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Ardennes : cuisine et gastronomie

Cacasse à cul nul, tartes aux myrtilles, sanglier, boudin blanc, galette au sucre, salade au lard

Une région méconnue à la cuisine roborative, de l'entrée au dessert

La région Champagne-Ardenne (bientôt le Grand Est) a mis en place un label Accueil Motard disposant de 220 lieux répondant à un cahier des charges strict (garage fermé pour les motos, une pièce pour se sécher, quelques délicates attentions telles que des boissons chaudes et des outils pour un petit entretien...). Sur ces 220 adresses régionales, 86 sont situées dans le département des Ardennes.

Loin des fastes des bulles champenoises, le département des Ardennes, situé au nord-est de la France, se distingue du reste de la région par son relief spécifique, sa proximité avec la Belgique, ainsi que par une gastronomie qui lui est propre. Avant de connaître la prospérité, aujourd'hui disparue, d'un vaste dispositif industriel et sidérurgique localisé principalement dans la Vallée de la Meuse, les Ardennes étaient à la fois un département paysan et forestier dans sa partie nord. Ces deux éléments permettent d'en saisir les traditions culinaires.

La charcuterie ardennaise

Les généreuses ressources de la forêt

Même s'ils sont plus nombreux dans le massif de l'Argonne, qui couvre principalement le département de la Meuse, au sud, le sanglier est l'emblème du département 08. On en voit d'ailleurs un, massif, sur une aire d'autoroute entre Rethel et Charleville-Mézières : impossible de le rater, il mesure 10 mètres de haut, 5 de large et 14 de long, pèse 40 tonnes et il s'appelle Woinic. On se méfiera d'ailleurs au lever et coucher du soleil sur des petites routes forestières, car ce fier animal (qui peut peser jusque 90 kilos) traverse souvent sans prévenir et ses yeux ont la particularité de ne pas réfléchir la lumière des phares.

Le civet de sanglier fait donc partie des incontournables de la gastronomie ardennaise ; le sanglier étant de constitution robuste, il faut le cuire longtemps, généralement au moins 1h30. On le servira habituellement accompagnée de pommes de terres (qui est l'accompagnement type de la cuisine locale), sous une forme ou une autre (gratin...), ainsi que d'une sauce aux airelles, voire aux champignons de la forêt. Les plus cinéphiles de nos lecteurs se souviennent d'ailleurs sûrement du film "Les Patates" (1969), avec Pierre Perret, qui joue le rôle d'un brave ardennais qui, en pleine seconde guerre mondiale, a pour préoccupation principale de sauvegarder son champ de patates face à l'arrivée des Allemands et la convoitise des siens ! De l'émotion, des drames, de l'amour et surtout des patates, un grand film !

Le pâté en croute ardennais

Dans le département, le sanglier est vu comme un plat du dimanche, voire des grandes occasions comme les fêtes de fin d'année. La forêt ardennaise est également riche en champignons (trompettes de la mort, morilles...), dont on fait de belles sauces et accompagnements.

Ne pas oublier non plus la truite, présente dans les nombreuses rivières, dont on vous servira régulièrement un petit filet accompagné de pommes de terre à la vapeur.

Le retour en grâce des "plats de pauvres", cacasse à cul nu et salade au lard

Les Ardennes ont connu une longue histoire de paysannerie et de classe ouvrière : la population locale devait donc se nourrir à moindre coût et en utilisant les ressources du cru. La nostalgie étant à la mode, ces plats simples et populaires retrouvent leurs lettres de noblesse. Parmi eux, le plus singulier est notamment la cacasse à cul nu !

La cacasse à cul nu

Drôle d'appellation, que cette cacasse ! Le principe en est simple : il s'agit de pommes de terres (évidemment) frottées d'un peu de lard et cuites dans un roux avec des oignons. A cul nu signifie qu'elle n'est pas accompagnée de viande. Quand elle est accompagnée d'une saucisse, elle est alors "habillée". Et en patois ardennais, "cacasse" signifie, selon les sources, la cocotte en fonte qui fait office de récipient, ou "cuit, cuit", car le plat doit mijoter longtemps pour exhumer toutes les subtilités de ses arômes.

Dans le même genre, la salade au lard est elle aussi une spécialité locale : à l'origine, des pissenlits cueillis dans les champs faisaient office de salade ; on les faisait cuire et on les mangeait chauds, accompagnés par devinez quoi ? (des pommes de terre, pardi !), d'un peu de lard, le tout arrosé de vinaigre.

La salade au lard

Tout est bon dans le cochon !

Les Ardennes ont donc longtemps vécu en autarcie et les poules et les cochons constituaient l'essentiel de l'apport en viande. La charcuterie ardennaise est donc gouteuse, des jambons aux saucissons briochés. Les spécialités à base de cochon font donc partie du pays : on s'arrêtera ainsi dans la ville de Rethel pour tester le boudin blanc, fait à base de poitrine et de jambon et dont l'absence d'ajout de pain, de fécule ou d'amidon, lui donne la finesse de son goût. Pour les fêtes de fin d'année, les charcutiers rethélois n'hésitent pas à le truffer de truffes et il se marie alors assez bien avec un champagne, produit à seulement 40 kilomètres de là, ainsi que d'une petite compote de pommes chaudes, issues des vergers ardennais.

Le boudin blanc ardennais

Pour finir le repas, la cuisine ardennaise propose des galettes au sucre, gâteau mollet, ainsi que de jolies tartes faites avec les fruits de la forêt, telles que les myrtilles.

Le nouvel essor des micro-brasseries

Autre tendance qui remet en avant les pratiques du passé : les micro-brasseries. Si l'on a toujours fabriqué du cidre en Ardennes, la bière y est également appréciée ; la proximité de la Belgique fait bien les choses ! N'oublions pas qu'au XIXème siècle, les Ardennes comptaient plus de 200 brasseurs ; mais hélas le processus de mondialisation a fait son travail et aujourd'hui, l'économie de la bière étant concentrée dans les mains de quelques acteurs globaux.

De fait, les bières locales et artisanales proposent à la fois des saveurs plus affirmées, avec des méthodes de fermentation et de gazéification plus authentiques. Ainsi, de nouvelles marques ont fait leur apparition : Oubliette, Ardwen, Woinic, ou la Sedane, fabriquée en face du château fort de Sedan... Certains veulent signifier leur ancrage local en n'acceptant pas de points de vente ailleurs que dans la ville d'origine, à l'image d'une autre nouvelle bière, la Rocroy.

Les bières locales font leur retour depuis les années 2000

L'histoire et le patrimoine ne sont pas oubliés : c'est ainsi que la micro-brasserie de la ville d'Haybes a lancé une bière appelée Stockport, en hommage à la ville anglaise du même nom. La ville d'Haybes avait en effet été totalement détruite lors de bombardements allemands en août 1914 (à l'exception de la maison du Clos Belle Rose, dans laquelle un certain De Gaulle, alors lieutenant et pas encore général, était venu se faire soigner après une blessure collectée au front) ; la ville anglaise de Stockport avait contribué à la reconstruction de la ville d'Haybes et cette bière, conçue par Julien Dejente, rend hommage à cet acte solidaire.

Des restaurateurs qui jouent le jeu

On pourra arguer que la cuisine ardennaise manque d'une tête d'affiche, d'une spécialité indiscutée et incontournable, un totem qui ferait venir le touriste. La réalité est bien plus subtile et plus complexe.

Ainsi, nous avons testé quelques bonnes tables et rencontré une Maître Restaurateur, le seul titre délivré par l'Etat concernant la restauration, qui atteste que tout ce qui sort de la cuisine provient de produits frais et de circuits courts, avec des producteurs locaux. Ce titre est attribué par le préfet après une visite de contrôle. Nous avons rencontré Marie-Joseph Garand, de la Table du Pays, qui porte bien son nom ! Cassolette de boudin blanc aux champignons, foie gras maison, saucisson brioché, aumônière de rhubarbe accompagnée d'une crème aux biscuits rose de Reims : jamais supposée simplicité n'a eu aussi bon goût (et pensez à réserver si vous voulez de la place !).

Marie-Joseph Garand, Maître Restaurateur de la Table du Pays

Bref, les Ardennes ne disposent pas que d'un réseau routier qui peut donner bien du plaisir : sa gastronomie, aussi simple et honnête que gouteuse et peu connue, en surprendra plus d'un.

La liste des restaurants tenus par des maîtres restaurateurs

  • La Cotterie, Château du Faucon, Route de Vrigne, 08350 Donchery, 03 24 41 87
  • Auberge de la Tour, 6, Quai des Fours, 08600 Givet, 03 24 40 41 71
  • La Table du Pays, rue des Gros Chênes, 08170 Hargnies, 03 24 40 42 46
  • La Table de Sandorine, 26 rue Latecoère, 08300 Rethel, 03 24 38 31 35

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