Souvenir d'un soir d'été
1942-2017
Ce devait être fin août ou début septembre. J'avais pris la bécane pour aller nulle part, juste pour rouler au soleil.
Parfois j'ai envie d'aller rouler un peu. Comme j'ai pu l'écrire tantôt dans l'autoroute de la vie intérieure, je finis par entrer dans une espèce de transe méditative due au déplacement immobile que j'effectue. Pour cela, j'ai mon petit parcours sur des routes désertées par les diesels pressés. Je passe d'une vallée à l'autre, dans les creux du plateau calcaire qui surplombe la triste plaine de la Saône.
En partant, j'ai vérifié la pression des pneus en faisant de l'essence. Il est dix-huit heures trente : j'ai encore deux bonnes heures de soleil devant moi et aucune obligation particulière quant à l'horaire de rentrée. Je sors au plus vite de la ville par une route que je connais bien. La grosse départementale se fait plus intime à partir de Messigny, puis carrément sauvage à Sainte Foy. Je grimpe le raidillon à guère plus de 40 km/h : rien ne presse.
J'émerge sur le plateau. Les champs sont moissonnés. Des nuages de cartes postales font la sieste plus au nord. J'ai le soleil dans le dos : je le sens qui me réchauffe sous le blouson après la relative fraîcheur du sous-bois. Dans Curtil, j'oblique vers la Combe au Loup. Devant moi, un tracteur remorque un haut chargement de bottes de paille. Je ralentis. Je souris : je roule dans une tempête d'or. Des brins de paille se détachent des bottes sous l'effet du vent et tourbillonnent derrière la remorque. Ils viennent frapper mon casque avec un petit bruit délicat, un peu comme des flocons de neige. Ils sautent par dessus de la bulle comme des petits poissons fous. Je reste là de longs instants, à profiter du vol de la paille, une vingtaine de mètres derrière la remorque. Le tracteur finit par tourner vers une ferme. Je tapote mon blouson dont les replis ont conservé quelques brins.
Je prends la direction de Francheville : j'aime bien cette autre route en sous-bois qui mène vers Vernot. Ici, je peux rouler sur un filet de gaz à 45 km/h en profitant de la forêt duveteuse de mousses. La route est rapiécée de partout. Une trouée dans les arbres : je m'arrête et coupe le moteur pour profiter du calme qui descend soudain sur mes bras et mes jambes. Je repars au bout de dix minutes à peine. Le soleil disparaît derrière la crête. A la patte d'oie, je tourne vers le nord sur une route à peine plus large.
Frénois. Je fais face à l'est, le soleil dans les yeux. Je vais pousser jusqu'à Source Seine avant de prendre le chemin de la maison. Maintenant, l'idée d'avoir à rouler en ville me déplaît. Je voudrais ne pas rompre le charme de cette fin d'après-midi avec des feux rouges et des voitures pressées. J'enroule les courbes paresseuses entre Verrey et Turcey, puis celles plus serrées avant Panges. C'est enfin la descente vers Dijon dont les lumières s'allument déjà. A ma droite, un gros soleil rouge prend son temps pour peindre quelques nuages attardés.
18 janvier. Il est quatre heures vingt-cinq du matin : je suis en route vers le boulot, un chouilla à la bourre. Il fait -3°. Je grelotte en attendant que ce foutu feu passe au vert. Il faisait beau, ce jour-là. Il faisait chaud...
Commentaires
Tut'raine labite, poaro !
31-01-2017 09:19Gaaaaaz!
(Oui, j'essaye des sportives en ce moment... Pourquoi ?)
La prochaine fois que tu roules bucolique, fais moi signe, je t'accompagne à vélo.
Mon KPOK, ton rêve t'entraine dans de bien étranges contrées, où le soleil se couche à l'est
31-01-2017 09:39-> "Je fais face à l'est, le soleil dans les yeux"
Fift,
Terre-à-terre de service
C'est parce qu'il est complêtemnt à l'ouest, ce brave homme!
31-01-2017 10:31Salut
31-01-2017 13:53Ou alors il roulait sur la planète Vénus qui est rétrograde par rapport aux autres...
Petit moment scientifique off.
V
KPOK écrit que le soleil le chauffe dans le dos, il est bien cap à l'est non ?
31-01-2017 15:00Après si le soleil l'éblouis, c'est peut être dans ses rétroviseurs.... O:)
Me remercie pas KPOK, je suis très doué en mauvaise fois motarde...
Dijon : hémisphère sud?
01-02-2017 09:03Dans l'hémisphère sud, le soleil se lève toujours du même côté. Ou alors, la Terre va rapidement se décapsuler au niveau de l'équateur, ça risque de faire désordre .
01-02-2017 09:24