Noir vendredi ou blaque fraïdèï
Il n'y a rien de plus dangereux qu'un contribuable armé d'une carte bancaire.
Il n'y a rien de plus dangereux qu'un contribuable armé d'une carte bancaire. Mets-en un milliard sur une planète : c'est foutu. Et la moto, dans tout ça ?
Je déteste la fin d'année, son impérialisme festif, son consumérisme académique et les records des ans passés qu'il faut à tout prix battre. Dans notre société où la pile est art, les marchands empilent les prétextes, comblent les vides du calendrier. Il faut vendre, vendre, pour contenter le ventre des lamproies de Oualstrite.
Dans un supermarché, deux mouettes quadrupèdes se disputent quelque chose. Plus jeune, cela m'aurait fait rire.
Pour avoir fait l'erreur de laisser jadis mon numéro à quelques boutiques spécialisées dans les vêtements et accessoires pour motards, je reçois des messages courts m'enjoignant à faire vite. Je laisse faire : j'alourdis ainsi leur facture télécoms ; je participe à l'ajout de zéros dans leur taux de transformation. Je suis un point sur cette partie du graphique colorée en rouge où il y a écrit "réfractaire" ; cette part haïe qui leur répond "bof".
Dans un supermarché, une foule compacte piétine devant des grilles. Ils seront bientôt lâchés comme un vol de pigeons. Certains tomberont à terre et derrière leur écran, d'autres feront : "oh !"
Ce cirque est présenté comme une aubaine. J'y vois du désespoir, de part et d'autre de la caisse enregistreuse. Notre époque pue la fin de règne, le moment où la bille va passer de l'autre côté de la courbe, cet âge que l'on expliquera aux écoliers du futur sans qu'ils comprennent ce qui nous a pris. Je crois que nous le sentons, que nous savons la fin approcher : quelques-uns, à l'avant de la chenille du grand huit, ont vu le vide en amont et hurlent déjà. Pour couvrir leurs cris, nous rions très fort.
Dans un supermarché, de guère moins miséreux en t-shirts rouges, face à la foule, vivent le cauchemar de la boule de bowling chargée par une armée de quilles vengeresses.
Et la moto, dans tout ça ? Heureusement, nos commerciaux sont plus codéine que benzédrine ; sorti des promotions sur les blousons de l'été 2017 et des casques aux décorations de mauvais goût, nous échappons un peu à cette veule frénésie. Certains poussent sans conviction une campagne que l'on sent plus subie que voulue : "ah, zut, ça va être blaque fraïdèï, faut qu'on fasse un truc, quand même". Tout comme ils patinent à faire rimer vidange et Saint Valentin.
Dans un supermarché, au lever du rideau, un unique péquin ébahi s'avance face à l'équipe de télévision qui espérait à la place une foule compacte en plein délire d'achat : consternation !
Il m'est facile de tirer sur cette ex-ambulance, même plus un corbillard, plutôt une concession à perpétuité déjà pilonnée à l'obus haut-explosif de gros calibre par divers confrères de plume que révulsent aussi ces "fêtes" de fin d'année qui commencent outre-Atlantique par un pogrom de volatiles en mémoire de l'extermination d'une énième population. Moi et ma bécane neuve : hin hin hin.
Une jeune femme se filme de retour du supermarché avec ses achats. Elle parle très fort, très vite, agite les mains. Elle est extatique d'avoir payé 200 dollars un accessoire qui en coûte 15 en sortie d'usine : la cruche.
Par je ne sais quel tour de force mercantile, ne pas acheter en ce moment c'est faire preuve d'égoïsme -d'asocialité !- plutôt que de mesure et de recul. "Vos emplettes sont nos emplois" est un infâme mais bien réel chantage. J'aimerais dire à mes proches : "quitte à s'acheter des trucs, autant attendre la mi-janvier ; mais dites-moi d'abord d'où vient cette obligation ?"
Sur l'écran, le présentateur parle très vite et très fort de milliards qui rassurent parce que les promotions sur les peluches moches font la bonne santé des nations. C'est la version institutionnelle et macroéconomique de la cruche d'avant : lui aussi, pour faire son travail, est trop maquillé.
Cette année, je vais faire un geste authentiquement révolutionnaire : laisser ma carte bancaire à la maison. Peut-être.
Commentaires
j'adore!
27-11-2018 08:13surtout le concept de rime entre vidange et Saint Valentin.
ce ouikende j'ai utilisé ma CB (la visa, pas la Honda) pour faire le plein et le vider sur les routes du Pilat, froides et (presque) sèches, un grand moment de kif.
petit plaisir égoïste et asocial à moins de 18¤.
surtout ne change rien
La carte bancaire à la maison?
27-11-2018 08:28Ah... Commander en ligne, au chaud!
Moi qui attendait des infos sur lapin-lap1....
27-11-2018 10:20Je vais être magnanime : ça reste une bonne kronik!!
C'est hélas tellement vrai. Pas sûr qu'il y ait encore des écoliers dans le futur pour s etonner de notre comportement. Et on goûte de moins en moins la douceur de cette fin d'époque version "invasions barbares". On est vraiment une sale race bien pitoyable. Et pourtant il y a eu Beethoven, et bien d'autres plus anonymes. Et pourtant c'est beau un enfant. Et même parfois un vieux.
27-11-2018 20:23J'attends le moment où un constructeur auto proposera de pouvoir faire ses emplettes tout en conduisant (moyennant un passage vers des sites ouèbes "partenaires").
Après tout, c'est encore un moment où on ne peut pas consommer, n'en restent plus tant que ça maintenant qu'il y a même la 3G dans les avions ... 27-11-2018 20:44
Et que les gens réclament la 3G dans les TER.... 27-11-2018 23:24
Pas de black friday pour moi. La carte bancaire est restée bien au chaud dans le portefeuille. Et ça va continuer comme ça un bon moment. Je me considère en guerre économique, donc tout ce qui n'est pas indispensable, tout ce qui peut encore attendre ça va rester dans les magasins. J'aime pas quand on essaie de me forcer la main, de me pousser à acheter. Evidemment, ça fait tourner l'économie, ça maintient de l'emploi (surtout en Chine), ça fait surtout rentrer de la TVA... Sans moi, pour un bon bout de temps. Sauf les Kroniks, je crois que pourrais même payer pour elles.
28-11-2018 10:52mais si on paye pour les Kroniks, Est-ce qu'il ne faut pas aussi mettre un barème sur les commentaires? avec des tarifs différents en fonction de la longueur, si c'est un commentaire positif ou négatif?
28-11-2018 11:16Est-ce que les commentaires participent à l'amélioration des Kroniks, donc à l'augmentation de leur tarif?
ça pourrait être la bulle spéculative des Kroniks, le RDM devient un média international coté en bourse avec un budget pub stratosphérique... jusqu'à l'effondrement
alors David en profite et rachète le Bourgeman à Kpok, puis il fonde le repaire des scootards, résolument plus moderne que le RDM conservateur actuel.
c'est bon, ça, non?
Vous êtes en forme
"Je crois que nous le sentons, que nous savons la fin approcher : quelques-uns, à l'avant de la chenille du grand huit, ont vu le vide en amont et hurlent déjà. Pour couvrir leurs cris, nous rions très fort."
28-11-2018 11:39Sinon, en France, c'est plutôt ça :quelques-uns, à l'avant de la chenille du grand huit, ont vu le vide en amont et hurlent déjà. Pour couvrir leurs cris, on taxe à mort la populace histoire de prendre ce qu'il y a encore à prendre, plutôt que d'agir honnêtement.
Kpok a raison, j'ai toujours détesté leur black fraieudé et autres fêtes à la citrouille. La fin d'année est un moment pénible...va y'avoir du sport mais moi j'reste tranquille...
28-11-2018 21:20Avant, après les frais de rentrée scolaire, on respirait un peu avant Noël.
28-11-2018 21:39Pis après, y'a eu plein de pub pour Halloween. Déguisements, jouets, fête, tout ça que t'es un mauvais parent et un looser si tu fais rien.
Ca a baissé parce que bon, au bout d'un moment, la soupe de citrouille...
Maintenant, faut qu'on nous bassine juste avant Noël (bordel!) avec un "Black Friday".
Une nausée grandissante, confuse mais réelle qu'il est bon d'évoquer ainsi. Merci KPOK !
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29-11-2018 07:32