Roman : René (épisode 9)
Episode 9 : La confiance s'installe…
Comme d'habitude, nous retrouvons René, de bon matin, sitôt après le lever : ben, en fait..., il a pas passé une bonne nuit, malgré une fatigue justifiée !
Faut se mettre à sa place : vous imaginez vous, franchement, après tant et tant d'années de pratique axée dans l'immobilisme, sauter le pas d'une évolution de trois décennies ? J'vous l'demande...
Bon, qu'il se fasse peur avec une hypersport actuelle, même s'il ne l'avouera pas, il s'en doutait un poil..., maintenant qu'il lui arrive la même chose en tournant le truc à droite sur sa meule perso, ça, il doutait de rien l'animal !
Et pourtant, un truc de 200 dadas avec un couple énorme comme les cuisses à ta rombière, par rapport à son vieux tromblon qui fut certainement honorable en des temps reculés, faut pas avoir une boule de cristal pour imaginer qu'il puisse y avoir comme une certaine différence de caractère moteur... . Un peu comme si, toi, avec le lamentable niveau qui te permet tout juste de te déplacer d'un point A à un point B, on te mettait les fesses sur la M1 à Rossi : tu vois c'que j'veux dire...
L'est plus tout jeune, l'ami René, et il est bien obligé d'admettre ce fait... au moins en partie.
Pourtant, le fait d'apprendre, avec un début d'assimilation quand même, les secrets du genou visant le point de corde (si on lui avait dit un truc pareil il y a trois semaines...), l'avait quelque peu réconcilié avec la confiance en ses aptitudes à être le Pilote qu'il pensait avant ce jour funèbre ou ce jeune sans gène de Valentini l'avait laissé sur place, alors qu'il était en lutte avec Ziva, champion de sa rue toute catégorie !…
Ben..., c'est pas tout ça mais, dans une dizaine de jours, c'est
direction le Bugatti ! Faut pas traîner pour tenter de domestiquer
une partie au moins du haras ayant trouvé demeure dans le cadre
de la KAWASUKI !!!
René enfile donc son cuir, lequel maintenant est presque ajusté
à son physique de star (laissons lui au moins ça...), pour
sortir Brigitte (il a ainsi re-baptisé Gamine en souvenir d'une
vedette du temps passé dont la télévision vient de
proposer une énième diffusion d'un de ses grands classiques...),
sa V6.
Contact : dzzzzzzzzz !, dzzzzzzzzzz !, fait l'injection, Vroaaaaaaarrrr
!!!, fait le moulbif libéré en s'éveillant...
« Mer.., se dit René, c'est vrai qu'elle fait un autre bruit
maintenant : va falloir que j'fasse gaffe à pas trop ouvrir sur
l'angle ! J'vas p'têt tenter de l'apprivoiser en ligne droite, c'est
plus prudent... . Pourvu qu'j'tombe pas sur l'Ziva ou l'Rosso avant d'êt'
capab' de trajecter comme quelqu'un d'ma condition... »
C'est avec un sentiment mitigé entre peur et fierté, qu'il
démarre, bien décidé à dompter la bête
!
Brigitte chauffe lentement, mais chaque rotation de poignée la
fait bondir dans les tours en tortillant de la croupe : sorte d'avertissement
rappelant à René de la maintenir sous la barre des 6000
le temps que les pneus montent en température.
Même à ce régime, auquel notre Vénérable
s'est habitué depuis qu'il la pilote, le V6 souffle déjà
fort !
Il en profite pour soigner sa position, pensant à bien sortir le
genou (même si ce dernier est encore bien loin du sol...), léchant
les freins juste ce qu'il faut pour permettre à Brigitte de se
placer vers ce foutu point de corde qu'elle commence doucement à
tutoyer de son train avant.
La confiance commence à s'installer au fur et mesure des passages en courbes et autres ronds points : René, bien que concentré à chaque réaction de sa bête, sent le calme l'envahir, de même que la fierté de trajecter propre en ayant le sentiment de commencer à dominer son sujet !
Une longue ligne droite se présente soudain devant lui : Brigitte
est maintenant en état de supporter quelques milliers de tours
supplémentaires...
Allez !, un p'tit coup à 7000, pour voir... : René se raidit
légèrement tandis que le V6 propulse l'ensemble en avant
avec une hargne non dissimulée !
« Wahouu !, rigole René dans son casque, c'est pas du mou
d'veau ! ».
Une fois, deux fois, trois fois: le respectable s'habitue lentement mais
sûrement au caractère de sa Brigitte...
Un pt'it coup à 8000 pour voir ?
WRAOUUUUUUUUU !!!, fait le 1300 en devenant carrément féroce
: là, René redevient sérieux, surtout en regardant
le chiffre inscrit au compteur de vitesse ! Ses bras aussi commencent
un peu à s'inquiéter...
Heureusement pour lui, les Zombleux sont pas d'sortie ce jour !
On s'habitue à tout dit on ?: petit à petit, René
s'adapte aux frasques de la « jeunette »... en ligne droite
!
Mais dis moi donc ?, c'est quiquédevant ??? : non, non, pas Valentini
(heureusement pour lui ...), c'est... Ziva !!!
Peut pas faire autrement que d'le ramarrer au train à c't'allure
!
La V6 fond comme un faucon sur sa proie et dépose carrément
le jeune qui n'a rien vu v'nir !!!
Mais Ziva, ce jour là, ne l'entendait pas de cette oreille (lui
aussi il a sa fierté !..) et soude la poignée pour tenter
de suivre la KAWASUKI...
« Mais..., y'm'suit c'bargeot, constate René dans son rétro,
ben cette fois ci, j'va êt' obligé de rester d'vant... »,
s'inquiète t'il un peu quand même, car Brigitte est pas une
fille facile à emmener ainsi dans les tours !
Ziva cravache son Hypersport en se couchant derrière sa bulle :
la sienne non plus elle boîte pas...
René est de plus en plus nerveux, et il peut pas dépasser
les 8000 car ses p'tits bras commencent à donner aux abonnés
absents !!!
Au loin, une courbe se profile déjà et Ziva est toujours
en aspi...
« Coupe pas René ! , coupe pas surtout, pense le Respectable,
un oeil dans le rétro, y'm'lâche pas le chacal... »
La Kawasuki hurle en crachant ses bourrins au pneu arrière, le
morbak de Ziva collé à sa plaque : 100 mètres, 50
mètres..., les disques carbone sont soudain portés au rouge
tandis qu'un truc intergalactique déboule devant René en...
tirant tout droit !
Le Vénérable inscrit Brigitte dans la courbe : la moto s'exécute
d'un bloc malgré la vitesse de passage en courbe (mais c'est qu'il
va devenir bon l'ancien !..), puis René fait demi tour...
Le brave Ziva, obnubilé par le feu rouge du 1300, n'a eu que le temps de déboîter sans freiner : heureusement pour lui, le champ en face est plat, un peu boueux, mais plat...
René béquille Brigitte sur le bas côté et
demande : « Alors petit, ça va ??? T'es pas fou d'essayer
de m'accrocher avec ta mobylette ??? Attend, j'vais t'aider à la
sortir du champ ! ».
Le pauvre Ziva, reconnaissant René, passe par toutes les couleurs
de l'arc en ciel et ne peut que bredouiller : « Ha ?, c'est toi
???, t'as changé d'brêle ??? » Intérieurement,
il se dit que si même les vieux s'y mettent, y va bientôt
devoir penser à passer au tricot, en regardant tristement sa magnifique
sportive maculée d'une terre bien grasse (heureusement, il l'a
pas flanquée par terre !)...
René et Ziva, après bien des efforts, finissent par réussir à sortir l'engin d'un terrain pas trop fait pour elle.
Le vieux propose au jeune : « Allez, j'te paye une bière
au bistrot du coin ! ».
« Heuuu, non merci René, pas dans cet état..., j'rentre
chez moi ! J'peux te d'mander un truc avant d'partir ??? »
« Dis toujours... »
« Ben..., tu l'diras pas, hein ??? »
« T'inquiète !, mais la prochaine fois, joue pas avec les
grands... », répond René en redressant le torse.
Et le Vénérable décide d'arrêter les frais pour aujourd'hui en prenant le chemin du retour, pas mécontent de sa sortie...
Demain, la V6 prendra de l'angle dans les tours, c'est sûr...
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