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Une Transpyrénéenne à l'arrache : la BM

Cinq motos, cinq motards, cinq jours de virolos et autant d'approches différentes

Le feuilleton de l'été à suivre chaque semaine sur le Repaire

Cinq motos, cinq motards, cinq jours de virolos et autant d'approches différentes d'une même destination : les Pyrennées. Nos motos n'ont rien à voir, nous ne conduisons pas pareil et pourtant... Pourtant la route nous rapproche, une fois de plus. Une fois de plus nous vérifions l'adage : qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse.

Une Transpyrennéenne à l'arrache : la BM (c) photo : Xue Guangjian
Une Transpyrennéenne à l'arrache : la BM (c) photo : Xue Guangjian

BMW. La BMW. J'ai besoin de préciser laquelle ? Vraiment ? Le flat deux soupapes à air, c'est la pyramide de Khéops du deux roues. Un truc à voir, à essayer, malgré le temps qui passe et qui ne fait rien à l'affaire. Pourtant, certains ne jurent encore que par lui quand il s'agit de retrouver des sensations de conduite d'une autre époque tout en restant d'actualité sur route.

Pierre est né avec quarante ans de retard. Il est resté bloqué vers la fin des années 80, dix ans avant son premier anniversaire. Son rêve ? Travailler sur d'antiques systèmes bancaires en Cobol ; à la rigueur sur AS/400, mais rien de plus moderne.

Je ne te surprends pas, donc, en t'indiquant qu'après deux PX 125 il s'est offert sa première Béhème, une R45 en bien plus mauvais état que ne l'affirmait le précédent propriétaire. Quand il est arrivé au Bouclard, la mine déconfite, c'était trop tard pour sauver le couple conique arrière, bouffé par un jeu entre dents fait par un amateur mal outillé.

C'est donc rayonnant et enthousiaste qu'il a déboulé fin mai avec sa dernière acquisition : une R80 RT bleu foncé à coque arrière de Mystic, bidouillée de partout, certes, mais par un proprio sérieux et connaisseur. En m'approchant, je remarque une foule de petits détails qui trahissent la bécane de routard expérimenté : la deuxième barre d'étai entre les supports de sacoches et les goussets de renfort soudés ; des tampons anti-vibration entre le carénage et le réservoir ; deux prises 12V dans le vide-poche et ainsi de suite.

Avec "seulement" 4.000 kilomètres pour ceux qui savent lire les compteurs d'époque, elle est très propre et entretenue avec soin depuis sa sortie d'usine en 1995.

Le Bouclard étant le Bouclard, ça a chambré d'emblée avec cette pique que je trouve savoureuse : on couperait le cardan de sa R, on pourrait déterminer son millésime grâce à ses anneaux de croissance (comme pour les arbres). Hu hu.

Pierre est un personnage tout à fait fascinant : il confectionne la plupart de ses vêtements lui-même, à la machine à coudre ; il habite une caravane enfermée dans une cabane dont il a façonné et cuit à la main les 144 tuiles qui forment le toit. En ce moment, il apprend la cordonnerie parce qu'il a envie de se faire des bottes de moto sur mesure. Wow.

Après la boucle d'hier autour de Larressore pour se mettre en jambe, nous serpentons en direction d'Aulus-les-Bains où Éric a repéré un camping qui s'appelle Coulédous, ce qui nous a fait beaucoup rire. Par l'autoroute, il y en aurait eu pour trois heures. Nous en avons mis plus du double : en montagne, c'est déjà beau de tenir le 60 de moyenne.

Il est midi. Nous nous arrêtons dans une de ces infâmes villes à touristes dont les rues sont une succession de restaurants, de galeries "d'art" et de boutiques de fringues à très cher parce qu'il y a deux bouts de bois mort dans la vitrine. Vite ! Filons !

Dans le sinueux, la Béhème joue de ses pneus fins (120 à l'arrière) pour se balancer sans effort d'un angle à l'autre, d'autant plus que la RT a un guidon large. J'arrive aisément à suivre Pierre : il a plus de couple, mais sa boîte lente fait que je reste derrière lui sans forcer. En cravachant un peu, je pense que j'arriverais à passer devant et à y rester.

J'avais très envie d'essayer la R, pour retrouver les sensations du châssis au maniement si particulier, le moteur "à l'ancienne" aux vibrations caractéristiques, avec une poignée de gaz qui semble reliée directement à la roue arrière sans l'élasticité d'une transmission par chaîne et la chaleur du moteur qui remonte sous le casque dès que l'on s'arrête (un truc que les scooteristes ignorent). J'ai été fort gêné par les reflets parasites dans le grand pare-brise et les freins sont vraiment d'un autre âge, même comparés à ceux de Lapin-Lap1.

Je me dis que pour parfaire sa culture motarde, on devrait essayer un flat béhème, un twin Moto Guzzi, un petit deux soupapes Ducati et un 1200 Evolution. Ils font tous aux environs de 50 chevaux, mais les sensations sont tout à fait différentes.

La tente de Pierre est à l'image de sa moto : un modèle peu courant de tente-tunnel basse en coton huilé qui tient en place grâce à deux arceaux en demi-cercle et une longue faîtière tubulaire. Une fois roulée, elle forme un boudin épais et lourd qu'il vient poser en travers de la selle passager. Elle déborde largement sur les deux Krauser latérales. Seul avantage : c'est monté en quarante secondes et replié en une minute en laissant dedans matelas et sac de couchage si besoin.

Il est encore tôt dans la saison : le camping est à moitié vide. Nous avons béquillé les motos selon un grand carré et installé nos abris respectifs au milieu. Ahmed est surpris par la toile occultante de ma tente de prêt : même en plein soleil, il y fait très sombre ; en contrepartie, on n'y voit rien sans lampe de poche une fois la porte fermée et pour se réveiller le matin il ne faudra pas compter sur le soleil.

Nous pensions passer une soirée à bavarder, mais je suis cuit après 300 bornes de virages. En m'endormant, j'ai encore l'impression de tanguer d'une courbe à l'autre.

Demain (la semaine prochaine pour toi), on roule moins. C'est moi qui vais ouvrir la route et j'ai choisi de faire un peu de tourisme à pied, pour changer. Si ma proposition a été accueillie avec des moues dubitatives quand j'en ai parlé avant-hier, après la rude journée que nous venons de passer, j'ai l'impression d'avoir convaincu tout le monde.

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Commentaires

Meuldor

Quel plaisir cette transpyrénéenne. Le flat de la R65 de mon père me revient en mémoire. La BM est morte contre un camping car bien avant son pilote et je regrette qu’il soit parti sans avoir entendu le rotax de ma petite GS. M’enfin c’est pas grave. Je relirai tous les épisodes à la file quand vous serez rendus.

02-08-2022 08:08 
Goupil62

Fin des années soixante-dix, je me rappelle d'un pote au bahut (Terminale A) qui conduisait une R65 d'un vert improbable mais qui nous faisait rêver.

Ce dernier, quinze ans après, avait toujours cette monture dans un état de délabrement mais il ne voulait pas s'en séparer parce qu'elle fut sa première moto.

Nous nous sommes perdus de vue & je pense, sans trop me tromper, que ce véhicule a dû être recyclé en aspirateur ou robot de cuisine 🤔

02-08-2022 08:34 
Patinfo

Je conseille l'assembleur a la place du Cobol😉

02-08-2022 23:45 
Bee Loo

une de ces infâmes villes à touristes dont les rues sont une succession de restaurants, de galeries "d'art" et de boutiques de fringues à très cher parce qu'il y a deux bouts de bois mort dans la vitrine" : grandiose !

03-08-2022 19:25 
Coolapix

S’il y en a une que je regrette d’avoir revendue, c’est la R100R, même si elle approchait des 160000 kms… Et quand je vois le prix auquel on en trouve maintenant, je pleure. 😢

03-08-2022 22:19 
 

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