Le cauchemar de 4h17
Le cauchemar avant la conférence de presse moto
Je ne sais plus qui je dois voir, j'ai oublié mon téléphone et en plus je suis pieds nus : j'ai souvent fait ce cauchemar, mais jamais avant une conférence de presse moto.
Cela fait environ un quart de siècle que je fais le métier qui consiste à raconter à l'un ce que m'a dit l'autre. J'ai donc participé à un nombre incalculable de conférences de presse : l'exercice n'a plus aucun mystère pour moi.
J'y suis le plus souvent accueilli par une jeune femme dont le maquillage peine à masquer qu'elle a passé la nuit à s'inquiéter du nombre de journalistes qui vont la planter ce jour-là sous un prétexte bidon du genre "mon ticket de métro n'a pas sonné", ces journalistes qu'hier soir encore elle suppliait de venir et qui lui avaient pourtant répondu "oui, oui, sans faute". C'est déjà le cas quand elles bossent pour Kawa ou Katoche, alors imagine la pauvre fille chargée de faire parler de Palourde & Pécari SARL, n°5 mondial du clip en plastique forgé.
J'arrive au lieu dit pour la conférence. C'est un hall d'exposition en cours de démontage après un salon. Des chariots électriques et des nacelles s'y frôlent en klaxonnant de manière agressive. Le sol, moquetté de rouge sombre, est jonché de débris : longs lambeaux de film plastique transparent chiffonné, bouteilles et verres à champagne, assiettes d'amuse-gueules renversées et piétinées, palettes de bois brisées. Deux types s'engueulent autour d'un stand.
J'ai un trou de mémoire. Je ne sais plus ni le nom de l'entreprise que je dois voir ni celui de la personne qui doit me recevoir. Je suis sûr d'avoir laissé mon téléphone à la maison. Je m'approche, l'air innocent, d'une femme en costume strict, assise sur un tabouret haut, accoudée à une table où sont empilées des feuilles de papier. J'espère qu'elle va me reconnaître pour qui je suis, parce que je n'ose pas lui demander :
- Bonjour. Je dois voir à je ne sais plus quelle heure quelqu'un dont j'ai oublié le nom, qui travaille pour une société dont la dénomination m'échappe et qui doit me parler de ce qu'elle fait, mais je ne saurais dire
quoi. Ça ne serait pas vous, par hasard ?
C'est à ce moment que je me suis aperçu que j'étais pieds nus.
D'autres personnes s'assemblent autour de nous. S'ensuit ce moment bizarre que j'appelle pôle nord - pôle nord, quand personne n'ose demander à l'autre qui il est : les regards se cherchent sans vraiment se rencontrer, comme deux aimants de même pôle s'évitent. Enfin : deux personnes se rapprochent. Les autres suivent et s’agrègent, maintenant que le mouvement est lancé.
Zut. Tout le monde va voir que je suis nu-pied. Ils vont aussi s'apercevoir que je ne sais pas le nom de la société que je dois rencontrer. Je vais bien écouter et peut-être que quelqu'un va lâcher ce nom dans le courant de la conversation. Ils vont s'en apercevoir. Je suis un imposteur. Ils vont s'en apercevoir.
Mais il faut maintenant que nous allions ailleurs. Zut… J'avais dit que je prenais la moto pour être indépendant, mais je suis à pied. Heuh… Il y a une place dans une voiture pour moi ? La fille sur le tabouret haut pousse un soupir agacé et sort de son sac un trousseau de clefs énorme. Nous quittons le hall d'exposition dévasté.
La vitre de la voiture côté passager est brisée. Je monte quand même à bord. La jeune femme qui conduit fait quelque chose que je déteste : parler aux passagers sans regarder la route. Je suis à la fois dans et en dehors de la voiture. Je la vois prendre dans une rue à gauche et s'éloigner après avoir grillé un feu rouge.
Je me réveille. Quatre heures dix-sept. Si je me rendors, ça ne sera pas avant une heure, je le sais. Et alors je serai épuisé quand le réveil sonnera. Si je reste éveillé, je ne vais pas être bien frais pour la conférence de tout à l'heure.
Manquerait plus que, pour de vrai, je m'endorme pendant la présentation.
Commentaires
comme dans les contes de la rue Broca: va je ne sais où demander je ne sais quoi à je ne sais qui...
29-09-2020 11:23Bof, y'en a des qui arrivent en peignoir de bain à des conf' de presse...
29-09-2020 12:09j'dis-ça...
et depuis, les peignoirs de bain sont retirés des chambres des journalistes !
29-09-2020 13:31autrefois je rêvais souvent que je volais comme un oiseau, aujourd'hui, c'est soit l'histoire du jour qui me fait gamberger la nuit, ou alors comme il y a 2 ou 3 nuits, en bécane, ça c'est le pieds ! de toutes manière, toutes les nuits c'est soit radio, soit TV, une petite heure entre 2 et 4h du matin, après une petite 1/2 h sur ma terrasse a la fraiche, tranquille a écouter les bruits de ma ville, voir des gens bizarres circuler, et ensuite redodo ! la retraite offre ce genre de moment !
29-09-2020 13:54Je fais les mêmes rêves, mais à la fac. ça fait 20 ans que j'arrive à des examens sans savoir de quelle matière il s'agit, et souvent en pyjama (quand j'en ai un:) )
29-09-2020 21:38tom4