Essai Brough Superior Anniversary
Anniversaire bling bling
V-Twin à 88° de 997 cm3, 102 ch et 87 Nm, 186 kg à sec, fourche Fior, cadre en titane... 100.000 €
Pour fêter son centenaire en 2019, Brough Superior a lancé la production en France de son édition limitée Anniversary, un modèle sur base de SS100 mais qui ne sera fabriqué qu'en 100 exemplaires avec le prix de l'exception. Car l'Anniversary est commercialisée pour la modeste somme de 100.000 €, un montant qui peut paraître élevé mais pas pour tout le monde car la marque en a déjà livré 48 exemplaires et il n'y en a plus que 38 disponibles à la vente selon Thierry Henriette, le patron de Brough. Une raison de plus d'accepter le privilège de l'essayer et d'éviter plus que jamais de s'en mettre une à son guidon.
Découverte
La Brough Superior Anniversary est essentiellement une version accessoirisée de la SS100 qui avait marqué la renaissance de la marque. Son moteur V-Twin DOHC à huit soupapes de 997 cm3 est désormais conforme à Euro 4, avec quatre silencieux obliques tronqués et séparés qui, selon son PDG sont plus là pour le look que pour la performance. En outre, le modèle anniversaire intègre une vaste sélection d'équipements et de pièces spécifiques, tous réalisés en interne par Brough dans de l'aluminium taillé dans la masse, ceci allant des doubles bouchons de réservoir au triple té en passant par le cache et le capot du phare avant jusqu'aux flancs de radiateur et aux plaques qui ornent la moitié inférieure du réservoir de 14 litres et de la selle monoplace.
Les jantes de 18 pouces à 5 branches très distinctives de l'Anniversary sont taillées dans l'aluminium avec des dimensions de 3.50" à l'avant et 4.50" à l'arrière, le tout chaussé de pneus Michelin Pilot Road.
Cette version est d'autant plus exclusive qu'il n'y a toujours pas de place pour un passager, même si le PDG confirme qu'une Alpine Grand Sports biplace sera la prochaine production à rejoindre la SS100, la Pendine et maintenant l'Anniversary.
Le côté clinquant est tel que vous aurez besoin d'une visière teintée pour piloter la moto en plein soleil, comme j'ai pu le faire durant cette journée où j'ai profité de la visite de l'usine toulousaine pour cet essai. Car oui, l'usine est en France et c'est elle qui fabrique aussi bien le moteur que la moto.
Le moteur bicylindre en V de 997 cm3, à refroidissement liquide et mesurant 94 x 71,8 mm, est utilisé comme élément porteur du châssis, avec le cadre supérieur en titane boulonné aux culasses pour permettre le travail de la suspension avant. Compressant à 11:1, ce bloc à huit soupapes avec double arbre à cames en tête délivre une puissance annoncée de 102 chevaux à 9.600 tr/min avec un couple de 87 Nm à 7.300 tr/min tout en respectant Euro4. Cependant, comme pour la SS100 et la Pendine, il est possible de commander une version uniquement homologuée pour la piste, capable alors de sortir 130 chevaux et 120 Nm.
Il n'y a pas beaucoup de grognement sur cette version homologuée route. Il faut donc jouer de la boîte de vitesses à six rapports pour que le V-Twin continue de tourner et que l'Anniversary s'anime. Travailler avec la boîte très facile reste une partie de plaisir, y compris en ville ou en interfile. C'est vraiment une conduite très agréable... si l'on parvient à oublier un instant le prix de la moto.
Les freins de la Brough Superior sont également à l'avant-garde avec pas moins de quatre disques flottants en composite céramique / aluminium de 230 mm, avec deux paires de chaque côté, chacune étant pincée par des étriers radiaux Beringer à quatre pistons dotés de plaquettes en métal fritté capable d'arrêter cette moto de 186 kg à sec et à la répartition équilibrée (50/50).
En Selle
"Ma" moto était la N°87 sur 100, elle a donc été construite en avance, car son propriétaire voulait obtenir le numéro de châssis correspondant à l'année de naissance de son fils ! Quand on peut, pourquoi se priver ?
Les épaisses poignées métalliques de l'Anniversary tombent bien en main et ne sont pas aussi glissantes que ce à quoi je m'attendais. Associées avec tous les éléments métalliques de la moto, elles aident à conférer cet aspect massif à l'ensemble, avec des détails très soignés comme les maîtres-cylindres de frein et d'embrayage qui ajoutent encore à l'impression de qualité. Même la clé est une oeuvre d'art.
On retrouve quand même un câble d'accélérateur à l'ancienne. Il n'y a donc pas de choix de mode de conduite comme avec un ride-by-wire. Ceci n'empêche pas que la cartographie d'injection Synerject dans les bas régimes soit vraiment excellente, avec une alimentation instantanée offrant une reprise en douceur papillon des gaz fermée et une accélération linéaire lors des reprises. Même sans arbre d'équilibrage, les vibrations restent minimes, probablement grâce à l'ouverture à 88° choisie pour permettre un cadre plus compact en économisant 30 mm sur la partie supérieure des cylindres. L'ensemble est encore plus raffiné que sur la Pendine Sand Racer qui était pourtant déjà bien réglée.
Essai
La conception de la fourche présente plusieurs avantages, notamment la séparation des fonctions de direction et de suspensions, de sorte que la fourche ne se verrouille pas lorsque l'on freine brusquement dans un virage sur l'angle. La suspension est également mieux adaptée grâce à son amortisseur entièrement réglable qui réduit le transfert de masse et maintient une géométrie de direction constante, les bras rigides permettant à la roue avant de ne débattre que sur un plan purement vertical, même avec le plus fort freinage possible.
Les dernières modifications apportées par Henriette & Co. sur le V-Twin à 88° l'ont rendu encore plus précis et facile à contrôler que sur la Pendine, déjà excellente à ce niveau et avec une sonorité identique à celle que j'avais piloté au moment de sa mise en production. Sur l'Anniversary, il y a toujours beaucoup de couple et de puissance, mais leur arrivée se fait plus facilement. La reprise, papillon des gaz fermés, est également plus douce qu'auparavant sans pour autant se montrer feignante alors que le moteur passe proprement sur le rapport supérieur sans aucune trace de transmission alors que l'aiguille continue de progresse vers la zone rouge à 5 chiffres sur le compteur peu lisible, qui lui ne s'améliore toujours pas, malgré les 100.000 € demandés pour la moto. Pendant que j'en suis en reproche, parlons aussi des boutons de démarrage et des clignotants qui restent trop petits pour être utilisés avec des gants. D'ailleurs, aucune jauge de carburant n'est présente, seul un témoin lumineux...
Par contre, la boîte à six vitesses fonctionne parfaitement avec un neutre désormais facile à trouver et un embrayage dont la légèreté au levier est plus qu'acceptable pour un tel niveau de couple et de puissance. Cela en fait une moto agréable en ville, surtout avec sa position relativement droite qui aide à voir loin devant soi (il y a un vaste choix de guidons pour que chaque client trouve son bonheur).
Et quand vous mettez les gaz, préparez-vous à être surpris ; l'angle à 88° n'est pas si loin des L-Twin à 90° de Ducati et les dimensions de 94 x 71.8 mm quasi identiques aux 94 x 71.5 mm du Desmodue des 1000DS. Pourtant, l'Anniversary ne sonne pas comme une Ducati, mais plus comme une Aprilia RSV1000 avec son V à 60°. Une sonorité plus aiguë et saccadée sortant de ce quatuor de silencieux à 1.400 tr/min au ralenti. Le moteur incite également à monter dans les tours alors qu'un surplus de puissance fait son arrivée dès 6.000 tours jusqu'à la zone rouge.
L'Anniversary permet de bien conserver la trajectoire sans que la fourche ne dévie au freinage et sans risque de collision entre la roue et le moteur. De plus, le poids non suspendu est réduit, permettant un meilleur accord de suspension et une esthétique épurée. La fourche Fior offre aussi la possibilité de régler immédiatement la géométrie (chasse, angle de chasse, empattement, garde au sol et répartition du poids) ainsi que des réglages plus précis de la suspension, même par rapport à la plus sophistiquée des fourches télescopiques. Ajoutez à cela un rapport rigidité/poids du train avant bien supérieur à celui d'une fourche conventionnelle.
Comme sur toutes les Brough modernes, on peut rapidement faire l'expérience de ces bénéfices sur l'Anniversary alors qu'il devient presque une seconde nature de freiner fort et tard dans le virage sans craindre de bloquer la direction. On peut voir le té supérieur bouger de haut en bas lorsqu'il travaille à absorber les irrégularités de la route, mais sans vraiment en ressentir les effets physiques. Par ailleurs, Henriette a conservé juste ce qu'il faut de plongée pour permettre aux motards non habitués à ces trains avant non-conventionnels de sentir que la moto ralentit lorsque l'on serre le levier avant.
Partie cycle
Ce qui saute immédiatement aux yeux parmi les nombreux éléments de ces Brough modernes c'est la suspension avant de l'Anniversary qui associe une apparence rétro à un design moderne. Elle s'appuie sur le système de fourche type Fior qui avait fait ses preuves en endurance et en Grand Prix à la fin des années 70. Il y a ce rappel constant que vous pilotez quelque chose de complètement différent en matière de suspension avant lorsque la bulle teintée monte et descend devant vous à mesure que l'amortisseur Kayaba entièrement réglable absorbe les irrégularités de la route. Malgré son empattement de 1.530 mm, l'Anniversary se montre plutôt à l'aise dans les changements de direction, sans besoin de réaliser un effort supplémentaire au moment d'inscrire la moto en courbe. La conduite inspire confiance et tout semble bien contrôlé avec une bonne qualité de tenue de route grâce au débattement arrière de 130 mm (120mm à l'avant).
Freinage
Les freins fonctionnent bien et ne se montrent pas excessifs dans leurs interventions. L'utilisation d'un aussi grand nombre de disques n'est donc pas de trop d'autant que la réduction du poids en rotation aide à garder une direction précise, autant qu'elle sert le look de la moto. Ce qui, au premier coup d'oeil, pourrait faire penser à un tambour des motos d'hier n'en est clairement pas un. C'est même plutôt l'inverse, de par sa configuration pratique et qui pardonne. Vous pouvez prendre les freins avant une fois sur l'angle et bien engagé en courbe et la moto ne va ni se coucher ni tirer tout droit comme le feraient d'autres machines sportives dont la géométrie de direction est imparfaite. Et l'ABS Continental MK100MAD à deux canaux fonctionne bien, sans intervenir trop tôt sur l'asphalte lisse réchauffé par le soleil. Ca fonctionne juste quand il faut et pas de façon intrusive. Good job, messieurs...
Conclusion
Brough Superior a su créer une édition anniversaire de cette moto centenaire dont la présence visuelle correspond parfaitement aux capacités dynamiques et au plaisir de pilotage une fois à son bord, si vous parvenez à ne pas vous focaliser sur tous ces zéros sur l'étiquette de prix.
Regardons les choses en face, c'est une moto qui ne séduira que quelques motards pour qui exclusivité et snobisme comptent plus que le plaisir dynamique. Ma Brough moderne préférée reste la Pendine propulsée par le même moteur et ne coûtant "que" 60.000 €. C'est presque une bonne affaire par rapport à l'Anniversary et ses 100.000 €. En tant qu'ancien propriétaire d'une Brough Superior (avant la flambée des prix aux enchères), j'aurais apprécié pour rejoindre à nouveau le club Brough, mais je vois mal comment cela pourrait arriver ! Enfin, on peut toujours rêver...
Points forts
- Un moteur encore mieux réglé
- La fourche Fior
- Le freinage
- La qualité générale
Points faibles
- Le compteur peu lisible
- Ergonomie des commodos
- Le tarif démesuré
Commentaires
Photo 7 et 8:
04-10-2019 10:05Sur une brêle à 100 000, c'est quand même très con d'avoir mis les hublots de contrôle des liquides du côté opposé au pilote...
A part les jantes, j'adore !
04-10-2019 13:22Autant j'aimais bien les Boxer Bikes, que ça je trouve que c'est un truc a blaireau très friqué...
04-10-2019 19:44Pfouh ces jantes hideuses...
05-10-2019 22:00Je trouve qu'elle fait clinquante comme ça, et les silencieux du haut cassent sa ligne.