Hivernale en solitaire
Mercredi. Je sors du taf' avec dans l'idée d'aller faire quelques courses. Mais au lieu de faire le 'V' habituel qui me fait entrer dans Dijon par l'est pour en sortir par le nord, je décide de tenter la diagonale tout en évitant la rocade.
Je connais mal l'est de Dijon, mais j'ai quelques noms de bleds en tête pour me repérer. Il fait beaucoup plus humide que ce matin donc carrément plus froid. Pourtant j'ai la flemme d'enfiler mon pantalon de pluie : j'ai 10 bornes à faire, ça va passer comme ça.
Jusqu'à Quétigny, tout va bien. Je prends la direction de Sainte-Appo. Le 500 VF poume-poume comme à l'accoutumée. Le moteur est moins performant mais plus sympa que celui d'une GT 750 ou d'une 750 SEI que j'ai essayés récemment. Varois-et-Chaignot. Je rentre dans le brouillard. De la buée se forme à l'intérieur de ma visière malgré le pineloque. Merdaphoque.
Ca caille quand même vachement. Allez, j'arrive bientôt : courage. J'essuie la visière qui se charge de petites gouttelettes d'eau. J'ai les doigts gelés. J'aurais dû mettre mon pantalon de pluie : j'aurais moins mal aux genoux.
Bifurcation. Arc-sur-Tille ? Non, ça m'éloigne. Je prends à gauche. Logiquement, je dois tomber dans pas longtemps sur cette route qui vient du nord. Je roule dans un brouillard modérément épais sur une route que je ne connais pas. Le froid traverse mon blouson malgré le gilet doublé d'ouate. Bon, elle est où, cette route ?
Je traverse des bleds aux noms inconnus. Mouais. Ça pue, mon affaire. Et puis je baisse les yeux sur le tableau de bord. Funérailles ! Je suis sur la réserve ! Et je ne sais pas depuis combien de temps.
Gloups.
Récapitulons : je suis sur une route que je ne connais pas, dans un coin que je ne connais pas, en direction de je ne sais trop où, en plein brouillard et sur la réserve depuis je ne sais pas quand.
Mouais.
Dans mon souvenir, j'ai fait le plein un peu avant 8.400 kilomètres. Là, j'en ai 8.525. Donc au moins 125 kilomètres depuis le dernière plein, peut-être 150 au pire. Sur route, j'arrive à descendre sous les cinq litres au cent, donc en théorie un peu plus de 200 kilomètres d'autonomie maximale. Oui mais... j'ai surtout fait de la ville avec de fréquents démarrages moteur froid donc j'ai dû consommer bien plus. Mouais mouais mouais.
Mais j'ai un plan. Un plan si génial que si on lui mettait des lunettes on l’appellerait Einstein : dans le prochain bled, je harponne un contribuable local et je lui demande par où c'est, Dijon. Coup de chance, j'en trouve un presque tout de suite. Ou plutôt une contribuable. Probablement mineure de surcroît. Va-t-elle s'enfuir en hurlant ? Mais non. Fort aimablement, à ma question balbutiée puisque j'ai le menton gelé, elle m'indique que Dijon c'est par là, en pointant la direction d'où je viens.
Mouais. Note perso : mettre à jour au plus vite le firmware de mon sens de l'orientation.
Je repars donc en sens inverse à un petit 70 compteur pour économiser l'essence. Un panneau : Dijon, 17 kilomètres. Au loin, j'aperçois un poids lourd. Impeccable : je vais choper sa roue et me servir de lui comme ouvreur et chasse-colleur au cul. Je m'approche. C'est un camion-citerne. D'essence. Ha ha. Très drôle. Je reste néanmoins derrière lui.
Une direction Dijon à droite. Je bifurque en laissant le camion continuer tout droit. Il faut quand même que je fasse attention à ne pas me retrouver sur une de ces portions à 110 qui desservent la rocad... Puta madre ! Je suis sur la bretelle de la D700 que je n'ai pas vue avec le brouillard. Justement la route que je voulais éviter : elle relie Dijon à l'A31. Bon, ben... gaz. En priant pour qu'il n'y ait pas trop de... de poids lourds. Comme les trois qui se suivent, là. Oh merde. Je rentre les coudes, la tête dans les épaules et je me carre du mieux que je peux en position de recherche du 97 km/h chrono. Brave moteur, brave moteur, gentil moteur... Je suis à fond de la vitesse idéale pour économiser la conso. 110 km/h compteur. Je le vois bien : j'ai quasiment la visière encastrée dedans.
La D700 débouche sur un lieu que j'appelle Le Rond Point de l'Ultime Muerte tant il est mal gaulé, en plus d'être fréquenté par des automobilistes en pleine crise de panique. Je ferme les yeux. Quand je les rouvre, je suis sain et sauf de l'autre côté. Je passe devant le CHU, puis c'est l'avenue vers la place du 30. Si je tombe en rade ici ce n'est pas grave : ça descend. Station Avia, dans mes bras !
Dans le réservoir, je case très exactement 17,23 litres d'essence, soit un poil plus que la capacité maximale du bidon.
Dans la bagarre, j'ai pas fait mes courses, moi. Allez, je fais un crochet par la maison et j'y retourne. Par le chemin 'normal' ce coup-ci.
Commentaires
Trop bon!
03-01-2017 09:28C'est ça l'aventure! Si petite soit-elle, ça fait de beaux souvenirs, après...! Et tout ça à pas très loin de chez soi!
Et quelle belle photo, on dirait moi sur mon DR un grand jour de janvier en allant à Dijon! Je me la mets () en fond d'écran, ça me rappelera que je suis bien mieux au chaud en voiture pour aller bosser, au chaud au bureau!!!
Meilleurs voeux à toute l'équipe et aux Repaireux !
Excellente chronique on en a froid pour toi, et le stress du "réservoir ké vide et kon se demande bien comment ça avance encore" est très bien rendu ;))
03-01-2017 10:51Ah Dijon! sans carte il y a qqs années sur le trajet IdF > Evian par la Suisse avec la volonté de faire le trajet sans autobeurk a été un grand moment de perdition. D'abord à l'arrivée Est pas trouvé comment éviter la 4 voies, pourtant c'était bien partie le long du canal et plouf chemin réservé aux vélos, puis le centre ville où les panneaux "toutes directions" sont placés aux quatre coins cardinaux mais jamais indiquée une localité , c'est à la boussole que ça s'est fini, finalement sur la rocade le choix, intérieur ou extérieur, va pour l'intérieur vu qu'au compas j'avais fait Est-Sud Est, enfin un panneau qui "parle" Dole, mais là encore que l'A39 juste un petit bout mais le chalenge était perdu.
03-01-2017 15:51Le GPS n'aurait été que d'un secours partiel puisqu'il ne propose que "pas de route à péage" et les deux tronçons empruntés étaient gratuit.
Le seul plus le beau temps et le réservoir plein, la R1150R ne consommant presque rien sur les routes à 90.
Ce genre d'aventure mâtinée d'angoisse arrive plus d'une fois dans la vie d'un motard. Surtout les premières années... ;-D
29-01-2017 18:01Dans le genre : dans les années 80 (pas de stations 24/24) parti de Paris après le boulot un vendredi soir à destination du Périgord, un peu plus de 22 heures, après avoir passé Limoges (ou Poitiers, selon N20 ou N21), on s'aperçoit qu'on a complètement oublié de faire le plein... Faire demi-tour (et risquer la panne sèche) ou bien continuer jusqu'à Périgueux (ou Angoulème, selon le trajet choisi) et risquer AUSSI la panne sèche ? Question existentielle et vertigineuse...
Gros moments de solitude, au sens figuré et aussi au sens propre, dans ces contrées (alors) désertes, sombres, brouillasseuses souvent, et quasiment sans circulation après 20 heures !