english

On vous donne les clés de la Moto Guzzi Bicilindrica

19 ans au plus haut niveau de la compétition

On vous donne les clés de la Moto Guzzi BicilindricaIl y a des modèles mythiques, la Moto Guzzi 500 Bicilindrica en fait partie ! Mais reprenons par un peu d'histoire...

Le modèle a fait ses débuts en course en octobre 1933 lors du Grand Prix d'Italie organisé à l'extérieur de Rome. Le pilote Guglielmo Sandri termine alors deuxième derrière la Miller de Fumagalli, non sans être remonté suite à une chute. Deux mois plus tard, son coéquipier Amilcare Moretti remporte la première victoire de la nouvelle moto lors du GP de Naples en décembre. En 1934, l'équipe d'usine composée de trois hommes est renforcée par l'arrivée de l'Irlandais Stanley Wood. Cet ancien pilote officiel Norton était alors déçu par les performances des monos britanniques et fait le choix de piloter les 500 V-Twin de Moto Guzzi et de Husqvarna. L'Irlandais remporte ainsi sa première course sur la Bicilindrica en avril 1934 lors du GP d'Espagne à Montjuich (bien qu'il ait surnommé la moto le "monstre" en raison de sa maniabilité apparemment mauvaise!). La nouvelle star italienne de Guzzi, Omobono Tenni, remporte le GP d'Italie à Rome avant de filer vers le titre national sur la nouvelle Guzzi.

C'est aussi l'époque ou la moto est équipée d'un compteur, d'une boite à outils, de silencieux et d'un klaxon pour que Terzo Bandini remporte le marathon Milano-Napoli à une vitesse record.

Croquis original du V-Twin à 120° de 1933
Croquis original du V-Twin à 120° de 1933

Au milieu des années 1930, la Moto Guzzi Bicilindrica balaye tout devant elle sur les circuits de course européens, remportant le GP d'Italie deux fois de plus en 1935-36. Mais c'est une victoire qui la fait devenir la référence des 500 cm3 de son époque avec Stanley Woods lors du Senior TT 1935 sur l'Ile de Man. Une victoire d'autant plus méritée que la course s'est effectuée sous une pluie battante. Il s'impose alors de 4 secondes devant la Norton de Jimmy Guthrie après une course de sept tours conclue à 84,68 mph de moyenne. Suite aux demandes insistantes qu'il avait émises l'année précédente, Woods bénéficiait ici d'un cadre amorti qui a réellement transformé la maniabilité du V-Twin. C'est ainsi qu'il remporte dans la foulée le Lightweight TT la même semaine sur un mono Guzzi.

La Moto Guzzi Bicilindrica de Stanley Woods victorieuse du Senior TT 1935
La Moto Guzzi Bicilindrica de Stanley Woods victorieuse du Senior TT 1935

La première version de 1934 de la Bicilindrica utilisait un cadre rigide avec un berceau en acier assez mince et une fourche girder Brampton avec des freins à tambour de petit diamètre à simple came à l'avant et à l'arrière, ainsi qu'une roue avant de 21" et une roue arrière de 20". Mais Carlo Guzzi était déjà convaincu du besoin d'installer une suspension arrière, un élément que de nombreux ingénieurs de l'époque considéraient comme inutile, voire gênant. En effet, de telles configurations avaient souvent pour résultat que la roue arrière sortait de son alignement sous les charges en virage. Mais Guzzi résout ce problème en triangulant le bras oscillant pour fournir une rigidité supplémentaire. Regardez un monoamortisseur Full-Floater de Suzuki et vous verrez qu'il s'agit d'une version plus récente de la "sospensione elastica" de Guzzi.

Omobono Tenni (en pull guzzi) après sa victoire au GP d'Italie 1934
Omobono Tenni (en pull guzzi) après sa victoire au GP d'Italie 1934

Ainsi, alors que d'autres s'attaquent alors au compromis de la suspension arrière à piston, les pilotes de Moto Guzzi profitent des avantages de ce design avant-gardiste réellement fonctionnel. Une solution d'autant plus clairvoyante qu'elle permettait de faire varier le taux d'amortissement des doubles amortisseurs à friction qui contrôlaient la suspension. Une fois de plus, la Moto Guzzi avait un demi-siècle d'avance sur son temps. Actionnée par câble, la commande d'amortisseur était montée à gauche sous l'avant du réservoir de carburant et en déplaçant le levier vers l'avant ou vers l'arrière, le pilote pouvait effectivement modifier la précharge pendant la course. Une fonctionnalité apparue plus tard pour la première fois sur la Honda RS250 de 1984...

L'accent mis sur le développement de la puissance plutôt que sur la maniabilité a caractérisé la seconde moitié des années 30, alors que de plus en plus de machines suralimentées apparaissaient sur la scène. Contre les plus de 80 ch soufflés par les BMW et Gilera en 500 cm3, les 47 ch durement atteints par la Guzzi Bicilindrica à 7.500 tr/min étaient insuffisants pour maintenir la moto transalpine en lice, sauf sur les circuits sinueux, où son poids plus léger et sa plus grande agilité lui ont assuré une série de succès réguliers jusqu'au déclenchement la Seconde Guerre mondiale. Pourtant, Tenni et son coéquipier Aldrighetti ont battu les twin BMW Kompressor pour terminer 1er et 2nd au GP d'Italie 1936 sur le rapide circuit de Monza. En 1937, l'usine a également produit une 500 Bicilindrica suralimentée à refroidissement liquide, mais celle-ci n'a jamais couru.

La Moto Guzzi Bicilindrica de Maurice Cann de 1936
La Moto Guzzi Bicilindrica de Maurice Cann de 1936

Au lieu de ça, Carlo Guzzi s'est concentré sur l'amélioration progressive du châssis et du moteur. Un nouveau cadre est apparu, avec une fourche girder Brampton surélevée et la partie arrière en alliage léger. Un gros frein avant à deux cames de 280 mm fut installé, encore une fois avec une décennie d'avance. Le poids à sec était désormais de 148 kg et la Bicilindrica parvenait alors à freiner correctement avec sa vitesse de pointe de 190 km/h, énorme pour l'époque. L'interdiction de l'induction forcée prononcée par la FIM après la guerre a redonné vie à la remarquable Bicilindrica. L'ajustement nécessaire pour rouler avec de l'essence à indice d'octane de 72 fait par contre chuter la puissance à 42 ch et la vitesse de pointe à 175 km/h. Mais c'est encore suffisant pour emmener Omobono Tenni jusqu'au titre italien en 500 et 1947, un exploit imité sur la même moto par Bruno Bertacchini en 1948 et Enrico Lorenzetti en 1949.

Ces deux derniers titres ont été remportés sur une machine révisée, apparue pour la première fois au début de la saison 1948, avec un nouveau cadre conçu par Antonio Micucci. Ce dernier avait rejoint Mandello del Lario pendant la guerre pour travailler sur des machines militaires. Son premier châssis de course a cependant insufflé une nouvelle direction de conceptions de Guzzi, avec un cadre construit autour d'une épine dorsale tubulaire de 112 mm de diamètre, doublée pour intégrer le réservoir d'huile de 5 litres du moteur à carter sec. Un berceau en acier accueillait désormais la suspension arrière horizontale intégrant à la fois des amortisseurs et des ressorts sous le moteur, une caractéristique très admirée lorsqu'elle est apparue 35 ans plus tard sur l'ELF2 de GP500 ! La fourche girder Brampton est alors remplacée par une fourche télescopique. Les deux tambours de 220 mm à simple came sont désormais montés à l'avant avec un arrière de 210 mm. L'amélioration de l'aérodynamique se traduit par une meilleure accélération et une vitesse de pointe portée à 180 km/h. Mais c'est surtout le gain de maniabilité qui favorise la performance impressionnante de Tenni lors du Senior TT de 1948, en lui permettant de réaliser le meilleur tour et de filer vers la victoire avant d'être retardé par des problèmes mécaniques.

La Moto Guzzi Bicilindrica de 1948
La Moto Guzzi Bicilindrica de 1948

Mais c'est bien la version 1949 de cette moto qui représente l'évolution ultime du bicylindre en V à 120°, en plus d'être la plus esthétique. La refonte complète entraine une utilisation accrue de l'alliage léger, ce qui réduit le poids à 145 kg tandis que la construction plutôt massive du berceau en acier est allégée avec des éléments de suspension maintenant exposés. Le disgracieux réservoir de carburant posé sur le dessus du cadre est remplacé par un réservoir combiné plus élégant et une plaque de course avant surmontant une fourche à balancier inaugurée deux ans plus tôt sur la Gambalunga 500. Des roues de 19 pouces sont adoptées avec de nombreuses petites améliorations du moteur, y compris le montage de nouveaux échappements mégaphones, qui permittent d'augmenter le régime maximal à 8.000 tr/min et la puissance à 45 ch, toujours avec un carburant à faible indice d'octane, mais utilisant des carburateurs Dell"Orto de 35 mm. Grâce à l'admission d'air amélioré, la vitesse de pointe est alors de 200 km/h.

La Moto Guzzi Bicilindrica de 1949
La Moto Guzzi Bicilindrica de 1949

L'équipe d'usine Guzzi, qui comprend désormais la star britannique Bob Foster, dispute les catégories 250 et 500 des premiers championnats du monde en 1949. Bruno Ruffo remporte ainsi le titre des 250 cette année-là pour Guzzi. Mais dans la catégorie reine, la Bicilindrica est devancée par les 4 cylindres Gilera et twins AJS Porcupine avantagés sur les pistes rapides alors plus courantes. Néanmoins, Foster a failli remporté le Senior TT sur la Guzzi en menant la course jusqu'au 6e des 7 tours avant que l'écrou du volant d'inertie ne casse, un fait très rare sur une Guzzi. Il répète toutefois l'exploit de Tenni de l'année précédente en réalisant le tour le plus rapide jamais réalisé au TT avec ce type de carburant en bouclant un tour à 89,75 mph de moyenne.

Bob Foster lors du Tourist Trophy 1950
Bob Foster lors du Tourist Trophy 1950

Guzzi n'a pas disputé la saison 1950, bien qu'une moto légèrement mise à jour ait été prêtée à Foster pour participer au Senior TT, où il termin 6e après une minute d'arrêt en piste "pour des ajustements". La principale amélioration est alors l'installation d'un réservoir de carburant plus profilé avec des inserts pour les genoux et les bras du pilote. Mais en 1951, pour la dernière saison de la Bicilindrica en tant que machine officielle, le cadre est considérablement révisé avec une colonne vertébrale tubulaire encore plus grosse, la selle et le garde-boue arrière fusionnés en une seule unité et la disparition des amortisseurs hydrauliques pour le retour des amortisseurs à friction de style ancien, dans le but d'améliorer la réponse de la suspension en ces premiers jours des unités télescopiques. Les soupapes d'admission sont portées à 35 mm et 33 mm à l'échappement pour délivrer jusqu'à 47 chevaux à 8.000 tr/min et atteindre, selon le radar de Monza, une vitesse de pointe de 210 km/h.

La Moto Guzzi Bicilindrica de 1951 d'Alano Montanari
La Moto Guzzi Bicilindrica de 1951 d'Alano Montanari

C'est pourtant bien la maniabilité et la douceur de la Bicilindrica qui lui offrent son dernier succès cette année-là, lorsque Fergus Anderson bat les Gilera et MV Agusta pour remporter le GP de Suisse sur la piégeuse et humide piste de Bremgarten, avec son coéquipier Lorenzetti troisième. C'est aussi le chant du cygne d'une grande moto.

Le jeune ingénieur en chef de l'équipe Moto Guzzi, Giulio Carcano, a alors réalisé qu'une conception à quatre cylindres propres à la société était inévitable pour réussir dans la catégorie des Grands Prix 500. C'est ainsi le moteur Guzzi à quatre cylindres en ligne et DACT monté dans la longueur apparait la saison suivante, remplacé plus tard par le fabuleux V8. Pendant ce temps, les autres bicylindres en V à grand angle sont mis à la retraite, certains revendus pour continuer à courir entre les mains d'importateurs locaux. Un peu plus de 19 ans après son apparition sur la scène de la compétition, la Bicilindrica continue ainsi à courir et à gagner au niveau national.

Plus d'infos sur Moto Guzzi

Commentaires

CLEW

Il faut voir qui pour avoir les clés ?

31-03-2021 14:35 
maars

V transversal repris par Ducati avec un angle plus fermé. ...

10-04-2021 23:24 
 

Connectez-vous pour réagirOu inscrivez-vous