Essai moto électrique Can-Am Origin
Aventurière bornée
Moteur Rotax E-Power, 47 ch et 72 Nm, 129 km/h, 115 km d'autonomie WMTC, 187 kg, 17.599 euros
L’histoire est une source d’inspiration pour le présent. Filiale du groupe BRP, Can-Am en témoigne par son retour à la production de motos, commencée en 1973 à Valcourt (Canada) et stoppée en 1987 pour ensuite concevoir ses trois roues Spyder. Mais point de moteur thermique ni de moto-cross comme à l’origine; non, la résurrection demande des technologies de pointe pour essayer d’aborder le futur avec sérénité. C’est donc un véhicule électrique qui nous est proposé à Austin (Texas – USA), un trail transgenre bien dans l’ère du temps.
Découverte
Haute, gracile, élégante, la Can-Am Origin évoque assez bien la machine passe-partout du futur. La marque a en effet choisi un style de concept-bikes bienvenu pour une moto technologique. Sa robe, discrète en standard, se révèle plus séduisante dans sa finition « 73 » avec davantage de surfaces peintes. Etroits, les volumes de la boucle arrière profilée allègent encore le dessin global.
À doubles projecteurs, l’optique à prend place dans une tête de fourche aux surfaces épurées, prolongée en carénages latéraux masquant deux radiateurs.
Oui, la machine est refroidie par liquide… ! Batterie, système de charge et moteur compris. Un moyen de fiabiliser la technologie embarquée, assurer une constance des performances, mais aussi d’optimiser le temps de recharge. Plus intéressant encore, la conception châssis-mécanique, quasi identique à celle du roadster Pulse, s’articule autour du bloc de piles. Peint en jaune, symbole d’énergie, il est logé dans un solide châssis aluminium strié d’ailettes. D’une capacité de 8,9 kW/h, il sert d’élément structurel essentiel à la Can-Am sur lequel vient se boulonner le solide treillis acier de la poupe et la colonne de direction. Au-dessus, on trouve le chargeur de 6,6 kW/h et l’onduleur. S’y fixe enfin le bloc motopropulseur associant le moteur Rotax E-Power (20 kW en continu (27 chevaux) et 35 kW (47,5 ch) en crête) au monobras oscillant abritant la transmission par chaine. Dans son solide carter lubrifié, elle est similaire à celle des motoneiges dégageant 200 chevaux ! L’ensemble de cette conception permet de limiter grandement le poids de l’engin : 187 kg prête à rouler. Et avec cette jante arrière dégagée, l’Origin parait encore plus légère.
Pour gérer la machine, six profils régulent la réaction à la poignée (Normal, ECO, Rain, Sport, Off-road et Off-road+). Les deux derniers désactivent l’ABS arrière et l’on peut également annuler le contrôle de traction. Pratique, une marche arrière aide aux manœuvres, mais on ne trouve pas de centrale inertielle sur ce modèle ni de régulateur de vitesse.
Trail polyvalent, l’Origin arbore des côtes en lien avec ses prétentions. On note 1 503 mm d’empattement, 118 de chasse et un angle de colonne très ouvert de 30°. Des valeurs clairement orientées pour un usage hors bitume.
La fourche inversée KYB de 43 mm est hélas dénuée de réglage tandis que l’amortisseur de même origine, monté en direct sur le bras monobras oscillant, s’ajuste en précharge, compression et détente. L’ensemble coulisse sur la valeur élevée de 255 mm.
De jolies rayonnées à chambre en 21 et 18 pouces reçoivent de très typés Dunlop D605 en 90/90 et 120/80. Pour stopper la Can-Am, un mono-disque avant de 320 mm est pincé par un étrier J.Juan à deux pistons et montage axial. L’élément arrière monopiston attaque une frête de 245 mm.
L’Origin affiche une présentation soignée. Montage de ses éléments et son style. Les revêtements plastiques et métalliques sont sans défaut et la Canadienne se montre valorisante. Uniques, des points d’ancrage sont disponibles pour, en option, recevoir de la bagagerie. Nommés LinQ, ils sont le fruit d’une innovation de la marque du même nom, filiale de BRP. Notez que Can-Am garantit ses machines 5 ans et 50 000 km.
En selle
Les moins d’un mètre soixante-quinze auront du mal poser pied au sol depuis l’assise de 865 mm. Mais l’Origin est particulièrement étroite, atténuant l’effet de hauteur. Avec des repose-bottes placés bas et devant l’axe du bassin, la position est conforme au genre trail avec un cintre peut-être encore assez haut. Bon point, le levier de frein est ajustable en écartement par molette micrométrique.
Pour commander l’échassier cybernétique, un large écran TFT de 10,25 pouces regroupe les très nombreuses informations et possibilités de paramétrage et connectivité. Issu de la génération 2024 des trois-roues Spyder, sa réactivité est portant ici bien plus rapide et l’interface plus didactique que ceux des triporteurs, essayés en mai. L’ensemble est clair, plutôt intuitif, tactile à l’arrêt et se pilote au large commodo gauche. On pourra personnaliser au doigt, à tout moment au centre, les infos souhaitées. Bien qu’arborant de nombreux poussoirs et basculeurs, on prend assez facilement ses marques, bien qu’un joystick multidirectionnel eut été plus efficace. Le pouce lutte tout de même un peu avec tous les boutons, notamment pour activer les clignotants. Connecté Apple CarPlay, la large dalle permet d’afficher une navigation GPS et de nombreuses autres applications. On peut surtout ajuster le niveau de récupération d’énergie au frein moteur sur trois niveaux ou le désactiver. Une régénération passive en lâchant la poignée des watts, active en la tournant dans l’autre sens. Le niveau de consommation – en rouge - ou de gain – en bleu - est indiqué en périphérie du cadran droit indiquant la consommation en watt par kilomètre. Enfin, sur le « réservoir », une boite à gants de 0,7 litre loge un port USB-A. Le capot de ce logement et sa commande sont très peu qualitatifs.
En ville
Même avec l’habitude, emmener un véhicule électrique est un moment étonnant. L’absence de trépidation est le plus déroutant, au profit d’une mise en mouvement légèrement sifflante. Heureusement, la force du propulseur électrique compense l’absence de séduction mécanique. En mode Eco, le moteur est très timide et permet sans aucun doute les 160 kilomètres d’autonomie. Mais sans guère de plaisir. La sensation moteur est plus agréable en décélération quand la régénération freine sensiblement la moto. Active, elle se fait alors très présente, surtout à basse et moyenne vitesse, limitant grandement le recours au frein. Équilibrée, l’Origin s’emmène facilement sur les grands boulevards américains, entre les V8 essence et les Tesla, savoureux paradoxe de nos sociétés modernes.
Avec son rayon de braquage correct, la Can-Am est une alliée des centres urbains. Légère, elle se manœuvre avec aisance, mais l’on sent un peu la roue avant de 21 pouces. À l’aise entre les murs, l’aventurière ionisée sait créer d’autres attirances.
Autoroute et voies rapides
Si la puissance est modérée, le couple, lui, est remarquable par sa disponibilité constante. En mode Normal, l’E-Power de l’Origin donne déjà beaucoup d’agrément et emmène sans trainer à la vitesse maximale de 127 km/h. Mais en mode Sport, le ressenti est bien plus dynamique. Les accélérations sont donc soutenues, dopant le caractère de la Can-Am. À cette allure, bien que guère excessive dans l’absolu, la conso, elle, se fait élevé et limiterait la virée à une cinquantaine de bornes. Aux alentours de 100 km/h, l’autonomie est presque doublée sur les highway. Mais l’ensemble reste tout de même assez contraint pour une machine à l’aspect de petite voyageuse. Certes, la firme canadienne présente davantage l’Origin comme une péri-urbaine polyvalente. La réalité physique enfonce le clou. On adopte donc un rythme plus varié en suivant des voies du même type.
Départementales
Can-am voulait démontrer les qualités dynamiques de son Origin et, clairement, on ne s’est pas trainé en mode « faut finir l’essai sans tomber en panne ». Et pour cause… Pour assurer son tracé de 250 km et une heure d’évolutions off-road pour 20 motos, la marque avait chargé une mule. En clair, une unité mobile de charge rapide pour faire le plein de flux d’électron. Pour ce faire, un pick-up de 4,5 L de cylindrée tractait un gros accumulateur de 600 kiloWatts (!) produits par combustion de gaz propane. Une énergie propre selon le staff. Cet accu transférait sa charge à des bornes de régulateurs d’intensité disposés dans une remorque attelée à un tracteur Ford F650 à moteur V8 de 7,3 litres. Puis le courant était redirigé vers un dispositif de recharge disposé dans la benne du pick-up et transmis à la vingtaine de motos simultanément. Impressionnants et efficaces les « Ricains ». Logique pour assurer notre parcours, mais encore et toujours représentatif des contraintes de ce type de véhicule. Pour recharger de 20% à 80%, comptez 50 minutes sur prise rapide de type 3 (240 V), plus de 3 à cinq heures en type 2 (220 V).
Ce Deus ex-machina nous permet ainsi de rouler presque comme avec un thermique, mais en mode on fait trois pauses. En dehors de ces arrêts forcés, l’E-Power relance effrontément la machine et s’apprécie particulièrement en mode Sport. On peut ainsi dépasser sans hésiter sur route et les accélérations consistantes pallient l’absence de sensation mécanique. Avantages de sa technologie, le refroidissement liquide assure la constance de ses performances, en régulant nettement la température de la batterie lorsque l’on roule fort. C’est aussi un gage fiabilité sur le long terme.
La force moteur se dompte sans soucis à a poignée d’accélérateur qui dirige au millimètre les évolutions de la moto. Et l’anti-patinage veille au grain. Autre bon point, la régénération active est assez bluffante et donne un vrai frein moteur au trail. Sur les tristes routes texanes, nous tenions un bon 100 à 110 km/h régulièrement. On consomme alors une moyenne de 75 Watt/kilomètre d’après nos montures. De quoi évaluer les qualités de châssis de notre trail offrant une tenue de route sans défaut. Si l’Origin ralenti sa poussée après 120 km/h, elle se montre très convaincante à tout moment. De zéro à 4 500 tours 72 Nm de couple viennent défier le grip des Dunlop D605, sans soucis. Assez typé tout terrain, ces gommes offraient forcément un toucher de route sans prétention, mais plutôt agréable. Facile à emmener en courbe en dépit de sa roue avant en 21 pouces, l’échassier avouait toutefois des transferts de masses sensibles, logiquement liés aux 255 mm de débattement de ses suspensions. Sur l’angle, la machine tend à sous-virer légèrement à bonne allure. En revanche, le freinage se révèle puissant et progressif, tant à l’avant qu’à l’arrière.
Off-road
Pour faire honneur à ses origines, la moto éponyme se devait de démontrer de bonnes capacités sur terre. Dans une chaleur étouffante, 43°C à l’écran, nous effectuons plusieurs boucles variées, aux virages serrés sur terrain très sec, un peu sablonneux. Le trail électrique canadien convainc encore davantage hors bitume. Il met ici en valeur son équilibre en dépit de masse légèrement portée sur l’avant. Son guidon placé un poil trop bas pourra gêner les plus grands. Mais cela n’obère en rien le plaisir des évolutions. L’Origin se contrôle facilement aux gants et aux bottes bien que celles-ci ne soient pas tout à fait dans l’axe des jambes, un tantinet écartées par un habillage plus large au-dessus des repose-pieds. Excellent, le rayon de braquage aide à aux manœuvres. Dynamiques, les modes off-road shuntent l’ABS arrière, mais il faut penser à désactiver le contrôle de traction. On peut ainsi bénéficier en plein de l’agrément moteur. À nouveau la force instantanément disponible égaye le parcours. On apprécie à nouveau un excellent ressenti de la poignée des watts et du couple, autorisant un parfait contrôle dans les parties plus techniques. La pédale de frein offre un bon contrôle des décélérations et des glisses pour placer la moto en courbe. Avec 274 mm de garde au sol et ses suspensions longue course, le trail encaisse plutôt bien les creux et bosses. Mais on arrive assez vite à faire claquer les éléments sur les réceptions les plus sévères, preuve d’une certaine limite de conception. Traduction 2.0 de ses ancêtres, l’Origin, mais n’est pas une enduriste, mais bien plus un SUV connecté.
Partie-cycle
Équilibrée, rigide, la Can-Am Origin est saine en toute occasion. Mais nous n’avons pas pu tester à fond le trail sur les routes texanes trop chiches en virages.
Freinage
Étriers et régénération donnent une très bonne capacité de freinage. Mordant et progressivité sont au rendez-vous à l’avant et la modulation off-road est très convaincante. La pince arrière lisse opportunément les trajectoires en virage.
Confort/Duo
Le trail est, par défaut, pour les « poor lonesome bikeboy ». L’option « friend » est à 300 euros (selle longue et repose-pieds). Confortable, ergonomique, l’Origin fait le job.
Consommation
Sur notre essai, l'ordinateur affiche en moyenne 75 Watts/kilomètre, soit 90 km maximum si l’on roule normalement. Avec 145 km maxi, en mode Eco à 50 km/h, le trail ne s’éloigne que modérément de son point… d’origine.
Conclusion
Séduisante, polyvalente et convaincante en off-road, la Can-Am Origin coche bien des cases. Fruit d’une maîtrise technologique « in house », sa conception elle-même impressionne. Tout comme son tarif foudroyant de 17 599 € en standard et 19 799 € en version « 73 ». Un prix haute tension qui devrait rendre exigibles poignées chauffantes, régulateur de vitesse, boite à gant verrouillable et béquille centrale. C’est également un prix proche de ceux de motos plus légères et abordables (Zero FXE). En thermique, une Honda NX500 de même performance demande 7 499 €, une Ducati Desert X, bien plus capable en tout, se négocie partir de 17 490 €…
Efficace retour vers le futur, la Can-Am Origin a encore du chemin faire pour vous convaincre de mettre les doigts dans la prise.
Points forts
- Style séduisant
- Technologie performante
- Capacité des suspensions
- Châssis de qualité
Points faibles
- Fourche non ajustable
- Manque d’équipements
- Autonomie dans l’absolu
- Tarif
La fiche technique de la Can-Am Origin
Conditions d’essais
- Itinéraire : routes sinueuses à revêtement variable.
- Météo : soleil, 38 à 43°C
- Kilométrage moto : 250 km + off-road
- Problème rencontré : ras
Equipements de série
- Écran tactile de 10,25 po avec BRP Connect et Apple CarPlay
- Mode de pilotage (Normal, ECO, Rain, Sport, Off-Road, Off-Road+)
- Régénération passive et active
- Marche arrière
- Batterie-moteur à refroidissement liquide
- ABS
- Antipatinage désactivable
- Éclairage à leds
- Navigation via Apple CarPlay
- Levier de frein réglable
- Vide poche avec prise USB-A
- Points d'ancrage LinQ
- Suspensions KYB de 255 mm
Disponibilité / prix
- Coloris : blanc, noir (+1000 €), Version 73 (+2200 €)
- Prix : à partir de 17.599 euros
- Disponibilité : février 2025
Equipements essayeur
- Casque Nishua NTX4-Evo
- Armure Fox
- Jean Vanucci Armalith
- Basket Vanucci VTS
Commentaires
Merci de nous faire partager l’envers du décor en expliquant le barouf mis en place pour les recharges. Une ineptie que je ne qualifierai pas de paradoxe de l’époque mais bien de son ineptie à vouloir vendre du « vert » à tout prix (au sens propre comme au figuré)
02-01-2025 17:57Le non-sens par la preuve ..... Dont la même tare rédhibitoire commence - comme toujours - par un duo prix/autonomie parfaitement ridicule ...
02-01-2025 18:16On peut voir l'ineptie de la charge avec une centrale sur remorque, mais on peut aussi se dire qu'on a une moto electrique qui ressemble à une moto classique, qui semble bien équilibrée, pas trop lourde.
02-01-2025 21:39reste à bosser sur l'autonomie, et ça sera pas mal.
tom4
Y a plus rien à dire … c est le fond du délire .. l ultime bataille contre notre vénérable pétrole est totalement perdue..
03-01-2025 06:38Quand on se remémore les anciens Can-Am à moteur Rotax...on pleure sur l'éc-volution !!!
03-01-2025 08:11Un petit tour et on rentre, pas fait pour la cambrousse.
03-01-2025 11:52Les Can-Am Spyder (les 3 roues) ont toujours des moteurs Rotax. 03-01-2025 14:09
A la limite, une bonne rallonge et on se passe de la batterie et des duex pickups.
03-01-2025 19:32J'ai même pas tout lu,tellement que ça m'intéresse.
03-01-2025 20:22C’est le concept de demain… Aller prendre l’air par 43 degrés et rentrer « au frais » de la clim pour une partie de jeu sur console. Sympa demain !!
Ça valait vraiment le coup de traverser la
moitié de la planète pour aller essayer ça ? 04-01-2025 06:35
En vrai, le concept d'avoir la transmission dans le bras oscillant est vraiment une bonne idée (pour les anglophones, je conseil la vidéo de FrotNine sur YouTube où il essai la moto et explique le fonctionnement).
04-01-2025 14:02Mais comme ça a été déjà dit, un tel prix pour une telle autonomie, c'est du délire. J'avais fais un calcul en essayant de comparer avec une moto thermique similaire et j'avais choisie la CFMoto 450MT. Ben en prenant en compte l'autonomie, le coût en carburant, etc... on avait de quoi acheter une 450MT neuve et parcourir avec pas loin de 80.000km avant arriver au tarif seul de la Cam-Am Origin.
Donc elle risque de faire un flop...
Salut
04-01-2025 19:21Voilà un joli et bon trail électrique.
Alors évidemment, lorsque j'aurai 400 kms d'autonomie, je signe le chèque.
Et comme je n'ai pas l'intention d'acheter un F650...on va attentre un peu...
Après, j'imagine que les conducteurs de chevaux avaient les mêmes réactions que beaucoup ici, lorsque les 1ère voitures sont arrivées
V
" En vrai, le concept d'avoir la transmission dans le bras oscillant est vraiment une bonne idée (pour les anglophones, je conseil la vidéo de FrotNine sur YouTube où il essai la moto et explique le fonctionnement)."
04-01-2025 19:31En vrai, c'est vrai que c'est pas mal, mais c'est à nuancer. C'est pas forcément "bon" d'avoir toujours un anti-squat élevé. Ca peut-être négatif, comme dans les montées cassantes où il faut trouver du grip, l'amortisseur ne marche littéralement plus. D'autres part, le design empêche l'utilisation de biellettes, donc la moto est moins sensible sur les petits chocs et va plus facilement en butée sur les gros.