Kawasaki ZX-10R WSBK
Tom Sykes tourne dans le même temps en WSBK que Pedrosa en MotoGP !
Nouveau règlement, nouvelles évolutions techniques : comment faire une bête de course
75 % de la réussite passe par la préparation mentale, les WSBK proches du MotoGP au chrono !
KRT (Kawasaki Racing Team) a présenté le 11 février à Barcelone la machine et l’équipe qui disputeront la saison 2016 du Championnat du Monde de Superbike, en présence des pilotes Tom Sykes et Jonathan Rea. Le Repaire des Motards était le seul média français présent. On vous raconte...
Quels sont les enjeux de la saison 2016, les nouveautés sur la nouvelle version de la Kawasaki ZX-10R, déjà essayée sur le Repaire, quels sont les secrets pour gagner des courses et des championnats ? Nous en avons longuement discuté avec Marcel Duinker, chef d’équipe de Tom Sykes, le Champion du Monde 2013 (et 3ème du championnat 2015).
Marcel, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
J’ai intégré l’équipe Kawasaki de MotoGP en 2005, où j’étais alors en charge du châssis et des suspensions et j’ai travaillé avec Kawasaki en MotoGP jusque la saison 2009, où je suis passé sur l’équipe Hayate. Quand Hayate s’est retiré, seules deux personnes de l’équipe ont migré en Mondial Superbike et j’en ai fait partie. Je me suis retrouvé chef d’équipe de Tom Sykes en 2012.
Chef d’équipe, c’est quoi ?
En gros, je supervise toutes les personnes qui travaillent pour Tom. Cela demande des compétences techniques, puisque c’est moi qui ai le mot final sur tous les réglages et modifications apportées à sa ZX-10R.
On imagine que la partie technique joue un rôle prépondérant dans le résultat d’un pilote…
Bien sûr que oui. C'est essentiel et en même temps très insuffisant. Je veux dire que c’est un pré requis, mais qu'il faut être capable d'apporter beaucoup plus que cela. En fait, j’estime que la réussite d’un pilote repose à 25 % sur la maîtrise des paramètres techniques ; les 75 % restants, c’est du mental…
Comment aborder cette partie mentale de la réussite d’un pilote ?
Il faut lui faire la moto qu’il demande et construire l’environnement et la confiance pour qu’il puisse l’exploiter à 100 %. Outre la partie technique, mon boulot c'est de faire en sorte que tout le monde dans l'équipe, pilote compris, sache exactement ce qu'il a à faire tout au long du week-end et ce qu'il doit attendre du reste de l'équipe. Notre but, c'est que la moto de course soit figée au moment de la Superpole. Mon job, c'est de faire en sorte que tout soit simple pour tout le monde. Une fois sur la grille de départ, je reste près du pilote pour le rassurer et répondre à toutes les questions qu'il peut se poser, sur les réglages, les détails, les pneus, la météo... Si nous avons réussi, dans l'équipe, à décrocher deux titres mondiaux en trois ans, c'est que cette recette fonctionne.
Comment fait-on quand deux pilotes ont des styles aussi différents que Tom Sykes et Johnny Rea, pour développer une machine de course sur une base commune ?
Vous savez, quand on part d’une base nouvelle et que l’on doit en faire une moto de course, le premier travail, c’est d’en faire une moto performante. On va d’abord chercher à en faire une bête de Superpole. Une fois que c’est acquis, on va travailler pour en faire une moto endurante, qui va supporter chaque week-end de course, tout au long de la saison.
Cette base de travail, elle est identique pour les deux pilotes et elle constitue, je dirais, 97 % du travail. Les 3 % restants, ce sont des améliorations qui vont aller dans le sens de ce que demande chaque pilote, pour être totalement en phase avec sa sensibilité. C’est la position de conduite, c’est du feeling de commandes, c'est un tout petit réglage de suspension…
Donc Sykes et Rea pourraient interchanger leurs machines ?
Globalement oui, car les modifs entre les deux, c’est moins de 3 % de la performance de la moto. Mais comme ce sont 3 % objectifs qui entrent dans les 75 % subjectifs, ceux qui affectent la performance finale, ils peuvent du coup avoir plus de résonance. Même si Tom Sykes utilise le frein arrière non pas sur une pédale mais par un levier au guidon gauche, cela ne change pas grand chose entre les motos.
Qu’est-ce qu’il y a de nouveau sur la ZX-10R 2016 et quelles sont les nouveautés réglementaires du championnat ?
De 2012 à 2015, nous avons procédé à des améliorations à partir d'une même base, mais là, tout change. Déjà, il y a un gros changement de réglementation sur le moteur. Avant, on pouvait travailler sur le vilebrequin, pour l'alléger, par exemple. Maintenant, il doit non seulement rester d'origine, mais en plus on doit conserver le démarreur électrique. Il y a donc beaucoup plus de pignonnerie dans le moteur et celui-ci est beaucoup plus inerte. Ca change complètement le caractère moteur et ça va nous obliger à travailler sur l'électronique et les phases de freinage. Un gros freineur comme Tom, par exemple, peut apporter plus de force sur le pneu avant et le moteur peut avoir du mal à suivre le rythme, même s'il y a 100 tr/mn de décalage en entrée de courbe, ça peut pousser un peu la moto et la faire élargir.
Concernant le châssis, on a également moins de possibilités de faire bouger le moteur dans le cadre comme auparavant. Mais ce n'est pas très grave car la nouvelle ZX-10R est le fruit d'un travail collaboratif entre KRT et KHI (Kawasaki Heavy Industries). Nous avons demandé à Kawasaki de nous faire une nouvelle base qui soit le plus proche possible d'une moto de course et nous avons été entendus. De fait, les cotes de la moto de série, tout son équilibre et sa géométrie sont exactement ceux de la moto de course de 2014.
Ca fait combien de chevaux, une moto de Superbike ?
Je connais le chiffre mais je ne peux pas vous le dire (rires)...
D'accord, mais, en pourcentage, vous arrivez à quelle progression par rapport à un moteur de série ?
Je pense qu'on n'est pas loin de 20 %. (Du coup, en puissance brute, ça laisse espérer une fenêtre entre 230 et 240 chevaux, ndr).
Vous recherchez la puissance brute en priorité ?
On recherche la puissance mais en même temps. Il faut que l'on soit capable de donner au pilote ce qu'il demande, à chaque instant de la course, qu'il soit à fond de 6 en ligne droite où qu'il ressorte d'une épingle avec 60° d'angle. Il faut que la moto reste conduisible, c'est la clé.
Comment vous situez-vous par rapport au MotoGP ? Si on dit qu'une MotoGP, comme une M1 ou une RCV213V, c'est une base 100 en termes d'absolu de moto de compétition, vous êtes à quel niveau ?
C'est difficile de répondre à ça. Je pense que si vous demandez au gens du MotoGP, ils diront qu'ils sont nettement au-dessus de nous, mais je ne suis pas tout à fait d'accord. En fait, la seule façon d'y répondre serait, le même jour, sur le même circuit, avec le même pilote et les mêmes pneus, de faire une vraie comparaison. Moi, je pense que les tops teams du WSBK ne sont pas loin des top teams du MotoGP. Comme eux, on doit faire deux choses : une moto performante ; et une moto performante qui utilise tout le potentiel de ses pneus dans une fenêtre de temps qui correspond à la durée de la course. Pas plus, pas moins.
Si vous regardez les essais hivernaux, à Jerez, fin 2015 et début 2016 : Dani Pedrosa a roulé en 1'39.93 et Marc Marquez en 1'39.13 et Tom Sykes a signé le meilleur temps des pilotes de WSBK en 1'39.924. Ca fait réfléchir, non ?
Et comment voyez-vous votre saison 2016 avec Tom Sykes ?
Il a retrouvé sur la moto 2016 le feeling qu'il avait au guidons des ZX-10R en 2012 et 2013, l'année de son titre. C'est un bon signe pour la saison.
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