Kronik : J'ai la trouille sous la pluie
Sous la pluie, je flippe. Je flippe de perdre l'avant ou l'arrière. Faudrait rouler qu'en été. Ou que je fasse un stage aux Flottophobes Anonymes.
Merde. Il flotte. Je ne sais pas ce que je déteste le plus : la flotte en bécane ou la bagnole alors que je pourrais rouler en bécane si je ne détestais pas autant la flotte. Je n'aime pas le pantalon qui colle sur la selle, les compteurs brouillés de gouttes, les rétros qui éblouissent, les leviers froids. Je n'aime pas l'odeur de l'eau qui s'évapore de la ligne d'échappement, du moteur.
Et j'ai la trouille. Une putain de trouille tout le temps. J'ai la trouille de perdre l'avant au freinage. Je flippe de la roue arrière qui ripe sans prévenir. Je n'ose pas prendre d'angle et j'aborde mes virages tout crispé, tout droit, presque à l'arrêt, en me demandant ce qui va glisser : l'avant ou l'arrière ?
J'essaye de me détendre. De choper les freins en ligne droite un peu fort en me disant : "tu vois, ça tient. Alors pourquoi tu flippes ? Ça tient, ch'te dis". Mais rien n'y fait. Je passe les virages sur l'élan, gaz coupés, en prenant le moins d'angle possible : si ça tient sur un freinage moyen, les contraintes imposées sur le pneu sont moindres, donc ça ne doit pas glisser, non ? Mais c'est en vain : je flippe toujours.
En ligne droite, ça va. En ligne droite, j'ai confiance. J'ai lu que mes Battlax tenaient bien sous la pluie, donc ça va. Mais dès que ça tourne, je me fige. J'ai les épaules qui se contractent. Je lutte contre le virage. Je crispe les épaules et les bras, je serre le ventre, mes orteils se recroquevillent dans les bottes. J'ai l'impression que la direction pèse une tonne, que toute la bécane n'a pas envie d'y aller, qu'elle me murmure "gamelle, gamelle, gamelle".
Et ça me fait chier. Ça m'énerve d'être tout flippé sous la flotte alors que la dernière fois que je suis tombé à cause de la pluie c'était quand ? C'était quand ? Attends… Je crois que c'était le jour de la circule pour le premier passage de mon permis. On était à même pas 500 mètres du centre d'examen sur le chemin du retour. Je voyais déjà mon petit papillon rose palpiter au loin. J'ai pris ce gauche à peine mouillé et blang ! J'ai fini au tas. L'ER-5 au sol. Moi sans trop de bobo, avec juste un trou dans mon pantalon de pluie, mais fini le permis, loupé. C'était il y a quoi ? Vingt ans ? Plus de vingt ans, en fait.
Je ne sais pas si c'est dû à ça, mais depuis, sous la flotte, je flippe.
Pourtant j'ai déjà bloqué l'avant sous la flotte et je sais que même avec un peu d'angle il suffit de vite relâcher pour que la moto se remette en ligne. J'ai déjà fait de grosses virgules avec des pneus de merde et il suffit de rendre la main sans brusquerie pour redresser. J'ai roulé sur des bécanes avec des suspensions complètement nazes, avec des roulements de direction à qui il manquait des billes, avec des amortos tordus. Même avec la 125 je fais chasser l'arrière à la remise des gaz sur des bandes blanches ; c'est rigolo : c'est sur le sec. Mais sous la flotte, je flippe.
Je savoure chaque kilomètre de ce mois d'octobre où les nappes phréatiques n'en finissent pas de hurler : "à boire ! à boire". Oui, mais pendant ce temps-là il fait sec et j'enfourche la bécane sourire aux lèvres, pendant que la bagnole prend la poussière. Je compte les jours de délice avant la venue de la drache et des cinq mois de février qu'il va falloir subir avant le retour du beau, du sec, quand je n'aurai plus peur.
Si j'étais moins tarte, ça fait belle lurette que je me serais renseigné pour un stage aux Flottophobes Anonymes ou un truc dans le genre. Aller voir une moto-école et leur demander si je peux me refaire la lente et surtout la rapide sous la flotte ; pour casser la raideur de mes épaules, pour dissoudre la boule dans le bide, pour desserrer la mâchoire. Arrêter la parano de la glissouille et l'impression qu'à chaque seconde passée en virage je vais finir au tas.
Avec la 125 ça va mieux : c'est léger, je me dis que je dois pouvoir rattraper si ça part en sucette. Mais les 230 kilos du Bourgeman ? Je n'y crois pas du tout. Déjà qu'il glisse sur le sec quand je mets gaz en grand au démarrage sur du bitume un peu merdique -la suspension arrière est vraiment morte- alors sous la flotte…
Bientôt c'est novembre.
Merdmerdmerdmerdmerd.
J'ai la trouille.
Commentaires
non Jeff, t'es pas tout seul...
23-10-2018 08:05Certains disent que c'est dans la tête, d'autres ne jurent que par le style coulé, mais après un test célèbre, "très sincèrement, ça s'vaut!" , parait-il...
23-10-2018 08:34Moi je dis, la vraie raison pour laquelle t'as pas peur en 125, c'est pas qu'elle est plus légère (230 kg le Bourgeman ?? Ca fait lourd de plastique !), c'est que c'est une moto et que le Bourgeman, c'est un scoot.
23-10-2018 09:12Et les scoot, ça tient pas la route.
Surtout sous la pluie.
Valà.
Fift, essayant de ramener KPOK à l'abnégation motocycliste.
Cette photo est surement la meilleure pour illustrer. On était au Portugal et les bourrasques de pluie passaient à l'horizontale...
23-10-2018 09:25Avec des meules montées en super-mot'.
Huhuhu...
Sinon, les pneumatiques modernes route-sport de moto (de scoot aussi) sont top sous/sur l'eau et on peut rouler vraiment bien en virage.
23-10-2018 09:31Michelin PR 5, Metzeler Z8 ou 01, Bridg T30 evo et T31, Dunlop Roadsmart 3... vous pouvez y aller sans crispation sous la pluie.
Alors gaz !
Sympa la kronik !
23-10-2018 11:01On vis tous ça a des moments de notre vie motarde...
Moi ça va avec le temps (et la pratique circuit...), et pensez à bien gonfler vos pneus si pluie: contrairement aux idées reçues (un pneu ça chauffe 0 sous la pluie !), il faut que le pneu soit bien en forme avec les rainures entendues et fermes pour évacuer au mieux l'eau
Vrai, la pluie est inquiétante pour de nombreux facteurs :
23-10-2018 11:12Risque de perte d'adhérence à l'accélération (ma jeunesse en 2T !) et freinage difficile (merci l'ABS).
Le risque des flaques d'huile amplifié en début de pluie, je me suis vu prendre un café en attendant le lessivage de la route.
La perte de visibilité faute d'essuie-vitre sur le casque, et il vaut mieux éviter de rouler à des vitesses chassant les gouttes, même si c'est bien pratique.
Le manque de "grip" des mains et pieds et la sensation de glisser sur la selle...
Tout ce qu'il faut pour se sentir en insécurité. Ensuite, c'est une question d'habitude.
Quelle idée aussi de rouler en Bourgeman ?! (t'es bourge, man ?)
23-10-2018 14:00moi aussi j'ai la trouille, une trouille monstre, pas de la pluie, j'aime bien, par contre les bandes blanche, les passage piéton en sortie de rond point …. alors là rien à faire de ce que l'on peut penser, je passe droit comme un I
23-10-2018 18:56Surtout sur la première pluie, après au bout de qques jours c'est rincé, cela va mieux.
La pluie j'aime bien, je roule doucement, je ne fais pas de bêtise, je prends mon temps.
mais une 125 cela glisse bien aussi (surtout une CBF avec des pneu contigo - j'ai déjà traversé des ronds points en crabe avec ces saletés de pneumatiques)
A+
au feeling, ça dépends de plusieurs facteurs, je parle pour moi évidement.
23-10-2018 20:01en ce moment même sur le sec je prends pas de risque, par contre il m'est arrivé d'ouvrir sur une belle averse route Napoléon, je me sentais bien.
on verra dimanche, la pluie est annoncée et une ballade est prévu dans l’arrière pays.
ce qui est certain c'est qu'en scooter j'ouvre pas du tout sur le mouillé, sont pas fait pour ça ces brelons.
La crainte c'est le debut de la sagesse...
23-10-2018 20:57Cette crainte de perdre l'avant dans le mouillé. ..Ça doit avoir des racines profondes si je puis dire...
24-10-2018 08:52En tout cas il y a là un mystère à percer. ..
Zygmunt
Je n'ai pas spécialement peur sous la pluie. Le seul truc que je redoute, par expérience, c'est la plaque de gasole sur la route. Quand on rencontre ça sous la pluie, ça ne pardonne pas. Mais on n'y peut rien, il faut vivre (ou rouler) avec. Sinon, il faut rester aussi décontracté et souple que possible, éviter bien sûr les accélérations et freinages brutaux, regarder loin pour anticiper, et avoir des pneus (le reste aussi) en bon état.
24-10-2018 11:00Je me souviens d'un conseil de Jean-Claude Chemarin : si tu arrives trop vite dans un virage sur le mouillé, passe le rapport supérieur et ne touche pas aux freins !
24-10-2018 11:43si il y a un rapport supérieur !
24-10-2018 11:44j'ai le même soucis.
24-10-2018 13:33à une époque, à force de faire des grosses sorties par des météos déplorables, j'avais pris un peu confiance, et j'arrivais à rouler à un rythme correct sur le mouillé (avec le Xmoto notamment).
mais la piste sur le mouillé m'avait aussi beaucoup aidé
tom4, maintenant, j'ai repeur
Par temps de pluie , j'adopte une conduite plus souple !!..Qui roule de la même manière sur sol mouillé que sur sol sec ??!
24-10-2018 14:36Mais je préfère le soleil ...au début je bravais tous les temps : pluie, neige,verglas pour aller bosser ...j'étais un motard heureux !
Depuis ,avec les années , je ne roule que sous le soleil pratiquement ..et je suis toujours un motard heureux !
Concernant les peurs pour moi il y a pire que la pluie : les graviloons et les plaques de gasoil dans les virages !
Je me souviens aussi que dans les premiers jours qui ont suivis le permis, j'avais une peur irraisonnée que mon pneu avant éclate ...aujourd'hui j'ai toujours peur des sangliers !!
Achète une 1200 RT, ça ira mieux
24-10-2018 14:59[www.youtube.com]
Une VFR c'est pas mal aussi
[www.lerepairedesmotards.com]
Je suis jeune motard, mais j'ai remarqué un truc : Si on arrive à la limite de l'adhérence sous la pluie, c'est qu'on irait déjà bien trop vite sur du sec.
24-10-2018 18:54Bon, c'est pas totalement vrai, parce qu'il y a des choses sur la route qui deviennent très glissantes, auxquelles il faut faire vraiment gaffe.
Big, la VFR tient pas la route sous la pluie. Surtout du côté de Quimperlé.
Du moins en passant sur les bandes blanches.
KPOK, je te confirme : quand on perd l’avant sur le mouillé, on finit par terre. 24-10-2018 22:07
Et surtout s'il n'y a pas de virage! 25-10-2018 07:45
Je suis jeune motard aussi, ça rassure de pas être le seul à faire de l'huile dés qu'il y a du mouillé.
25-10-2018 14:09je pense que c'est comme tout, ça s'apprends avec le temps la conduite sur sol humide.
C'est en forgeant qu'on devient forgerons.
La pluie...?
25-10-2018 14:12Que je me souvienne ce que c'est....
Ca fait quelques mois que je n'ai pas eu l'occasion de rouler dessous.
alors si je résume:
25-10-2018 14:23sur la pluie, le mouillé c'est dans la tête,
sous la pluie le mouillé c'est dans le slip.
c'est bien ça?
vu la météo, on va pouvoir passer à la pratique très bientôt
C'est marrant, quand j'étais jeune, je roulais sous la pluie sans appréhension. Faut dire que j'avais une Honda CG 125, légère comme une plumme avec un couple moteur "pépére"... Je détestais la pluie seulement à cause de l'inconfort qu'elle induisait…
26-10-2018 09:18Plus tard, dés que j'ai eu de "vraies" motos, lourdes et puissantes, je n'ai plus osé rouler sous la pluie que contraint et forcé… et crispé…
C'est chiant de vieillir… (?)
Etant "jeune" dans ce milieu, 4 000 km en 125 cm3 depuis janvier, je me retrouve complètement dans cet article !!! je suis rassuré de ne pas être le seul dans ce cas !
31-10-2018 12:52Je suis pris d'une "tremblote-crispé-comme-un-I" en situation de pluie...
J'imagine que seul l'expérience peut guérir ce mal ??
... sujet intéressant !
31-10-2018 19:59Il me semble que les moyennes kilométriques annuelles se réduisent, donc les occasions de rouler sur le mouillé aussi certainement, nan ?
Pourtant y'a que ça qui fait qu'on appréhende moins, c'est de rouler encore et encore !
Pour rappel, la pratique de la moto est une activité qui se fait à l'extérieur ... au contact des éléments, dont la météo.
Tu pars il fait bô, et pourtant t'es pas à l'abri d'une douche sournoise, donc t'es amené à rouler sur le mouillé tôt ou tard !
Au passage, je comprends pas qu'on puisse avoir un permis de conduire sans avoir roulé sur le mouillé ou la nuit...
Je crois que ce qu'on ne mesure pas toujours c'est les progrès de nos pneumatiques... notre trouille de la glisse est plus forte
... après, je ne jette pas la pierre, ça peut m'arriver aussi pour moultes raisons (rainurages, bitume lisse comme un miroir, gas oil, bourrasques de vent, conduite de nuit et sous la flotte, etc ....) !
M'enfin nos routes ne ressemblent évidemment pas aux pistes parfaites des circuits, et c'est quand même tant mieux !
L'an dernier, j'ai gardé une CB500X six mois. Et évidemment, vu la météo, j'ai plus roulé sur l'eau que sur le sec pour aller bosser.
31-10-2018 23:32Et une bonne partie avec les pneus bien moisis d'origine. Première fois que je fais un travers en accélérant en 25 ans de moto, et avec la moto la moins puissante que j'ai jamais eu, sauf 125.
Du coup, ces fois ou j'ai pris 200 (si, si...) sous la pluie avec ma TRX, ça me semblait un lointain et étrange passé...
Et puis je me suis surpris à regarder de travers le Diablo que ma beumeu a à l'avant, sa tronche ne m'a pas l'air bien "rain-adapted".... C'est que ça rend parano, l'expérience...
@cajo : c'est ce que je me dis. Il y aura forcément où pas le choix, surpris par la pluie, faut rouler !
01-11-2018 09:08Rien ne remplace l'expérience !
Maintenant, faut reconnaître que c'est pas rigolo de rouler sous la pluie.
Une fois, tôt le matin, sur une départementale, éclairé seulement par les feux des voitures et sous une pluie battante, j'étais pas serein haha.
ma pire expérience dans le domaine, c'est quand il a plu... après une semaine de gel! mais pas le choix, je ne vais pas rester au boulot, il faut bien rentrer à la maison.
14-05-2019 14:38ça tenait globalement, sauf à un endroit où une voiture roulait à 25 devant moi... bon, il ne faut pas exagérer quand-même! clignotant, vérifs, 1mm de gaz en plus à la poignée et tout de suite une virgule!
Bon, finalement, 25 c'est bien comme vitesse!
le lendemain, la GSX1400 est restée au garage, et j'ai pris ma 405D