Fauché !

Conséquence directe de la crise : la quasi-totalité des motos neuves est hors de portée de ma bourse. Dix ans après Bear Stearns, je fais les comptes.

Pour diverses raisons, pas toutes involontaires, je gagne aujourd'hui à peu près la même somme que quand j'ai commencé à travailler vers la fin du vingtière siècle. C'est à dire pas des masses. Ce qui a pour effet de mettre hors de ma portée la quasi-totalité des machines actuelles. Sur le marché de l'occaze, je me limite aux alentours de trois mille euros maximum, alors la dernière meule à suspensions pilotées et distribution variable : ha ha ha.

Ce plongeon dans la réalité économique de 80% des salariés du pays n'a pas que des effets négatifs. De facto, par exemple, je me vois dans l'obligation de boycotter tout un tas de bécanes à la mode. C'est très bien, car je reste un peu médusé par la somme de bidules inutiles que l'on trouve dessus d'aujourd'hui, mon préféré restant celui qui sert à se souvenir comment on compte jusqu'à six -fais gaffe, je ramasse les copies dans une heure. Même le compte-tours sur le Bourgeman est moins inutile, puisqu'il permet de régler le variateur et de mesurer l'usure de la courroie.

L'autre point positif est que mon compte en banque me pousse à mettre un peu les mains dans la mécanique au lieu de lâcher un tallebin de 250 europesos à un mécano officiel. Vidange-filtre, franchement, c'est pas sorcier ; il suffit de trouver un coin peinard pour faire ça sans risquer de voir débouler de la bleusaille désoeuvrée. Dernière révision complète sur Henri 4 : 200 euros, parce que j'ai fait changer le train de pneus, ce qui porte le budget total de la 125 à 500 balles cette année, essence et assurance comprise.

Parfois, la radinerie se retourne contre moi : j'attends toujours un pot d'échappement de remplacement pour le Bourgeman. J'espère que le vendeur sur eBay va se réveiller sans que j'ai à faire intervenir les autorités compétentes. Mais le jeu en vaut la chandelle : en concession, le même pot est facturé pas loin de 200 euros de plus. Je sais bien qu'il faut que tout le monde vive, mais pour un bout de ferraille qui coûte en gros 40 euros en sortie d'usine, faut pas pousser non plus. Oui, oui, 40 euros maximum, même pour ta ligne Kradopopo que ton concess' t'annonce sans rigoler à 650 boules TTC, pose non comprise.

Le problème des meules d'occaze à pas cher, c'est qu'il faut souvent mettre très cher dedans pour les rendre à nouveau roulantes. Je ne parle pas juste d'une grosse vidange générale (flotte, huile moteur/pont, liquide de frein) ou d'une synchro carbu. Parfois, plusieurs semaines après l'achat, on s'aperçoit qu'on a des vis foirées, des éléments de carrosserie pétés, un circuit électrique à revoir -tu vois, même pas de gros pépin comme un joint d'embase claqué, un spi de boîte ou une distri à refaire.

Ça se mérite, d'être pauvre. T'as pas trop le droit à l'erreur quand tu as le rarescent privilège d'avoir en banque juste de quoi remplacer ta bagnole ou ta moto -mais pas les deux, ou alors oui, mais à trois ans d'intervalle le temps de remonter à 3/4.000 balles d'éconocroques. Règle de base du fauché : toujours -toujours !- mettre au moins 100 balles de côté par mois, quoiqu'il arrive.

Avec un peu d'huile de coude, un peu de sens de la mécanique et un petit point fixe d'une minute le matin en démarrant pour établir une bonne pression d'huile, il est possible de rouler longtemps avec une bécane en limitant les coûts d'entretien. La moto, ça reste un truc de luxe par rapport à la bagnole, sauf à taper dans de la petite cylindrée façon Henri IV, ce qui n'est pas possible pour tout le monde.

M'enfin féchier quand même : j'aimerais bien une nouvelle bécane. Même de pauvre.

Plus d'infos sur les kroniks

• Toutes les Kroniks