jantes moulées, comme ses autres petites copines. Et ça, ça change pas mal de choses.
On notera également qu'elles possèdent les mêmes pneus, des Pirelli Supercorsa, dont la monte passe cependant de 190/55 x 17 sur la Tuono à 200/55 x 17 sur la RSV4. Là encore, ça change de certaines japonaises montées sur des pneus en savon.
Électronique
Comme on l'a expliqué dans la partie "découverte", le package est non seulement ultra complet, paramétrable à l'envi, mais il est aussi commun aux quatre versions. Égalité, encore... Ca y est, on est chez Jaques Martin, tout le monde a gagné ? Mais non, rassurez-vous et lisez plutôt ce qui suit...
Prise en mains
Hauteur de selle à 825 mm sur la Tuono et à 840 mm sur la RSV4. Heureusement, la selle n'est pas trop large et le réservoir (de 18,5 litres) est assez fin en sa partie arrière. Bien qu'un peu basculée sur l'avant, la position de conduite de la Tuono est moins radicale que celle de la RSV4 (merci au Repaire d'avoir enfoncé cette porte ouverte) ; par contre, malgré la compacité des motos, l'ergonomie est assez bien calculée car un grand gabarit ne se sent pas trop recroquevillé dessus (moins que sur une R1, par exemple).
Comprendre le fonctionnement des aides et du tableau de bord demande un peu de temps et l'on devra s'y consacrer avec une réelle attention, car tout est paramétrable individuellement. Et avec 201 chevaux sous les fesses, conseil d'ami : ne vous plantez pas de niveau d'antipatinage ou d'anti-wheeling et soyez sûr de sélectionner ce qui est en réelle adéquation avec votre niveau et votre ambition du jour, sachant que tout est déconnectable pour les champions en manque de reconnaissance. Avec les 175 chevaux de la Tuono, eh bien, c'est simple : on a les mêmes conseils d'ami pour vous. Ne nous remerciez pas, on tient à vous (et puis ça nous fait des clics).
Ensuite, une petite anecdote qui vaut son pesant de Chaussée aux Moines® : on va faire un petit test, très court, mais qui en dit déjà long. Première session avec la Tuono RR. Pneus froid et journaliste froid, tout va bien, merci. Premier tour, sortie des stands, entrée délicate dans Estoril, on redresse et on met du gaz en visant la sortie, puis on balance carrément la purée pour faire chauffer le pneu arrière tandis qu'un freinage bien appuyé et bien en ligne à Adélaïde permettra de commencer à chauffer le pneu avant. L'avantage, c'est qu'on peut souder le gaz comme un porc (c'est une expression) dans les cassures qui composent l'endroit le plus rapide du circuit, même avec des pneus froids et prendre la passerelle comme point de repère de freinage et regarder à quelle vitesse on déboule. Résultat avec le Tuono : 258 km/h. Pas mal, pour un roadster. Carrément impressionnant, même.
Session suivante. Même scenario, même exercice, cette fois-ci avec la RSV4 RR. Résultat : 280 km/h, ça commence à faire du vent. Oui, il y a les 26 chevaux d'écart, une meilleure aérodynamique, mais pas que. Explications ci-dessous.
Efficacité
En fait, l'idéal c'est de commencer sa propre expérimentation en partant par la Tuono, puis la RSV4 RR, puis la RSV4 RF, afin de progresser dans le niveau de performances et de voir si votre propre ressenti et votre propre bagage va de pair avec l'augmentation des performances et de la technologie.
Pour avoir roulé avec l'ancienne version de la Tuono V4 1100 à Magny-Cours, à l'occasion d'un stage de pilotage de nuit, je retrouve rapidement mes marques. La première impression est double : entre la grosse patate et le caractère du V4, puis la rigidité de la partie-cycle, difficile de ne pas avoir la banane dès les premiers virages. Le grand guidon aide à placer la moto dans les virages lents et l'on oublie vite que l'on est sur un roadster assez polyvalent (j'ai des connaissances qui partent en vacances en Tuono V4) pour se concentrer sur le pilotage. Accélération au ras des vibreurs, freinage sur l'angle, la Tuono balance son récital. Alors oui, en montant un peu le rythme, on sent que l'amortisseur arrière à parfois du mal à faire passer la puissance et que l'électronique surveille le pneu arrière de près ; avec le grand guidon, ça devient un peu compliqué à 260 km/h et avec la position de conduite plus droite, elle se déleste assez brutalement sur la bosse à la sortie du virage d'Adélaïde. Mais il n'empêche que l'efficacité est réelle, que le plaisir est présent et que roadster peut aller taquiner des sportives, notamment grâce à la qualité de son train avant.
La RSV4 RR connaît elle aussi, un amortisseur arrière qui, lorsque l'on hausse le rythme, occasionne un peu de mouvement ; en disant cela, il faut toutefois considérer l'extraordinaire patate du V4 qui le met vraiment à rude épreuve et que ceci ne se produit que lorsque l'on est plein gaz, sur l'angle, en sortie de virage serré : typiquement, cela ne se ressent vraiment qu'à la sortie du "180", où l'on est à basse vitesse avec beaucoup d'angle et où le challenge consiste à se jeter dans l'enfilade suivante avec une célérité qui filerait la tehon à un X-Wing de chez Star Wars. Là, forcément, ça bouge. Et pour le reste, c'est du gros niveau, avec un plaisir supplémentaire : la démultiplication différente de la RSV4 permet de rentrer la première d'un geste déterminé dans les deux gros virages lents du circuit, Adelaïde et Château d'Eau et de bénéficier d'un frein moteur supplémentaire avec un embrayage anti-dribble aussi transparent qu'une chanson de Carla Bruni, le tout dans les pétarades du V4. Tiens, si la combarde de cuir n'enserrait pas mon corps puissant d'aussi près, je crois que j'en aurais les poils dressés sur les bras et ailleurs.
On touche le nirvana avec la RF. Déjà, dans les stands, on s'assoit dessus et ça fait "klonk". Pas un gramme d'hésitation, pas un millimètre de course morte. On se dit qu'il va se passer quelque chose, mais on n'imagine pas encore qu'on aura la révélation dès le second virage. Car en fait, ouvrons ici le dictionnaire à superlatifs : les jantes forgées, ça renvoie les apparitions divines au rang de blague Carambar, les jantes forgées, c'est la grotte de Lourdes du vibreur ! La RF tombe bien plus vite sur l'angle, permet de déclencher ses virages plus tardivement, mais comme elle a encore moins de mouvements d'assiette, elle combine vitesse et précision. Bref, le niveau d'efficacité monte encore d'un cran mais là on est sur du vraiment lourd qui n'est peut-être pas nécessaire à tous les pratiquants occasionnels de stages de pilotage. Mais par contre, l'écart est nettement plus sensible entre une RSV4 RR et RF qu'entre une GSX-R 1000R et une 1000RR, par exemple.
Conclusion
Comme on le laissait deviner au début, évidemment, la RSV4 RF est au-dessus du lot, par qualité de ses suspensions mais aussi ses jantes forgées qui changent totalement la maniabilité de la machine. Mais au final, elle ne se justifie que si l'on cherche le chrono où si l'on est déjà bien avancé dans sa quête du plaisir motocycliste. Car ce qu'il faut retenir, c'est déjà le niveau d'efficacité des versions d'accès (quel roadster offre des pneus performants, des Brembo M50 et une électronique de pointe et totalement paramétrable à moins de 15000 euros ?). Dans tout cela, au-delà des évidences, elle est peut-être là, la révélation : pour le prix d'un roadster japonais équipé d'un pot "qui va vite", vous avez un roadster doté d'un potentiel inégalé de pistarde...
Côté prix, on est donc à 14 849 € pour la Tuono RR et 17 249 € pour la Factory. De quoi hésiter, alors, entre celle-ci et une RSV4 RR (à 17 549 €), tandis que la RSV4 RF est fort logiquement plus chère, à 21 049 €. C'est aujourd'hui Aprilia qui a la gamme la plus complète sur ce segment et si la RF, c'est le graal, le plaisir distillé par les versions moins prétentieuses reste déjà, lui, de très haut de gamme.
Points forts
- Moteur incroyable (puissance, caractère, sonorité)
- Package électronique complet et paramétrable finement
- Châssis rigide
- Équipement de qualité
- Rapport prix / efficacité (notamment de la Tuono RR)
- Plaisir de conduite & de pilotage
Points faibles
- Quelques mouvements de suspension sur les versions standard
La fiche technique de l'Aprilia Tuono V4 RR
Les fiches techniques des Aprilia RSV4 RR et RF
Conditions d’essais
- Itinéraire: 7 sessions de 20 minutes à Magny-Cours en alternant les motos...
- Kilométrage de la moto : - km
- Problème rencontré : la piste, quel bonheur !
La concurrence : BMW S1000R & S1000RR...
Commentaires
Quand on vous dit qu'avec Aprilia on en a pour son pognon !
20-07-2018 17:08A condition de pas devoir la revendre ...
20-07-2018 18:08Mouai... Du mal à être objectif cet article...
21-07-2018 08:27Descendre les jap' gratuitement, dire que la tuono est le premier roadster directement issu d'une sportive (la speed ne date que de 94... Soit presque 10ans avant 😂)
Le "pas un MM de course morte" comme gage de qualité... C'est juste top pour détruire les pneus.
Bref, peut être que le fond est bon, mais trop de connerie font perdre confiance...
Article intéressant qui fait regretter de ne pas être allé au Aprilia Days. Heureux "paillelote" du nouveau Shiver 900 (en remplacement du 750), j'en suis pour l'instant totalement satisfait… et apprécie cette sensation de moto plus douce, moins bruyante (adios les Akra)...et plus confortable et toute autant joueuse quand on veut brusquer un peu la belle. Ah quel dur labeur ce Philippe.
21-07-2018 10:27Bonne continuation à tte l'équipe du repaire des castors juniors… et à ts ces lecteurs.
Si tu considères la Speed Triple comme dérivée d'une sportive, ce qui vu son chassis et sa géométrie est faux, alors la toute première de série c'est la 400 Bandit de 89, au moteur de 400 GSXR (mais au chassis tubulaire).
Non, le tout premier roadster à être vraiment une sportive décarénée sans autre effort pour être civile, c'est la Tuono V2 en 2002/2003. 21-07-2018 12:46
Ou pas... Les speed 885 et 955 ont exactement la même partie cycle que les daytona...
21-07-2018 15:41Seul le moteur évolue un poil... Sur les 955, pas sur la t301.
Alors tu considères les Daytona de l'époque comme des sportives....
La premier roadster dérivé d'une sportive est la Honda CB1100 de 2014
23-07-2018 16:18Ok je sors.