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Roman : René (épisode 10)

Episode 10 : Tu connais pas l'frangin ??? Il arrive…

Lentement, il se dirige vers un coin de l'atelier, en sort un vieux carnet et note un nom : ZIVA, qu'il barre d'un trait énergique en lâchant un « c'est fait, et d'un ! », le rictus au bout des lèvres.
Vraiment pas sérieux pour son âge, le Respectable...

Pendant les jours suivants, il s'entraîne à domestiquer Brigitte et, savez quoi ? : ben, on dirait qu'il commence à y arriver. La preuve ? : même ses avant bras suivent à présent le mouvement !

Bon, remettons les choses dans leur contexte : bien évidement, s'il tombe sur moi, la désillusion sera bien réelle, mais par rapport à toi, il me semble capable de tenir la dragée haute... . Si, si !
René sait maintenant prendre les freins en jetant la moto à la corde, et non en ligne. Mieux : la puissance du V6 ne le surprend plus comme avant et il remet la sauce de plus en plus tôt en sortant des courbes.
Comme quoi, quand on veut, on peut ! : même toi, j'en suis certain, quoique...

Les jours suivants, les progrès deviennent bien réels et la KAWASUKI se dit qu'enfin, elle va pouvoir se dérouiller les bielles (au moins, le rodage aura été fait sérieusement : c'est important le rodage !), que finalement l'ancien est pas usé qu'il parait aux premiers abords...

Tiens !, René est tellement remonté qu'il décide d'aller faire un tour au bouclard en prétextant l'achat d'une paire de botte, juste pour aller narguer l'morpion !
« Salut mon p'tit gars, t'es prêt pour le stage ? », demande t'il sur un ton qui ne manque pas d'intriguer Valentini, lequel répond aussitôt :
« Ben..., moi, y'a pas de blèm' sur la question, mais toi (il décide de le tutoyer car ce vieux schnock commence à le gonfler avec ses grands airs. Quand on est jeune, on aime pas trop les vieux qui la ramènent...), tu crois que ça va l'faire ? »

René a noté au passage le tutoiement mais passe là dessus en déclarant :
« Ouais, y'a eu comme un temps d'adaptation, mais maintenant elle commence à dessiner des virgules sur le bitume ».
« Quand tu fais des burns ??? », ne peut s'empêcher de rire le jeune Rosso.
« M'parle pas d'ces truc de mômes ! : accélérer sur place, c'est bon pour les boutonneux...
Moi, j'te parle de celles laissées à la remise des gaz en sortie d'courbe ! »

Valentini devient songeur tout à coup : c'est qu'il semble sérieux le Préhistorique !

Changeant de sujet, le temps de digérer cette attitude : « Tu viens pour quoi ? »
« J'voudrais une paire de bottes pasque j'ai bien râpé les miennes en courbes !
A c'propos : manque un pneu de garde au sol la 1300 quand on penche fort... »
Là, Valentini se demande si l'ancêtre ne se met pas brusquement à débloquer !
« Me dis pas qu't'as fait toucher ?????? »
« Ben, si..., sur un rond point !, et puis aussi dans l'gauche de la courbe aux Vaches, tu sais ?, celle de l'aut' jour avec mon vieux tagazou quand tu m'as doublé... »

Valentini n'a plus envie de rire du tout d'un seul coup...
« Alors là René, tu m'épates ! ».

Sur ce, voilà que se pointe Ziva : « Salut les tarmos ! B'jour René !, b'jour Tini ! Tiens Vale, faut qu'j'te dise : l'René avec son 1300, c'est queq'chose ! »

Valentini a alors l'impression d'évoluer dans la 4ème dimension et décide de s'occuper de la vente des bottes, pensant ainsi se réveiller !
« Viens voir René : j'ai une belle paire d' Alpinestar Rossi Replica, à ta taille je pense. En plus la couleur est assortie à ton cuir. T'as pas râpé tes sliders au moins ??? »
« Ben non, pas encore..., répond le Vénérable, c'est qoaa déjà la marque ? : La pin… des stars ???, avec un truc pareil, j'va les tomber toutes !!! »

René essaye les bottes : au poil ! Il règle son achat au comptoir, serre la louche au père à Valentini, et sort en sifflotant...
« J'l'ai mouché l'spermatozoïde à pattes ! », se dit il, pas mécontent de provoquer ainsi l'objet de ses tourments, qu'il est maintenant convaincu de pouvoir doubler à la régulière...

Il rentre tranquillement chez lui, sans forcer genre, force tranquille !

Le lendemain soir, alors qu'il regardait la téloche, on DRIIIING !!! à la porte : il lui semblait avoir entendu un bicylindre arriver quelques instants plus tôt.
René se précipite alors et ouvre à Maurice, son frère, lequel arrive de ses Vosges qu'il n'a jamais pu quitter...
« Mon frèèèèèèèèèèèèère ! », s'exclame-t'il en serrant vigoureusement son jumeau dans ses bras. L'autre, bien moins solide malgré la ressemblance, et aussi un peu cassé par la route (le demi siècle bien entamé, ça commence à compter...), grimace sous cet accès fraternel, mais est bougrement content de retrouver celui qu'il nomme affectueusement, le gamin !

Ils sont jumeaux, on ne peut le nier, mais Maurice est à l'opposé du frangin : plus enveloppé, placide, aimant la bonne chair, le beaujolais nouveau et le calme de ses montagnes usées par l'érosion.

Maurice est un jouisseur tranquille, là ou René, lui, refuse les années qui passent, il se complait au poum, poum paisible de son VIRAGRO, lequel ressemble étrangement, par définition, à son pilote. Lui aussi est célibataire, mais par une timidité maladive envers la gent féminine qui lui a toujours refusé la moindre tentative d'approche. Mais qu'importe, Maurice possède un poisson rouge et... sa moto !

Garant le custom à côté de la KAWASUKI, Maurice regarde René d'un air soupçonneux : « Non, t'as pas osé ? : t'es vraiment pas raisonnable, toi... J'te l'ai déjà dit : tu vas finir entre 4 planches si t'acceptes pas de grandir !!! »
« Toi ?, t'es un vieux !, réplique René en rigolant, mais moi, au moins, je vis et je me fais plaisir ! »
« Ouais mais, à nos âges, y'a d'autres façons d'le faire... »
« OK, OK..., t'as raison !, mais tu m'vois, franchement, sur un truc pour ricain bedonnant qui sait même pas qu'une poignée de gaz se tourne du haut vers le bas ??? »
« Ben quoi ?, il est bien mon custom. Et en plus, il soigne bien mon fessier sur les longs trajets »
« Je vois qu'on est toujours d'accord, vieux croûton !, aller, entre : , on va prendre l'apéro... »

Voilà un argument sur lequel les 2 frères sont d'accord !
René explique ensuite à Maurice le coup du stage au Mans : l'autre ne peut que constater que le frangin s'arrange pas avec le temps, mais enfin bon, il va quand même aller l'encourager, à défaut de pouvoir le freiner...

Le stage est pour le surlendemain...

René Gédeufoitrentans "le gatouillable" by Sato

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