KTM affiche son ambition de 1er constructeur moto européen
A l'heure de la crise, KTM recrute et vise la première position sur le marché moto européen
Interview de Stefan Pierer, le patron du groupe KTM
La crise sanitaire qui a touché le monde en 2020 a eu un impact important sur tous les secteurs d'activités, frappant fortement le secteur des transports, de l'auto à la moto en passant par l'aviation. Alors que les industries reprennent leur rythme, nous avons rencontré le PDG du groupe Pierer Mobility AG, Stefan Pierer, afin de parler des conséquences du Coronavirus pour les marques KTM, Husqvarna et GasGas.
C'est l'occasion de parler de l'avenir des marques et des ambitions du constructeur autrichien. Rencontre et interview de celui qui veut être le premier constructeur moto européen à brève échéance.
Stefan, comment l'impact inattendu de la crise du coronavirus a-t-il affecté KTM, en particulier après une nouvelle année record en 2019 ?
Stefan Pierer : Ce n'était pas inattendu ! En tant qu'entreprise internationale, nous avons des connexions dans le monde entier et nous avons vu très tôt qu'il y avait un problème en provenance de Chine car cela empêchait nos clients d'acheter nos produits sur les marchés asiatiques. Quand cela a commencé à causer des problèmes avec notre chaîne d'approvisionnement italienne pour les pièces des motos que nous construisons ici à Mattighofen, j'avais déjà prévu d'arrêter la production à la mi-mars. Mais notre jeune chancelier autrichien, M. Kurz, m'a devancé et il a annoncé un confinement le 11 mars. L'Autriche a été l'un des premiers pays européen à le faire. Ainsi, à partir du 16 mars, nous avons eu un arrêt total de la production jusqu'à ce que, grâce à la reprise d'activité de nos fournisseurs italiens, nous puissions redémarrer la production de motos le 11 mai en nous appuyant sur le système de chômage partiel mis en place en Autriche. Puis le 18 mai nous sommes revenus sur les rails à vitesse de croisière avec 100 % de nos 3.639 employés en Autriche travaillant à temps plein.
Avez-vous dû licencier un partie de votre personnel, de façon permanente ou à temps partiel ?
Non. En fait nous avons même embauché 40 personnes supplémentaires ! Honnêtement, nous sommes maintenant dans une situation très favorable par rapport à d'autres industries comme l'automobile ou l'aviation, où c'est un cauchemar. Heureusement pour nous, l'industrie des deux-roues motorisés est en train de prospérer dans une certaine mesure après le Covid. Dans tous les pays qui ont rouvert depuis le confinement, il y a une demande croissante pour nos produits.
Il semble que dans plusieurs pays, le public a découvert que le deux-roues est un moyen particulièrement pratique de se rendre au travail à la fois rapidement et à un prix abordable.
Oui, vous avez raison. C'est l'une des expériences que nous avons eues, à commencer par la Chine. La Chine avec quelques semaines d'avance sur nous dans le confinement et les ventes au détail y sont à deux chiffres par rapport à l'année dernière. C'est la conséquence de la distanciation sociale : personne ne veut emprunter les transports en commun s'il peut l'éviter, donc les voitures et les deux-roues en profitent, surtout les deux-roues en raison des embouteillages accrus, qui sont une solution. Si vous considérez l'Europe comme un marché spécifique, la moto électrique en Europe centrale est en plein essor, à la fois sur les petites et moyennes cylindrées. Il y a donc deux niveaux de prix où nous connaissons une croissance très, très positive : les moins de 10.000 € et moins de 15.000 €. Mais les motos haut de gamme de grosse cylindrée sont actuellement au point mort, car le client est assurément tourné vers l'avenir et celui-ci sera peut-être confronté à des problèmes post-Corona.
Comment le Covid-19 a-t-il affecté le positionnement mondial de KTM ?
Je dirais que dans toutes les régions du globe, nous sommes confrontés aux mêmes conséquences avec les confinements et mesures restrictives de ce type. Donc en sortir est comme une compétition où tout le monde se rassemble sur la ligne de départ et pour les plus rapides ou les plus courageux, il y a une possibilité de doubler les autres et de gagner des parts de marché et c'est mon ambition. Tôt ou tard, je veux devenir n°1 en Europe en termes d'immatriculations. Nous sommes déjà sur le podium, alors monter une marche est ma prochaine ambition ! Deuxièmement, ma vision est d'élargir notre réseau de concessionnaires dans chaque pays, car la façon dont nous traitons nos concessionnaires ainsi que notre large gamme de modèles rend le passage au groupe KTM très attrayant pour ceux qui distribuent actuellement les produits d'un concurrent. Certains d'entre eux frappent déjà à notre porte et je pense qu'une crise comme celle-ci est aussi l'occasion de montrer à tout le monde comment faire de son mieux. Heureusement, l'industrie du deux-roues motorisé connaît une reprise positive après le Covid.
Quel effet la fermeture de l'usine de Mattighofen aura-t-elle sur vos prévisions de ventes pour 2020 ? Pensez-vous pouvoir rattraper la production perdue pendant ce temps ?
Etant donné que nous avons été fermés pendant deux mois en Autriche, il nous manque environ 30.000 unités produites. Bien sûr, nous essaierons de produire certaines de ces quantités manquantes, mais nous n'arriverons jamais à récupérer les 30.000 motos "perdues". Nous pouvons espérer récupérer peut-être 15.000 machines sur cette année civile si nous allongeons le temps de travail et que nous réduisons les vacances d'été. Mais il est certain qu'il nous manquera 15.000, voire 20.000, ventes potentielles pour nous et nos distributeurs. Cependant, la demande semble très bonne et je m'attends donc à ce que d'ici la fin de cette année, nous ayons au moins le même niveau de ventes que l'année dernière. Et il y a aussi une retombée très intéressante de la crise, à savoir que la moto tout-terrain rebondit très fortement, en particulier aux Etats-Unis. En dépensant moins de 10.000 euros, vous pouvez vous éloigner du Coronavirus à tout moment, vous pouvez le faire seul sans vous soucier de la distance sociale, vous pouvez laisser les risques liés à la densité urbaine et visiter la campagne, toujours avec la meilleure protection en portant votre casque; C'est la raison principale pour laquelle nous sommes confrontés à une énorme demande pour nos modèles off-road aux USA.
Au point que certains de vos concessionnaires sont apparemment préoccupés par le manque de véhicules. Serez-vous en mesure de les fournir ?
Oui, nous travaillons très dur là-dessus en ce moment. C'est un beau problème à avoir ! Donc, en juin, nous avons déjà prévu des équipes supplémentaires pour assurer les commandes et livrer à nouveau nos produits aux USA pour répondre à cette demande. C'est une bonne situation, mais il faut trouver un moyen de la gérer, plus particulièrement en expliquant aux fournisseurs qu'ils doivent maintenir la production des pièces. Mais les choses se présentent bien.
Une fois que votre chaîne de production a recommencé à fonctionner, quels modèles ont été remis en production en priorité ?
Nous sommes déjà au pic de la saison sur route, ce qui signifie que la nouvelle 890 Duke R est une priorité, tout comme la 1290 Super Duke R. Nous avons une forte demande pour les deux. Nous devons donc essayer d'y répondre. Ce sont les modèles prioritaires. En termes de tout-terrain, à peu près tout ce dont le marché américain a besoin est une priorité.
A cet égard, Bajaj a-t-il fermé ses portes pendant la même durée que KTM ?
Oui, ils ont également été à l'arrêt total pendant six semaines. Cependant, ce qui s'est passé en Inde est intéressant. L'inde a connu l'un des confinements les plus difficiles, avec un contrôle militaire pour assurer son respect. Mais ils ont certaines zones rouges où le virus est plus actif, donc c'est très problématique. Cependant, alors que Bajaj a obtenu la permission d'ouvrir ses usines à la mi-mai, il a fallu plus d'une semaine pour rétablir la chaîne d'approvisionnement. Et quand vous avez un fournisseur en zone rouge, il reste fermé. Et s'il vous manque une seule pièce sur une moto, vous ne pouvez pas la finir ni l'expédier. Mais en Inde, ils ont également fermé les concessionnaires motos. Et il y a une complication supplémentaire, car dans le même temps ils introduisent des règles d'émission extrêmement strictes en passant d'un seul coup de BS4 à BS6 (ndlr : l'équivalent de notre euro4/euro5). Globalement, M. Modi essaie d'inciter tout le monde à utiliser des véhicules électriques.
Mais l'un de vos best-seller cette année est la nouvelle 390 Adventure, qui est fabriquée en Inde. Y a-t-il eu un problème d'approvisionnement ?
Heureusement, le Covid n'a explosé qu'après la fabrication et l'expédition de la première série. Nous avions donc encore quelque chose pour répondre à la demande initiale. Heureusement, Bajaj redémarre avec la production de modèles d'exportation comme objectif principal, donc KTM et Husqvarna ont la priorité et nous nous attendons à pouvoir répondre à l'énorme demande que nous avons pour ce modèle avec un très court délai d'approvisionnement. C'est gratifiant de voir à quel point elle a été bien accueillie, en tant que modèle vraiment polyvalent de petite cylindrée et pas simplement comme une routière au look de trail.
Enfin, permettez-moi de vous poser des questions sur la coentreprise de votre partenaire stratégique Bajaj avec Triumph. TVS est l'un de ses principaux rivaux en Inde et est un partenaire stratégique de votre rival sur route BMW. TVS vient d'acquérir Norton et il semble que Bajaj et Triumph soient maintenant parvenus à une forme d'accord plus proche. Que pensez-vous de tout cela en ce qui concerne KTM ?
Rajiv Bajaj a toujours discuté avec moi de l'accord avec Triumph. Mais ce n'est pas un problème pour KTM car nous n'avons pas de marque "Heritage". Triumph est une marque "Heritage" très connue et je pense que Bajaj renforce sa capacité de production tout en apportant quelques avantages à la chaîne d'approvisionnement. Alors cela pourrait peut-être nous rapprocher un peu plus. Quoi qu'il en soit, nous nous parlons. Mais il a fallu beaucoup de temps, trois ans, pour le mettre en place et ce n'est pas la vitesse à laquelle nous sommes habitués en tant que marque de course ! Je pense que l'achat de Norton par TVS n'est par contre pas nécessairement une bonne décision. Cela me rappelle un peu l'acquisition de BSA par Mahindra. Je pense qu'après le Coronavirus, une certaine consolidation de l'industrie moto aura lieu et pour lancer une nouvelle marque, ce que devra faire TVS avec Norton, ce ne sera pas facile.
Quels sont, selon vous, les effets du Coronavirus à long terme sur l'industrie moto ?
Comme je l'ai déjà dit, les petites et moyennes cylindrées deviennent déjà très importantes, car le deux-roues motorisé est devenu un élément clé de la mobilité urbaine. Un fort impact viendra de l'électromobilité avec des produits basse tension inférieurs à 12 kW. Je pense que c'est le moteur de l'avenir.
Sur les segments de plus grosse cylindrée, bien sûr les marques premium avec des produits spécifiques survivront, mais pour les nouveaux venus il n'y aura plus de place. Voilà mon opinion. Le resserrement du marché va arriver et nous aurons les Japonais comme concurrents, mais personne d'autre comme véritable concurrent. Même Harley-Davidson est un segment de niche sur le marché, comme Ducati et Triumph. Donc si au lieu de se battre, ils se parlent tous un peu plus, de la chaîne d'approvisionnement ou autre, cela pourrait profiter à tous. J'ai commencé il y a 30 ans avec 6.000 unités par an et maintenant nous en avons 300.000. A l'exception de BMW, mes collègues européens produisent toujours les mêmes quantités qu'à l'époque. Nous visons à prendre des ventes aux Japonais, à personne d'autre. Et c'est ce que j'aime faire : aller courir contre les Japonais !
Commentaires
Viser la première place en augmentant sensiblement le prix des motos chaque année?
10-06-2020 14:53Désolé, mais je m’intéressais à la déjà très couteuse SuperDuke GT, mais quand il a été annoncé que elle prenait encore 600¤ au 1er janvier 2020 sans aucune justification (alors que le nouveau modèle 2019 avait déjà pris une claque par rapport à 2018!), je l'ai éjectée de ma sélection. Sans compter les presque 800¤ de valises.
Les augmentations ne touchent pas malheureusement que KTM, mais c'est peut être lié aux coûts de fabrication, de transports, voir de main d'½uvre, si mes comptes sont bons 600¤ représente un peu près 3,5% d'augmentation est-ce vraiment abusé?
10-06-2020 19:22Pour le prix des valises ça concerne tout les constructeurs. Pour ma part je suis entièrement satisfait de cette marque, j'en suis à ma 4ième et j'attends avec impatience leurs nouveautés comme les 490 et 890 SMT voir Adventure.
Mon salaire a augmenté de... 0.15% en 10 ans...
10-06-2020 21:20AS : oui clairement, c'est largement supérieur à l'inflation.
11-06-2020 08:51Et ils seraient vraiment mauvais négociateurs si, avec les volumes qu'ils font, leurs coûts avaient pris autant... Et mauvais commerçants de répercuter sèchement ce surcoût sur le client final. 600 balles quoi !
Ce sentiment de pigeonnage fait que je n'achèterai probablement jamais neuf.
Si ils augmentent les prix c'est parce qu'ils vendent.
11-06-2020 10:34KTM est presque le seul constructeur a encore faire des motos dôtées d'un rapport poids puissance décent.
11-06-2020 18:30Mais le prix de certains modèles ne l'est pas du tout.
Gare au retour de bâton surtout que parfois la fiabilité n'est pas vraiment au standard Japonais...
Mon expérience se résume au tout terrain, les KTM sont les plus chères et surement les plus performantes et les plus fiables.
11-06-2020 19:00Gas Gas à plongé, Husqvarna aussi ainsi que Husaberg, les Japonais ont laché du lest mais KTM persiste, quant à Beta, je voulais en acheter une il y a 5 ans, 3 à 4 mois de délai.
Les routière KTM je ne connais pas mais les utilisateurs en pensent du bien en général, à l'usage le pas cher revient plus cher
Heureusement que les motos n'ont pas augmenté comme certains produits, par exemple les masques (1000% en 4 mois….et oui de 9 cts à 90 cts) , comme le carburant, comme les cigarettes, l'alcool, la bouffe…..oui il y a de l'inflation, c'est une évidence.
11-06-2020 19:16Petit Homme, même si je compatis, mais 0,15 % d'augmentation en 10 ans il faut si tu peux changer de crémerie, perso au bout de 5 ans je me casse….
Les carburants étaient au plus bas mais on ne pouvait pas rouler, cigarettes et alcool, ni l'un, ni l'autre, la bouffe "do it yourself" c'est moins cher.
12-06-2020 00:27Reste l'essentiel, la moto, trouvez moi une KTM de moyenne cylindrée jolie, je l'achète, ce qui n'est pas le cas