Anatomie du casse-couilles

Je hais ces types. C'est gastrique.

Je hais ces types. C'est gastrique. Tout, dans leur manière d'être et de rouler, me répugne. J'imagine qu'ils me le rendent bien : le monde est bien fait.

L'accoutrement. Le vocabulaire. L'attitude. La bécane. La manière de rouler. Je déteste tout chez les casse-couilles. J'ai dit casse-couilles ; je n'ai pas dit kéké. Le kéké peut être sauvé. Pas le casse-couilles.

Le casse-couilles est une espèce à part, une créature qui, dans son égocentrisme motorisé, ne comprend pas que le monde ne tourne pas autour de son moteur pétaradant. Son accoutrement, un mélange indescriptible de logos criards et de cuir ajusté, semble être conçu pour attirer l'attention autant que sa conduite bruyante.

Parlons de sa bécane, un objet de culte à ses yeux, mais qui ne suscite chez moi qu'une profonde tristesse. Une machine qui pourrait être une merveille mécanique devient un pur instrument d'irritation entre ses mains. L'admiration qu'il espère susciter est étouffée par le vacarme assourdissant qu'il laisse derrière lui, comme s'il tentait de compenser un vide intérieur en polluant l'atmosphère.

Et que dire de sa manière de rouler ? Il faut croire que les règles de conduite sont des éléments abstraits, incompréhensibles pour le casse-couilles. Frôlant la limite de la légalité, il se fraye un chemin entre les voitures, coupant les files avec une assurance déplacée. Son seul but semble être d'arriver quelque part plus vite que les autres, même si cette destination reste mystérieuse pour le commun des mortels.

L'incompréhension règne quand on cherche à décrypter les motivations du casse-couilles. Pourquoi cette nécessité perpétuelle de faire du bruit, de se faire remarquer à tout prix ? Est-ce un appel désespéré à l'attention ? Un cri du cœur pour exister dans un monde qui, pour le reste d'entre nous, ne demande qu'un peu de respect et de courtoisie sur la route ?

Dans leur arrogance, les casse-couilles négligent l'idée que leur conduite puérile peut susciter autre chose que de l'envie. Ils ne réalisent pas que leur parade bruyante ne fait qu'amplifier l'image qu'ils renvoient : celle d'individus immatures, enfermés dans une quête sans fin de reconnaissance, sans se rendre compte que ce n'est pas la vitesse ou le bruit qui forcent le respect, mais bien la responsabilité et le respect envers les autres usagers de la route.

Oui, le casse-couilles est de retour. Il est facile à repérer : il fait braaat-braaat-braaat entre deux feux rouges. En bécane ou en bagnole, c'est le même genre d'enquiquineur pressé et dangereux. Quelle destination doit-il impérativement atteindre ? Mystère. Pourquoi roule-t-il si vite ? Mystère. Quel est l'intérêt d'enchaîner les tours de pâté de maisons à onze heures du soir ? La science cherche encore.

Je suis sûr que si tu lui posais la question, il serait incapable de formuler une réponse cohérente.

Le casse-couilles va vite parce qu'il faut qu'il aille vite. Parce qu'il a une bécane qui peut aller vite donc il faut qu'il aille vite. En faisant un maximum de bruit. Pour qu'on le remarque. Pour qu'on l'aime ? Pour qu'on l'admire ?

J'ai souvent lu l'argument selon lequel les types comme moi seraient jaloux de leur "réussite". La jalousie ? Quelle erreur de diagnostic de leur part !

Dans l'aveuglement de leur narcissisme routier, ils ne peuvent pas envisager une seule fraction de seconde qu'au lieu d'être jaloux, je serais tout simplement atterré par leur attitude. Qu'ils sont ridicules. Ridicules et dangereux. Que leur moto me fait pitié plutôt qu'envie. Que je ne les admire pas en secret : ouvertement, je les trouve navrants de bêtise.

Je ne suis pas allé plus loin : je n'avais plus envie de me mettre en colère pour écrire. Et j'ai souvent besoin d'être en colère pour écrire. Comme disait un de mes potes : "va mourir tout seul et loin". Peut-être que je vieillis aussi, peut-être que je m'enfonce de plus en plus dans mes certitudes. L'autre est différent de moi. Donc, il n'est pas bien. Encore une ruse de l'Ego.

Et puis on sort de Noël et c'est bientôt le réveillon avec les bonnes résolutions de la Nouvelle Année. 2024 sera l'année de la transformation ou ne sera pas. Un peu comme la Pierre Philosophale. Encore faut-il la trouver.

Bonne Année à tous, même aux casse-couilles !

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