Histoire constructeur : Egli
Spécialiste des châssis, le Suisse Egli
Royal Enfield, Vincent, Kawasaki Turbo et bien d'autres engins encore...
Comme d'autres dans son genre, le suisse Fritz Egli a su tirer parti de la perfectibilité des partie-cycles japonaises pour faire état de son savoir faire, monter un business et entrer dans le Grand Livre de la Moto en en écrivant quelques jolies pages. Après tout, le trio de Bimota ou, plus proche de nous, Georges Martin ou les compères Godier & Genoud ont émergé pour les mêmes raisons. Mêmes causes, mêmes effets.
Encore que, dans le cas de Fritz Egli, la vision du problème a commencé un petit peu plus tôt : à l'âge de 30 ans, en 1967, soit deux ans avant le début de l'invasion japonaise, ce Suisse natif de Zurich récupère la Vincent de l'un de ses amis, dont l'état de santé ne lui permet plus de s'en servir. Fritz est séduit par le moteur et l'aura de la belle anglaise, dont la réputation est toujours vivace deux décennies après sa sortie.
Par contre, là où d'aucuns auraient mis direct la Vincent dans un musée après l'avoir passée au polish, Egli l'engage... en course de côte. C'est pas super logique, mais bon. Entre les sapins et les ballots de paille habillant les jolies collines suisses dessinées pour la pratique de la moto, Egli a peu de reproches à faire sur le moteur, mais trouve que la moto tient la route comme une saucisse au fond d'une gamelle de cacasse à cul nul, spécialité culinaire ardennaise méconnue.
L'appel du marbre
Ainsi, Fritz Egli prit son ruban à mesurer et sa planche à dessin : il conçoit alors un nouveau cadre pour la Vincent, un cadre à la fois plus léger et rigide, fait dans un acier étiré différent de celui d'origine pour gagner en rigidité, avec de nouvelles cotes pour améliorer l'agilité de l'engin.
Est-ce que ça a sublimé la Vincent ? Si l'on vous dit que Egli a été à son guidon champion de Suisse 1968 de course de côte, voilà un élément de réponse. Et ce n'est pas tout, puisque aux mains d'un autre pilote (Fritz Peier), l'Egli-Vincent a encore été sacrée championne de Suisse en 1969, devant des machines plus récentes.
Ce que Egli ignorait à l'époque, c'est que son travail sur la Vincent lui vaudrait une postérité, avec cette machine, qui durerait plus de quatre décennies, durant lesquelles plus de 200 cadres Egli ont été produit pour des Vincent, dont certaines sortent encore aujourd'hui des ateliers normands de Patrick Godet, artisan de haute volée, adoubé par les héritiers de Vincent pour en prolonger l'esprit et les motocyclettes.
Mais n'allons pas trop vite en besogne. La Vincent, c'est beau, mais c'est élitiste. Ainsi, Egli développe un nouveau cadre, cette fois-ci pour améliorer les qualités routières d'une moto bien plus populaire : nous sommes en 1970 et c'est la Honda CB 450 qui fait office de donneuse d'organes.
Ceci sert de point de départ à l'atelier d'Egli. Parallèlement à la production de châssis maison, il développe son business en devenant importateur pour la Suisse des pièces Yoshimura, tout en continuant à construire sa notoriété. La victoire au Bol d'Or des équipiers Godier & Genoud (avant qu'ils ne volent de leurs propres ailes) au guidon d'une Egli-Kawasaki y contribue...
Du coup, Egli continue son bonhomme de chemin et développe ses châssis, principalement pour des Honda et des Kawasaki. Ci-dessous : une CBX 1000 nettement plus efficace qu'à l'origine. Point commun de tout cela : les Egli sont quasiment toujours rouges.
L'appel de la vitesse...
A la différence d'un Martin, Egli ne se contente pas de travailler le châssis. La quête de la puissance lui parle. Il va mettre un turbo sur une Kawasaki et il fut le premier à parvenir à tutoyer la barre des 300 km/h avec une moto dérivée de la série. Ce modèle ne fut construit qu'à 8 exemplaires : sur une base de Z900 portée à 1250 cm3, le turbo permettait de sortir 180 chevaux. Par la suite, Egli montera des turbo sur des Yamaha 1200 Vmax, ce dont il se fera une spécialité : il en sortira 204 chevaux, soit plus que ce que Yamaha obtenait avec sa version 1700, bien des années plus tard.
Mais ce n'est pas tout : Egli va encore plus loin. Toujours sur une base de Z900, cette fois-ci portée à 1450 cm3, Egli s'associe avec le designer Suisse Luigi Colani pour faire une machine entièrement carénée, intégrant le pilote qui dispose d'une sorte de coque sur son dos, afin de clore le design de la machine ! Grâce à un turbo, l'engin sort 300 chevaux et le 6 décembre 1986, sur le circuit de Nardo, l'Egli-Colani MRD-1 bat un record : celui des 10 kilomètres effectués à 272,414 km/h de moyenne.
Comme tous les spécialistes de la partie-cycle, l'activité "châssis" d'Egli commence à battre un peu de l'aile au fur et à mesure que les sportives japonaises commencent à tenir vraiment la route et disposent de cadre alu à la fois précis, légers et rigides.
Egli conserve ainsi une petite activité moto : il a une concession,distribue Sherco, Royal Enfield et prépare toujours des Vmax, puisque la demande, elle, n'a pas vraiment faibli pour cette machine mythique.
Mais Fritz reste encore vert : en 2007, à l'âge de 70 ans, il s'attaque lui-même à un record de vitesse en side-car à Bonneville, sur le lac salé et en 2009, à l'âge de 72 ans, il bat un autre record : sur une Suzuki Hayabusa carburant au biofuel, il couvre le mile à 335,907 km/h de moyenne !
Et pour s'occuper, il prépare une belle Royal Enfield 624, avec piston haute compression et cadre maison : 47,5 chevaux et 163 kilos, le gain est substantiel par rapport à une brave Bullet standard !
La retraite et une machine en hommage
Firtz Egli s'est récemment retiré des affaires et a cédé le nom de son entreprise, désormais gérée par Alexander Frei. Egli reste présent, mais comme consultant extérieur. Et leur première création est une moto hommage, la Egli Fritz W 1300, sur base de Yamaha XJR 1300, affichée 47 700 € et limitée à 6 exemplaires.
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