Essai moto d'exception Van Veen OCR 1000 Rotary
Une réplique des 70's, pour le meilleur et pour le pire
Moteur à double piston rotatif Comotor de 996 cm3, 100,4 ch, 135 Nm, 292 kg à sec
Il y a un peu plus d'un quart de siècle, les moteurs à piston rotatif semblaient être une tendance pour le deux-roues après la victoire de la Norton RC588 au Senior TT 1992 sur l'Île de Man. Steve Hislop établit alors un record du tour en 121.38 mph dans sa lutte face au futur quadruple Champion du Monde Superbike Carl Fogarty et signe la plus belle victoire d'une moto à moteur type Wankel. Couplé à la domination du team Duckhams Norton en British Superbike en 1994 avec Ian Simpson et Phil Borley terminant 1er et second, Norton a pu penser tirer profit de ces succès pour booster les ventes de sa F1 Sport, mais la société endettée glissait doucement vers la faillite et la production du dernier moteur Wankel sur une moto cessa rapidement. Jusqu'à aujourd'hui.
En fait, il est possible depuis 2010 d'acquérir une moto homologuée propulsée par le moteur inventé par l'ingénieur allemand Felix Wankel. Pour l'histoire, le premier prototype pourvu d'un piston excentrique tournant dans une chambre trochoïdale disposant d'orifices d'admission et d'échappement a vu le jour en 1957 sur une voiture NSU. Mais ce n'est plus le cas de Norton aujourd'hui même si le propriétaire Stuart Garner a développé un prototype de twin-rotor de 700 cm3 pour la course au début de la dernière décennie avant de l'abandonner au profit d'un bicylindre rétro pour les Commando 961.
En fait, la moto à moteur rotary qu'il a été possible d'acheter récemment fut construite aux Pays-Bas par OCR Motors, alors que le propriétaire Andries Wielinga faisait revivre le passé. Dans les années 1970, Hendrik "Henk" Van Veen, un magnat néerlandais, produisit ce qui était de loin la moto de série la plus performante et la plus onéreuse que l'on pouvait acheter, propulsée par le même moteur Comotor de 100 chevaux équipant la NSU Ro80, première voiture de série à moteur rotatif entrée en production en 1967 et la Citroën GS Birotor.
La Van Veen OCR 1000, fut vendue en 38 exemplaires au prix équivalent de 40.000 euros d'aujourd'hui (deux fois plus qu'une BMW R100RS) avant que la société ne ferme ses portes en 1981, signant l'arrêt de la fabrication du Comotor,. C'était l'exemple parfait de cette époque d'excès. C'est ce qui a poussé la décision de Wielenga de construire 10 répliques exactes de la Van Veen OCR Rotary de la fin des années 70 en les commercialisant au prix de 85.000 euros hors taxes (!!), une décision très courageuse ou très stupide, ça dépend du point de vue de chacun.
Découverte
A sa création, l'OCR 1000 affichait des caractéristiques remarquables pour l'époque avec 100,4 chevaux délivrés à 6.500 tr/min par le Comotor de 996 cm3, volume correspondant à celui des chambres des pistons rotatifs et équivalents à 1.693 cm3 sur un moteur "standard" selon la formule établie par la FIM.
Issu de chez Comotor, ce moteur était le fruit d'un joint-venture entre NSU et Citroën. Mais un accord fut passé pour assurer la livraison de 50 moteurs à Van Veen. Installé dans l'OCR 1000, le bimoteur à pistons rotatifs délivrait déjà 60 chevaux à seulement 3.000 tr/min et, en dépit d'un poids de 292 kg à sec, les performances étaient impressionnantes avec le 0-100 km/h réalisé en 3,6 secondes pour une vitesse maximale de 224 km/h. Le 0-200 km/h était de 16 secondes, impressionnant pour l'époque et toujours assez bon aujourd'hui pour une sport tourer, ce qu'était avant tout l'OCR 1000, surtout lorsqu'elle était équipée de son carénage protecteur dessiné par Schurgers.
En s'appuyant sur les documents originaux, Wielinga a renouvelé le stock en utilisant au maximum les fournisseurs d'origine pour recréer 10 répliques exactes de la moto autour des 10 moteurs restants. Une prouesse qu'il est parvenue à accomplir en l'espace de 6 mois avec l'aide de Dirk Knip. Seuls deux changements sont notables : le cadre tubulaire qui a été refait à l'identique par Nico Bakker et les pneumatiques qui sont ici des Michelin Macadam.
De ce point de vue, la Van Veen OCR 1000 n'est pas à proprement parler une réplique, mais bien la reprise de la production du modèle arrêté 30 ans plus tôt puisqu'elle reprend l'essentiel des pièces de l'époque avec ses jantes Ronal en aluminium fabriquées par un fournisseur des constructeurs auto Mercedes et BMW et qui se montraient alors très futuristes alors que le reste du marché reposait sur des jantes à rayons. Autre avant-gardisme de l'époque, la fourche télescopique Koni de 42 mm, les deux amortisseurs Koni à gaz réglable en précharge et le trio de disques Brembo de 280 mm associés à des étriers Brembo à deux pistons, qui avait apparemment solutionné le problème de freinage du prototype.
Le Comotor, pourvu d'un carter humide, d'un refroidissement à huile des rotors et liquide du bloc moteur, d'où l'imposant radiateur, est de son côté réalisé par Ger Van Rootselaar (qui avait racheté les pièces lors de la fermeture de l'usine) avec des joints améliorés, Mazda étant parvenu à résoudre ces problèmes de fiabilité sur les Wankel. La boite de vitesse quatre rapports et son embrayage double-disque à sec a quant à lui été développé et fabriqué spécifiquement par Porsche.
30 ans plus tard, la moto revient dans une version unique mais intemporelle avec une livrée noire et verte, signe distinctif des Van Veen qui arborait aussi les GP 50. Les délais de livraison étaient de trois mois à compter de la commande et le prix comprenait la même garantie qu'à l'époque : deux ans et kilométrage illimité. Seules dix machines ont été construites, rapport au nombre de moteurs en stock.
En selle
La possibilité de faire un saut dans le passé au guidon de cette moto a révélé un savoureux mélange d'ancien et de moderne. Au fil des années, j'ai piloté beaucoup de motos à moteur Wankel, surtout des Norton. Bien que l'apparence visuelle du moteur soit souvent un frein pour les motards traditionnels, je dois admettre que je suis séduit par la fluidité de fonctionnement et la compacité du moteur Wankel (même dans le cas de l'OCR qui équivaut à un twin de 1.700 cm3), mais aussi par la large plage de puissance disponible.
Sur route
En appuyant sur le démarreur, provenant d'un moteur Johnson, l'OCR se réveille et le moteur birotor prend immédiatement vie par l'intermédiaire des deux carburateurs Solex avant de passer sur son ralenti à 1.300 tr/min sans la moindre vibration, mais accompagné de cette sonorité spécifique du rotatif, à mi-chemin entre le cri strident du deux temps et le grondement plus profond du quatre temps... voyez ça comme comme un "trois temps".
Si j'ai déjà piloté la Norton Rotary de 588 cm3, je n'étais pas préparé aux performances du moteur Van Veen dont la capacité est presque deux fois supérieure et l'accélération deux fois plus forte malgré son poids. Engagez le rapport inférieur du pied gauche et l'OCR se lance sans à-coups à partir du ralenti. On bénéficie ensuite d'une impressionnante accélération lorsque l'on ouvre en grand dès 2.000 tr/min, mais sans risque de soulever la roue avant grâce au long empattement de 1.550 mm, ainsi qu'à la lourdeur du moteur (les pistons sont en fonte) placé très bas.
Le Comotor est puissant et rapide, avec une arrivée de la puissance totalement transparente jusqu'à la zone rouge qui débute à 6.500 tr/min. En revanche, on ne trouve pas de rupteur sur le CDI Bosch / Hardig et il en faudrait peut-être un car j'ai à plusieurs reprises été séduit par la souplesse de ce moteur et envoyé l'aiguille au-delà des 7.000 tr/min, sans ressentir de perte de puissance malgré un niveau maximal de 100,4 ch normalement atteint à 6.500 tr/min, associé à un couple de 135 Nm à 3.500 tr/min.
Concrètement, ce moteur est un plaisir à l'utilisation, avec sa bonne dose de couple qui attend chaque changement de vitesse pour ramener le régime hors de la zone rouge. Sur le plus haut rapport, le moteur tourne sagement à 4.200 tr/min à 160 km/h et sur 2.500 tr/min à 100 km/h, ce qui garantit de bonnes réserves de performances amusantes à exploiter et sans vibrations excessives. Grâce à son fabuleux moteur, la moto semble infatigable lorsqu'on attaque, malgré son poids et sa grosse cylindrée. Les changements de rapports sont dans les standards bien que l'on constate des ratés entre les premiers et seconds rapports, enclenchant facilement le neutre. S'il n'est pas "léger" au levier, l'embrayage hydraulique reste facile et précis dans son utilisation.
Freinage
La position de conduite de l'OCR est typique des 70's, droite et confortable jusqu'à ce que l'on atteigne les 140 km/h et que l'on commence à avoir du mal à tenir. Cependant, la position du repose-pied droit est gênante car le carter d'embrayage vient buter contre la cheville lors des freinages et pousse à garder les pieds en canard le reste du temps. Et avec le manque de frein moteur, vous êtes obligé d'utiliser les freins avant et arrière lors des gros freinages. Vraiment, les freins installés sur l'OCR ne sont pas adaptés à une moto aussi lourde et rapide. Il faut serrer comme un cinglé le levier de frein avant et, d'une manière ou d'une autre, trouver comment écraser la pédale arrière. Ce n'est pas une surprise sur une réplique des 70 mais l'OCR freine mal.
Partie cycle
Ce n'est pas le seul point décevant. On peut aussi parler de l'accord des suspensions. Konis fut le fer de lance de l'ère des doubles amortisseurs, mais alors que le cadre Bakker permet de bien guider l'engin malgré le long empattement et la direction très ouverte (29°), la suspension arrière semble dépassée, probablement à cause de ce couple très présent et de l'important transfert de masse à chaque accélération. La fourche relativement simple de 42 mm, avec ses composants internes Koni et son réglage de la compression, semble très rigide. Elle n'aime pas les bosses, mais le poids de la moto permet de calmer le jeu avant que la situation ne devienne incontrôlable. En revanche, on ressent vraiment ce que fait le pneu avant Michelin et c'est d'autant plus important si on veut rentrer chez soi en un seul morceau, surtout avec ce mince pneu de 18 pouces et tout ce poids.
Conclusion
Je ne peux pas m'empêcher de penser qu'Andries Wiesinga est passé à côté de quelque chose ici. Aujourd'hui, une moto avec un moteur aussi fabuleux mérite une suspension et des freins bien meilleurs pour permettre d'exploiter ces performances en toute sécurité. Il aurait fallu équiper l'OCR de suspensions Öhlins et de freins radiaux Brembo modernes pour offrir ça aux acheteurs, surtout à un tel prix ! Au lieu de ça, on peine à exploiter les performances de ce bijou technique qu'est le moteur à cause d'une partie cycle datée qui n'est pas au niveau, c'est du gâchis. Reproduire la moto sous sa forme originale est une chose, mais y inclure toutes les faiblesses de l'époque alors que celles-ci peuvent être corrigées est une erreur.
Mon essai a confirmé que l'OCR était en avance sur son temps en termes de concept et de performances, mais les freins et la suspension old-school empêchent de profiter pleinement de cette expérience.
Points forts
- Un moteur exceptionnel
- Une pièce d'histoire sortie des 70's
Points faibles
- Freinage
- Suspensions
- Ergonomie
- Tarif
Commentaires
Le design était tout simplement fabuleux...
16-08-2019 12:17Simple et fonctionnel comme on savait le faire a l'époque.
A part quelques trop rares exceptions on se demande si les motos actuelles sont faites pour enmener des passager ou les décourager tellement la place qui leur est dévolue est devenue spartiate...
Soit la plupart des constructeurs sont devenus très cons sur ce sujet, ou les assureurs voire les frabricants de voitures les ont encouragés sur cette voie.
Hum,des constructeurs très cons je ne pense pas que ça existe.
Purée, heureusement que c'est récent, feu la Suzuki RE-5 était plus jolie.
16-08-2019 21:01Cette Moto était très en avance sur son temps , trop peut être ...
09-11-2019 16:16Le Van Veen OCR 1000 m'a fait rêver en 1979/1980 .
Pour moi cette machine reste exceptionnelle et intemporelle !