Essai pneu Pirelli Diablo Supercorsa V4 SP
Le pneu sport avec du Superbike dedans
De la piste à la route
Vous imaginiez que chez Pirelli les Supercorsa V3 SC constituaient le summum du pneu sport routier ? Vous croyiez que les nouveaux Rosso IV Corsa étaient la gomme ultime pour la route ? Voici venir les Supercorsa V4 SP qui, pour un peu plus de 340 € le train, prétendent être les pneus Sport routiers les plus performants possibles. Qu’en pensons-nous après 10 sessions de piste à Magny Cours et plus de 500 km de route ?
Le renouvellement de gamme continue chez le manufacturier italien. Très dynamique, Pirelli nous propose en ce début d’année 2023 une nouvelle monte Sport routière et pas des moindres : les remplaçants des très appréciés Supercorsa V3 SC. Pour ce faire, le manufacturier est reparti de la carcasse des Rosso IV et Rosso 4 Corsa, mais il a complètement changé la composition de gomme et la forme du pneu, afin de mettre de véritables parts de pneu slick Rosso Superbike dans ce pneumatique moto homologué route et classé le plus naturellement du monde dans la catégorie Piste et Racing de son catalogue.
Qu’est-ce qui fait du Supercorsa V4 SP un pneu racing ?
Déjà, il n’est pas spécialement conçu pour aimer la pluie et les routes mouillées. Certes, le composé de gomme est chargé en silice et en noir de carbone, certes il est pourvu de sculpture en forme d’éclair sur environ 7 % de sa surface (les « flash », marque de fabrique des pneus Pirelli), mais aussi bien ses flancs et sa bande de roulement lisses que sa forme générale pour le moins incisive et haute en gomme sur la partie centrale, ou encore ses petits flancs font que le manufacturier ne le gratifie selon sa nomenclature interne que d’une goutte d’eau contre 4 et 5 pour les Rosso IV Corsa et Rosso IV. Autant dire que l’on n’envisage pas de faire le fier à la première ondée venue. Pour autant, on s’en doute, ce ne sont pas des savonnettes, mais la performance sur le sec ne sera pas maintenue sur le mouillé. C’est tout. Et ça, nous avons pu le tester par nous même.
Petite précision pour les amoureux des SC : s’il existe une version Diablo Supercorsa V4 SC, elle n’est plus homologuée route et seuls les SP peuvent à présent prétendre au titre de pneu sport routier le plus performant de la gamme Pirelli. Soit.
Autre information des plus utile et concernant la pression d’utilisation des Supercorsa V4 SP : elle est naturellement plus basse que ce que l’on connaît sur les autres Diablo. Si Pirelli recommandait 2,4 bars à l’avant et à l’arrière sur ses Rosso IV, les Supercorsa SP mettent une fois encore leur ADN pistard en avant, avec une pression à chaud (donc en ayant roulé quelques kilomètres) de 2,3 à l’avant et de 2,1 à l’arrière pour un usage routier, tandis que l’on pourra descendre à 2,1 à l’avant et 1,9 à l’arrière sur piste. Sortez les manomètres !
Cette caractéristique revêt une importance capitale dans l’appréciation des qualités des V4 SP, notamment du confort. Car si la carcasse des Diablo est similaire dans sa conception et dans certaines technologies, il n’en va pas de même pour le composé de gomme ou encore la manière dont il est posé sur ladite carcasse.
D’ailleurs, Pirelli se montre peu bavard sur les techniques et technologies employées pour la conception de cette nouveauté, se contentant de nous annoncer les principales : Cap&Base pour le pneu avant et Base adaptative (ABC) pour le pneu arrière. C'est-à-dire ? C'est-à-dire que les deux pneus sont bigomme, mais pas de la même manière ni avec les mêmes effets. Surtout, Pirelli n’emploie pas réellement cette dénomination afin de ne pas tromper sur un point généralement associé à cette technologie. En effet, les V4 SP ne mixent pas deux composés de gomme pour jouer sur leur longévité, largement subsidiaire, mais ils le font pour offrir un temps de chauffe réduit et une adhérence optimale. Certes la bande centrale, plutôt large et située entre les sculptures, est plus dure que celle des flancs, mais elle est déjà très tendre.
Technique
Reprenons tout d’abord ce que l’on connaît sur les Diablo Rosso IV et Rosso IV Corsa. Déjà, ce sont des pneus à carcasse radiale et ceinture 0° acier. Du classique, donc et du maîtrisé chez le manufacturier. Mais encore ?
100 % Silice
L'avant comme l'arrière revendiquent le contenu de silice le plus élevé possible. Un argument que l’on retrouve sur tous les pneumatiques sportifs… Tout comme le point de fusion élevé, qui permet au pneu de monter beaucoup plus en température sans perdre de grip et sans risquer de vulcaniser et de se détruire irrémédiablement.
Tout comme ses frères de rang, le Diablo Supercorsa V4 SP affiche un composé de gomme 100 % silice et 100 % noir de carbone. Le noir joue sur la longévité d’un pneu tout en réduisant drastiquement son temps de chauffe. Pour autant, ce n’est pas là la seule technique utilisée pour permettre au pneu d’être rapidement efficace et surtout de ne pas redescendre trop vite en température. Comme vous le savez, il est important que la gomme d’un pneu soit dans une plage de température de fonctionnement optimale pour offrir les meilleures propriétés possibles. Problème : lorsque l’on s’arrête plus ou moins longuement, les « pneus » refroidissent et l’on repart avec des risques de perte d’adhérence élevés si l’on souhaite « attaquer » de suite. Voici pourquoi Pirelli joue sur les couches de gomme posées sur la carcasse.
ABC : Adaptative Base Compound
Le pneu arrière, en charge de la motricité, est très fortement sollicité et de manière immédiate sur route comme sur piste. Il est le seul des deux (l’avant est de type Cap&Base) à bénéficier de la base adaptative sur ce Supercorsa V4 SP. Déjà vu sur les Rosso IV Corsa, le principe est ici similaire : une couche de gomme très tendre et s’assouplissant avec la chaleur, recouvre intégralement la base du pneu et sa structure. Du fait des jeux mécaniques, elle chauffe rapidement et conserve longuement la chaleur afin de constituer une sorte de « bouillotte interne » autonome. Cette base est recouverte par deux composés de gomme : l’un plus dur au centre, sur la bande roulement plus large que sur les Corsa, l’autre bien plus tendre sur les flancs. De quoi justifier l’appellation bigomme, tout du moins bi-composé.
Tout naturellement, cette partie latérale du pneu assure l’adhérence et la stabilité lors de la prise d’angle. Il est en composé de gomme SC3, le plus dur des tendres chez Pirelli en Superbike. La chaleur emmagasinée par la base adaptative maintient la gomme de surface à bonne température et diffuse celle conservée à ces composés, leur permettant d’être plus rapidement efficaces.
Dans les faits, il est possible d’attendre 20 à 40 minutes entre les sessions et de repartir sans trop de crainte de glisse. Attention par contre aux excès de confiance ou aux périodes d’inactivité trop longues (plus d’une heure) : il faudra re chauffer le pneu. Tout naturellement. Comptez dès lors quelques kilomètres, en fonction de votre rythme et de la puissance de votre moto. Sur le circuit de Magny Cours (4,411 km), 1 tour à 1 tour et demi étaient nécessaires par les 15° ambiants, même si l’on pouvait déjà bénéficier d’un très bon niveau de confiance dès les premiers tours de roue pneus froids.
La base adaptative a aussi pour vocation de conserver durablement la performance du pneu. Avec son effet « tampon thermique», elle préserve également la gomme et évite un vieillissement accéléré.
Cap&Base
Le pneu avant adopte pour sa part une technologie vue sur le Diablo Rosso IV : le Cap&Base. Contrairement à l’ABC, il s’agit à présent d’un chevauchement de seulement deux gommes : l’une assurant la base et la bande de roulement (plus dure, mais tendre, donc) et l’autre se retrouvant sur les flancs et chevauchant la gomme plus « dure ». Là encore, les zones sollicitées lors de la prise d’angle bénéficient du composé de gomme SC3, le plus endurant de ceux que l’on peut trouver sur les pneus piste, mais toujours tendres à souhait.
Ce dispositif permet selon Pirelli de garantir de bonnes performances même par temps froid, un comportement homogène et une chauffe suffisamment rapide là encore. Il serait dommage d’avoir un arrière qui tient et un avant qui glisse. Dans les faits, jamais l’avant n’a tenté de se dérober, affichant un comportement et un grip redoutables. Ce qui n’est pas toujours le cas de l’arrière, comme nous allons le voir.
Cordes et trame croisée
Pirelli propose une structure en plis tissés. Les « cordes » que l’on retrouve dans le sens de la largeur sont plus rigides afin d’éviter les déformations en hauteur du pneu lors de l’accélération. Elles sont également plus espacées afin de permettre de meilleurs jeux mécaniques et donc une chauffe accélérée, tandis que la trame croisée servant de base à tout ce petit monde ajuste les tensions résiduelles. De quoi jouer sur la rigidité globale du pneu en fonction de la zone sur laquelle il est en appui et donc de l’inclinaison. Le but est donc de contrôler les mouvements de carcasse afin de garantir un comportement là encore constant dans ses réactions au fil du temps et de l’utilisation (météo, température et utilisations différentes) et un vieillissement comme une usure mieux contrôlée de la gomme.
Rainures Flash
Le dessin en éclair (flash) des rainures du pneu, destiné à casser et à évacuer une pellicule d’eau plus ou moins épaisse se trouvant sur la route, permet aussi des jeux mécaniques importants pour le comportement du pneu et pour sa montée en température. De fait, pas de couverture chauffante pour les pneus grand public à vocation routière, il faut donc que l’on trouve le moyen de favoriser cette montée en température, cruciale. Nous avons vu que la constitution du pneu ainsi que sa chimie influent également sur ce point.
Les rainures sont la marque de fabrique des Diablo et des pneus Pirelli. Déposé, ce motif est ici peu présent : il flirte avec les 7 % de la surface du pneu et donc avec le minimum légal d’entaillement pour un pneu routier. Moins de « creux », c’est logiquement plus de gomme au sol, ce qui est capital pour un pneu aussi pistard que le Supercorsa V4 SP. À ce titre, les flancs sont parfaitement slicks, tout comme les bandes de roulement. Est-ce que cela tient sous la pluie ? Nous avons eu l’opportunité de le tester...
La réduction du rapport plein/vide/profite également à l’usure du pneu, qui devient en théorie plus régulière. On rejoint ainsi la tendance à garantir la conservation des propriétés dynamiques du pneu tout au long de son existence.
Profil
Contrairement aux Rosso IV et Rosso IV Corsa, les Supercorsa V4 SP adoptent un profil très spécifique à l’avant. Si l’on parle de « rayons multiples » dans la documentation, on remarque surtout une surface de gomme très importante et un angle plus ouvert permettant de proposer un talon de pneu (la partie qui se « colle » contre le rebord de la jante tubeless) spécifiquement conçu pour les moindres pressions de fonctionnement du pneu. Si Pirelli n’apprécie pas le terme basse pression, disons que les V4 SP sont des pneus « moyenne pression » ou plutôt pression piste qui doivent s’adapter à cette spécificité pour continuer à œuvrer sur route de manière pertinente.
De fait, la moindre pression implique une déformation plus importante du pneumatique sur les phases d’accélération et de freinage. Phase pendant laquelle il maximise l’adhérence et permet de provoquer une chauffe plus rapide.
Souvent, les manufacturiers de pneumatiques nous disent décliner leurs gommes sportives vers une version plus civilisée et plus prompte à affronter les conditions de route quotidiennes, tout en conservant la capacité de rouler sur piste. Avec cette version Supercorsa V4 SP, la plus sportive étant homologuée route, Pirelli décline un pneu Superbike à la sauce routière tout en conservant les caractéristiques permettant de rouler sur piste. En théorie, on devrait donc bénéficier d’une tenue de cap impressionnante, d’une tendance à plonger dans les courbes et d’une gomme au grip impressionnant… Pour le vérifier, nous voici sur le circuit de Nevers Magny Cours, dans la Nièvre. Et comme un bon test pneu réclame un peu d’eau, elle menace sans cesse de tomber.
Le circuit de Mangy Cours et ses 4,411 km de déploiement sur 17 virages est un véritable banc de torture pour les pneumatiques. Aussi, afin de nous faire la main sur un tracé exigeant, prenons-nous pour commencer la Ducati Streetfighter V2. Le pétillant roadster italien ne risque en théorie pas de déborder les pneus avec sa puissance de « seulement » 153 ch. Oui, mais voilà, c’est aussi une moto remuante et particulièrement exigeante avec ses pneumatiques. Et autant dire que l’enchaînement Golf/Estoril aboutissant à l’épingle Adélaïde n’ont rien d’une promenade de santé : il faut être prêt à se décrocher les cervicales et à danser sur la selle…
Sur piste
On débute cet essai des Pirelli Supercorsa V4 SP sur piste au guidon de la Ducati Streetfighter V2 équipée d'un 120/70-17 à l’avant et d'un 180x60-17 à l’arrière. D’après Pirelli, on peut rapidement être dans le feu de l’action avec ces pneus. Certes, mais il faut pour cela savoir les mettre immédiatement en contrainte et donc accélérer et freiner particulièrement fort, ce qui provoque une déformation et donc une chauffe plus rapide de la gomme via les mouvements de carcasse.
Dans les faits, le pneu avant n’appelle aucune critique tant il semble immédiatement à l’aise, mais l’arrière, lui, demande à ce que l’on s’occupe de son cas. Un tour de circuit en rythme découverte ne suffit pas à le porter à son niveau maximal de grip. C’est noté. Pour le reste, on apprécie un comportement très agréable et neutralisant du pneu, qui se calque sur l’enrobé, absorbe les bosses et les déformations et surtout donne l’impression réelle d’avoir une grande surface de gomme posée au sol, façon taille de pneu supérieure et profil adaptatif : c’est comme si l’on avait toujours la même surface de gomme posée au sol.
D’autre part, le retour d’informations est très agréable et feutré là encore. La gomme semble d’une douceur impressionnante (donc tendre), tandis que l’on ne ressent aucune déformation particulière de la carcasse : la mise sur l’angle est homogène et l’on plonge sans effort à la corde : la direction n’est ni lourde ni tombante, mais facile et suffisamment progressive tandis que les freinages sont redoutables, au point de soulever la roue arrière à la seule force du levier droit. L’ABS ? Oublié. Forcément : ça ne glisse pas, ça s’ancre dans le sol !
Posé sur des appuis de gomme tendre, on apprécie la forme des flancs et leur capacité à poser la moto, laquelle est particulièrement vive de châssis et hyper remuante. Difficile à canaliser en théorie, donc, mais jugulé par les pneus qui amortissent la bougeotte tandis que l’on s’en remet volontiers aux Supercorsa V4 SP. Ils encaissent et ne le font jamais sentir, tout en souplesse qu’ils sont et sans jamais générer de mouvement, gage d’une carcasse au top de la maîtrise des efforts et tensions induites.
Dès lors, les freinages de trappeur plantent un avant impérial qui se déforme amplement et s’écrase, offrant une surface de contrôle supérieur, mais surtout une stabilité bienvenue. On peut ainsi préparer au mieux l’entrée dans la courbe suivante en relâchant le freinage. Et si l’on se rate ? On corrige toujours très facilement et sans piège particulier. Deux sessions ne sont pas de trop pour se mettre en tête le tracé du circuit. Pour autant, voici venu le temps de se lâcher au guidon de la grande sœur, pourvue d’un V4 démoniaque et sans la moindre protection.
Changement de monde, de dimension et de temps au tour en passant sur la grande soeur avec cette Streetfighter V4 S (120/70-17 et 200/60-17). Elle est redoutable de rigueur et de performances, comme en témoigne la vitesse maximale affichée à près de 280 km/h avant freinage. Après s’être arraché la tête même en la plaquant sur le réservoir, après s’être cramponné comme un sourd au guidon, on peut enfin commencer à apprécier les caractéristiques des Supercorsa V4 SP.
Déjà, ils encaissent admirablement bien les 208 ch de l’engin infernal. Le V4 ne parvient pas à solliciter l’anti patinage en ligne droite, tandis qu’on le voit entrer en action en courbe uniquement, à mesure que l’on ouvre de plus en plus grand les gaz. Dès lors et au fil des sessions que l’on enchaîne frénétiquement, on réalise que ces pneus demandent un temps de relâche entre les roulages. Histoire de redescendre en température, faute de quoi après 40 minutes consécutives de piste ils entrent en glisse dans les relances sur l’angle, perdant en motricité, mais sans accroître le danger.
Certes, l’électronique veille et le contrôle de glisse comme celui de lever de roue avant offrent la possibilité de souder encore la poignée des gaz, mais le décrochage progressif et doux, toujours en maîtrise, rappelle que l’on est parvenu aux limites du pneu et de notre style de conduite. De fait, pour en tirer le meilleur, il faut être un pilote. Un vrai. Point barre. Comprendre par là profiter d’une vitesse d’entrée en courbe supérieure et surtout sur le bon rapport, enrouler la courbe plutôt que de tirer sur le moteur en contraignant les pneumatiques pour en sortir en force et en puissance au détriment de l’adhérence. Un pilote, ça gère ses pneus, surtout quand ça les paye... mais c’est aussi capable de ne pas les user outrancièrement ni de les faire chauffer plus que nécessaire. Le manque d’essence et des ratés de shifter permettent cela dit de baisser de rythme (bon sang que ça consomme, une V4 S!), tout en laissant retomber la température des pneus et du pilote.
L’occasion de profiter d’une inscription en courbe des plus précise et de ce côté placé/calé véritablement top. Ces enveloppes sont onctueuses et les freinages en profitent une fois encore amplement, au point de pouvoir longuement rouler la roue arrière décollée du sol avant de la reposer et de virer sans ambages : l’arrière, même subrepticement en contact avec le sol, parvient à retrouver instantanément du grip. On place une confiance impressionnante dans les V4 SP, toujours prévisibles dans leurs réactions et surtout constants. Reste à s’habituer à leur comportement plein angle après de nombreux tours. Là encore, ils acceptent modérément les faux rythmes, l’entre-deux. Soit on attaque, soit on roule fort ou en dessous de leur potentiel, mais lorsqu’ils sont bien chauds, ils ont tendance à flotter sur l’angle maxi, ne donnant pas toujours de repère quant à leurs limites en provoquant une très légère ondulation. Mais ça tient. Toujours. Conclusion : ces pneus ne souffrent pas l’approximation sur piste, mais ils sont bienveillants et ne changent pas dans leur manière d’aborder une courbe au fil de leur « maltraitance » : ils se calent et vont là où on leur demande.
Niveau usure, disons que 6 sessions piste avec un niveau de conduite intermédiaire et une marge de progression dans les trajectoires et le choix des rapports, permettent de tenir une demi-journée à une journée complète avec un train sans trop limer les flancs ou les épaules, mais en voyant se rapprocher plus ou moins dangereusement les témoins d’usure. Un pilotage plus coulé les épargnera davantage. L’avant résiste en tout cas bien mieux que l’arrière au traitement infligé, en offrant une usure régulière et un aspect lisse et très homogène. Pas d’usure en pointe, pas d’arrachement, il est redoutable. Difficile de dire qu’il a subi le même traitement que le pneu arrière, lequel se marque et s’use volontiers, même si l’on envisage encore 2 arrières pour un 1 avant en termes de remplacement. Gratifiant, certes et la gomme tendre supporte plus de dix sessions. Il ne faudrait pas avoir l’idée de faire quelques tours de plus avant de reprendre la route. Quoique l'on usera bien moins vite la bande de roulement et les zones centrales du pneu. Sur des portions plus droites, ça tiendra encore fort. Du moins sur le sec. D’ailleurs, notre essai routier nous a réservé de très bonnes surprises, y compris sur le mouillé.
Qu’en est-il de la tenue en température apportée par le Cap&Base et la base adaptative ? Cela semble faire ses preuves. Même avec un arrêt aux stands plus ou moins prolongé, même après un arrêt de plus de 20 minutes, on peut reprendre la piste de manière plus ou moins sauvage. Du moins par les températures ambiantes. D’une part le pneu conserve longuement une tiédeur trahissant leur capacité à repartir sans chauffe préalable, d’autre part, en cas de glisse, on sent rapidement les limites… La journée piste touche à sa fin. Il est 16h et il reste largement le temps de rentrer à la maison à moto et par la route.
Sur route
Les petites routes, même, via Sancerre et l’Orléanais avant de rallier la région parisienne. Au programme, près de 400 km et quelques 8h30 en selle, en théorie, avec une Suzuki GSX-S 1000 chaussée en 120/70 et 190/50 et une Ducati Streetfighter V2. Les pneus n’ont que peu tourné sur la piste et il leur reste une belle marge de gomme sur les flancs.
Il est temps d’apprécier leur comportement dans un environnement pour lequel ils sont aussi faits : la route ouverte. Dès lors, on leur découvre un autre visage. Ils ont un toucher de route réconfortant, confortable, velouté, rond et précis et ils affichent une forme des plus favorable à la mise sur l’angle en toute simplicité une fois que l’on évolue sur les départementales. Les routes de montagne seront également un terrain de jeu à privilégier, où leur profil comme leur côté scotché à la route seront un plus non négligeable. Rien ne semble leur faire peur, malgré une petite résistance dans la direction sous les 50 km/h. Un phénomène que l’on notera principalement en agglomération et à froid, avant de l’oublier aussi vite.
Dans les faits, les Supercorsa V4 SP apparaissent supérieurs aux Rosso IV et Rosso IV Corsa en termes de toucher de route. Du fait de leur pression de fonctionnement inférieure, c’est un fait, mais aussi de leur comportement plus prévenant encore. Ils semblent littéralement se plaquer sur la route, offrant un grip des plus appréciable et gommant les défauts majeurs. Comme sur la piste, freinage optimisé et accélérations renforcées s’en trouvent optimisés, sans parler de la capacité à tenir ferme sur l’angle. Enfin ferme, disons plutôt en douceur et en précision. Une douceur qui les caractérise véritablement, comme si l’on avait affaire à des pneumatiques à l’épaisseur de gomme supérieure, une gomme souple et malléable agrippant aux bitumes les plus variés tout en vous faisant un câlin et en vous disant de ne pas vous en faire. Une expérience rare sur route, mais compréhensible au regard des caractéristiques : même avec du SC3, c’est un tendre, un vrai, ce SP. Et la bonne nouvelle, c’est que même lorsque l’on doit rouler droit, que ce soit à vitesse autoroutière ou supérieure, on ne les use pas au carré à vitesse grand V. Le profil se trouve préservé par la bande de roulement plus résistante. Bigomme, donc, quand bien même il s’en défend. Mais qu’en est-il sur route mouillée ?
Au cours de cet essai pneumatique des Supercorsa V4 SP, plusieurs occasions de se rendre compte de ce qu’ils valent en cas de route modérément humide à recouverte d’une fine couche de pluie se sont présentées. Bilan ? Ils tiennent bon sur la bande de roulement malgré l’absence totale de sculpture, mais supportent très mal des passages de black ice (le goudron noir sans gravier), notamment à l’arrière, qui les font instantanément ripper. Au légal, ils supportent bien la route, tant que l’on ne penche pas exagérément ni trop rapidement. Par contre, leurs limites sont d’autant plus difficiles à cerner que l’on a le sentiment qu’ils sont en mesure de tenir et de repousser les limites. Un gros freinage de l’avant sur la Streetfighter V2 (que vous verrez en vidéo) sur un bitume trempé n’aura pas su les mettre à la peine, bien au contraire. La chimie semble jouer son rôle, tandis qu’il n’est pas à redouter de pencher un peu. Et de déhancher au besoin. Alors on n’est pas au niveau de ce que propose un Rosso IV en matière de tenue sur le mouillé sur l’angle, mais ce n’est pas déshonorant ni dangereux si l’on se fait surprendre par une ondée ou que la route se recouvre d’eau. On n’attaquera pas, mais on arrivera à bon port si l’on prend son mal en patience. De fait, je n’ai pas testé les limites hautes sous la pluie battante, mais après avoir glissé plusieurs fois malgré le contrôle de traction Ducati ou Suzuki, la prudence est de rigueur. Une rigueur que connaît bien le Supercorsa V4 SP par ailleurs.
La concurrence
L'essai en vidéo
Conclusion
Chauffe Marcel, chauffe ! Avec au moins 350 km parcourus sur piste et 500 km sur route, cet essai des Pirelli Diablo Supercorsa V4 SP prend une nouvelle dimension. Celle d’un pneu sport particulièrement intéressant, endurant au vu de ce qu’il lui a été demandé, surtout si vous aimez les gommes tendres à souhait et les profils incisifs, mais progressifs limitant considérablement les efforts (pas une seule courbature dans les bras le lendemain, alors que les mâchoires et le cou ciraient pitié). Prendre de l’angle est votre plaisir ? Ne pas vous poser de question sur le sec essentiel pour vous ? Alors vous tenez là de sérieux clients. D’autant plus que son usure apparaît raisonnable au regard de la catégorie. Selon quelques estimations, il serait possible de parcourir entre 2500 et 5000 km sur la route en conduite sportive. Bien entendu, la piste réduira d’autant la longévité, principalement sur les flancs, mais la bande de roulement nous est apparue résistante au kilométrage, même à vitesse élevée. Un bon point.
Avec leur pression de roulage limitée et un profil avenant, une grande capacité à s’adapter à tout type de route et de piste, sans oublier une notion de confort élevée et presque incongrue pour la catégorie, les Diablo Supercorsa V4 SP ne montrent aucune faille pour une utilisation routière autre qu’une prudence nécessaire à adopter en cas de conduite sous la pluie. Idem sur piste, je pense.
Sur piste, justement, son usure comme son comportement dépendront de vos qualités et de votre style. Plus vous serez rapides et fluides, plus vous pourrez leur en demander, mais si vous vous montrez gourmands en enchaînement de sessions, vous sentirez sûrement l’arrière glisser au point de vous encourager à faire une pause. Pause d’autant plus acceptable qu’elle ne les laissera pas refroidir outre mesure du fait de leur technologie de mix de gommes.
Assurément, les Supercorsa V4 SP font carton plein et s’imposent comme d’excellents pneumatiques à la polyvalence éprouvée et dont seule la longévité sera un point à surveiller. N’en demeure pas moins qu’à environ 350 € le train en dimensions 120x70 et 180x55 et avec un pneu arrière s’affichant aux alentours de 200 €, on peut se dire que la qualité a un prix que l’on est prêt à mettre pour passer l’été et se faire réellement plaisir sur piste sans se ruiner. Surtout si l’on est un pilote débutant à intermédiaire. Les confirmés, eux, opteront sûrement pour des Supercorsa V4 SC, à trois niveaux de tendreté de gomme, mais comme nous le disions en préambule, à présent inaptes à la route et plus chers, mais aussi plus spécialisés.
Points forts
- Polyvalence impressionnante sur la route
- Excellentes performances sur piste
- Rapidité de montée en température et la descente lente
- Stabilité redoutable (freinage, accélération, sur l’angle)
- Tarif abordable pour un pneu si performant
Points faibles
- Glisse de l’arrière lorsque chauffe importante
- Peu disert sur les limites plein angle
- Feeling à trouver sous la pluie...
Dimensions du pneu Pirelli Diablo Supercorsa V4 SP
Avant | Arrière |
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Commentaires
Complet et intéressant. Intéressant aussi le feedback sur la V2, je pensais pas que c'était une merguez 😀
10-05-2023 23:21« Si Pirelli recommandait 2,4 bars à l’avant et à l’arrière sur ses Rosso IV, les Supercorsa SP mettent une fois encore leur ADN pistard en avant, avec une pression à chaud (donc en ayant roulé quelques kilomètres) de 2,3 à l’avant et de 2,1 à l’arrière pour un usage routier »
11-05-2023 07:42Comment se fait-il que c’est le pneu qui décide de la pression et non la moto ?
Par ailleurs, n’importe quel pneu sous gonflé accroche mieux non ? (Au mépris du reste)
Jeannot : Chaque pneu dispose de ses propres technologies pour remplir sa fonction tout en restant compatible avec les motos qu'ils équipent.
12-05-2023 08:41La pression est un moyen de gérer la déformation du pneu et de maintenir la tension de sa carcasse (entre autres). Si la carcasse est naturellement en mesure de faire son travail avec moins d'air, du fait de ceinture et de trame à la fois rigides est espacée, on peut fonctionner en usage normal avec des pressions plus basses. Les bénéfices sont multiples.
Temps de chauffe réduit, meilleure empreinte au sol, meilleur confort, bref de nombreux points sont améliorés, mais il faut aussi rouler assez vite pour rendre son profil au pneu et ne pas subir une "lourdeur" à allure lente. Et généralement, l'usure est plus rapide.
Il faut que le pneu soit conçu pour une pression donnée. En effet, un pneu routier, développé pour ne pas s'user et proposant des pressions de l'ordre de 2,5 AV et 2,9 AR n'aime pas voir sa pression descendre en dessous d'une certaine mesure. Il peut alors surchauffer et dégrader/détruire sa structure interne aussi bien que sa gomme. Sur route mouillée, il pourrait aussi risquer, du fait de son côté "à plat", augmenter les risques d'aqua planning. Sur le sec, on pourrait trouver du flou de carcasse du mouvement dans tous les sens, bref... Se mettre dans le décor plus facilement.
Donc, un pneu sous gonflé peut mieux accrocher sur circuit, pour un usage donné et un temps réduit que les conditions d'utilisation piste compensent (la vitesse déforme le pneu), mais sur la route, c'est dangereux. Si je résume. Un pneu sport, hypersport ou piste, lui se contente de pressions d'autant plus basses qu'il est en mesure d'augmenter celle-ci en roulant (la chauffe dilate l'air contenu dans les pneus) ou, comme dit plus haut, dans la mesure où toute sa structure concourt à maintenir un profil et des performances.
Enfin quelque chose comme ça.
Ah ben c’est bien pour ça que je tique sur des pressions conseillées « pour un usage routier » presque 1 Bar en dessous de ce que mentionne ma meule.
13-05-2023 08:49Ça ressemble à des pressions piste pour rouler bien plus vite sur du sec bien propre.
La pression optimale du pneu qui se déforme à haute vitesse c’est pas hyper compatible avec les quelques contraintes sur route. (Mais ça peut être pratique : j’ai pas doublé pleine balle à l’aveugle monsieur l’agent, je respecte juste les préconisations optimales du manufacturier)