Essai Yamaha Fazer 1000
Arrivée en France au début de l'année
2001, la grande soeur de la FZS 600 Fazer est disponible chez les
concessionnaires depuis mars. Trois mois plus tard, elle entre au "top 10"
des immatriculations de plus de 125cc en France.
Un an après l'apparition de la nouvelle Bandit 1200 S, elle marque la volonté, chez
Yamaha, de répondre rapidement et efficacement aux évolutions du marché Roadster
(tendance GT, look, cylindrée).
Comme pour la 600, revue en 2000, rien n'a été laissé au hasard et la qualité est au rendez-vous. Mais le constructeur en fait payer le prix : 69.990,00 francs pour le lancement du modèle et près de 72.000,00 francs par la suite. Un écart plus que conséquent avec ses principales rivales qui donne un sérieux avantage à la Suzuki.
La belle en vaut-elle la chandelle ?
Coup d'oeil :
La 600 Fazer souffre d'un design exclusif : lignes anguleuses, semi-carénage atypique. On aime ou on aime pas. Pourtant ce qui aurait pu être un handicap sérieux n'a pas nuit aux ventes du modèle. Le caractère joueur et sportif du moteur et le comportement routier excellent ont su convaincre.
La FZS 1000 ne se contente pas d'apporter à son propriétaire 399 cc et 4,6 kg-m de
couple en plus. Les designers de chez Yamaha ont sérieusement revu leur copie : gommer
les points faibles de la 600 et répondre à la concurrence par un stylisme accrocheur.
Dès le premier regard, on apprécie le subtil cocktail sport - tourisme - roadster. Une
performance appréciable quand on connait l'évolution de la clientèle Roadster.
Trois couleurs "unies" sont disponibles : Le noir, le rouge et le craquant
"Deep Purplish Blue Metallic", voyant mais pas trop et symbole de la marque pour
2001 - 2002.
Deuxième "bon point", le réservoir : Il conserve la ligne générale de celui de la 600 mais les angles ont été nettement adoucis et sa hauteur augmentée. L'angle de pente face à la selle est plus grand et cette dernière remonte un peu à l'avant. Outre l'esthétique bien plus appréciable, ces différences améliorent sérieusement la sécurité de l'entrejambe au freinage et le confort du conducteur. Deux points encore renforcés par le grip de selle inexistant sur la 600. L'habillage arrière est affiné et reprend les deux feux ronds de la R1. Le sentiment de fluidité est accru par l'adoption de poignées passager latérales profilées et peintes.
Guidon et rétroviseurs noirs, bien placés, contribuent à l'homogénéité de l'ensemble. Le guidon ouvre un peu large et haut au-dessus du réservoir, non sans rappeler au pilote celui d'un gros trail. Sur ce point, c'est clair, Yamaha a opté pour le confort.
Sous le réservoir, le superbe bloc YZF R1 modifié teinte "alu brossé" est bien visible et s'intègre parfaitement dans le berceau du solide cadre tubulaire gris métallisé fait sur mesure. Le quatre en un d'origine est très bien positionné et respecte la ligne de la moto.
Le radiateur d'une surface respectable se fait discret et semble bien protégé par un garde-boue avant mieux dessiné que sur la 600.
Elle ne fera peut-être pas
l'unanimité, mais la Fazer 1000 bénéficie incontestablement d'une ligne moderne et
plaisante, ainsi que d'une remarquable homogénéité. Prise en main :Moteur au repos, on enjambe facilement la moto. La béquille
latérale permet une bonne inclinaison ; un point appréciable par rapport à sa petite
sur.
En selle, on sent que l'on a affaire à un "cube". L'assise est large et
confortable, mais relève les jambes, ce qui pourra gêner les petites tailles. En solo,
l'arrêt devient acrobatique en dessous des 1m68. Lors de notre test, nous avons jugé -
sur pièce - la hauteur juste acceptable pour une femme expérimentée de cette taille.
La position est plutôt droite (un pilote d'1m80 incline de 15 à 20° vers l'avant avec
les bras souples). Comme sur la 600, poignées et commandes tombent naturellement sous les
mains.D'emblée on se sent à l'aise sur la Fazer 1000. Les 235
Kilos avec le plein donnent une sensation d'équilibre et de stabilité et non de
lourdeur. A l'évidence, la répartition des masses a été soignée. La selle propose ce
qu'il faut, où il le faut et bénéficie d'un gaufrage antidérapant.
Le tableau de bord, très complet, fait face au regard, bien abrité sous la tête de
fourche. Les chiffres du compteur de vitesse sont vraiment petits, mais restent lisibles.
La générosité des équipements fait vite oublier ce défaut : horloge digitale sur le
compte-tours, double partiel au compteur, jauge de carburant et témoin lumineux de
réserve, témoins de température d'eau et de niveau d'huile, autotest électronique,
aiguilles oranges sur fond rétro-éclairé vert.
Côté commandes, on retrouve la dotation de la 600 avec les judicieux feux de détresse
et un starter facile à doser. Tout est souple et silencieux.
La béquille latérale rentre et se met en place sans difficulté. Un petit essai de la
centrale me donne du baume au coeur : ça lève tout seul ! et pourtant je n'ai vraiment
rien d'un sumo.
Comme il est temps de passer aux choses sérieuses, nous faisons un dernier tour en pliant
les jambes (c'est mieux pour les vertèbres). Les roues sont chaussées en Metz 4 (120/70
à l'avant et 180/50 à l'arrière), un pneu sans histoire et sans plus. Méfiance de
rigueur durant les premiers cent kilomètres, surtout sous la pluie ou le duo pneu
arrière / couple pourrait surprendre. Les freins sont ceux de la 600, hérités de la R1
(double disque à l'avant et simple à l'arrière), mais avec des plaquettes plus dures.
On est en confiance. Les reposes pieds, bien placés, sont habillés de caoutchouc tant
pour le pilote que pour le passager. La commande du frein arrière est généreuse, le
levier de vitesse classique. Rien ne dépasse tout a visiblement été pensé
sérieusement dès la conception initiale. Les supports en alu des cales-pieds arrières
offrent des points d'attaches pour sangles et fixations, de même que la partie
postérieure des poignées latérales. Sous la selle, la place est spartiate, mais on case
le U dans son emplacement dédié, une sur-combinaison pluie, des gants légers de
rechange et le carnet d'entretien.
La garde au sol laisse de la marge, on pourra attaquer sur l'angle sans complexe.
Je remonte en selle. La centrale rentre sans histoire. L'engin se manoeuvre facilement
sans moteur, à la hanche ou en canard.
Dernière remarque avant de mettre le contact, la bulle de protection semble modeste pour
un roadster "S" ; à suivre ..
Contact, autotest d'une seconde et demi, starter avancé d'un quart et on
lance le démarreur. Les quatre cylindres répondent présents. Après une petite minute,
l'aiguille du compte-tours décolle. Un coup de gaz à 3/4000 et sus au starter. Le
concessionnaire m'a recommandé de laisser chauffer au start' jusqu'à la mise en route du
ventilateur. Ce dernier est apparemment programmé pour signaler que tout est OK (côté
moteur évidemment) pour rouler. Je reste encore un peu au point mort : pas de vibration
intempestive, le ralenti est stable et discret. Deux nouveaux coups de gaz pour le vote
"son" de l'équipe. Comme la 600, le son est rageur, mais il a plus de coffre.
Unanimité : C'est mélodieux et discret.Je passe la première et me laisse tirer doucement par le couple jusqu'au
stop de la nationale 90, 30 mètres plus loin. A petite allure, dès les premiers tours de
roues, c'est stable et facile à manier.
Du coup, plutôt que d'enfiler le bitume, je traverse sur le parking (herbe et gravillons)
pour une séance maniabilité. Debout sur les cale-pieds, selle coincée entre les genoux,
j'envoie le guidon en buté d'un côté, puis de l'autre et sollicite quelques arrêts à
l'équilibre. La première est un peu longue pour cet exercice, mais en compensant à
l'embrayage la Fazer confirme : c'est un régal d'agilité. J'aurais aimé avoir un engin
pareil quand j'ai passé mon permis en .. hum.. juste avant l'ouverture de la bande FM aux
radios "libres", un peu après la disparition des dinosaures.
La boîte est un poil ferme sur la première, mais l'embrayage ne colle pas. La poignée
des gaz permet un dosage fin et progressif, les freins sont faciles à contrôler, ce qui
est préférable avec l'équipement de la R1.Bref contrôle des pneus, et me voilà sur la nationale. Sur les lieux de
l'essai, cette dernière offre tout d'abord une série de lacets à 170°. Le revêtement
est propre et la visibilité très correcte.
La conduite consiste donc en un enchaînement d'accélérations et de freinages forts
ponctués par l'enroulement de chaque virage ; le tout en montée ou en descente.
A ce jeu, la 600 Bandit reste la plus mal à l'aise, nécessitant d'être maintenue haute
dans les tours et ne bénéficiant pas du freinage bluffant de la 600 Fazer. La 1200
Bandit s'avère nettement plus adaptée grâce à son couple ; moins efficace au freinage
que la 600 Fazer, elle refait son handicap en sortie de virage.
La FZS 1000 met tout le monde d'accord en offrant le meilleur
compromis couple - freinage, l'un comme l'autre un peu supérieurs à ceux de la 12 Bandit
S, auxquels s'ajoutent une agilité hors paire et une très grande tolérance aux
imperfections de revêtement ; la suspension est remarquable. Le moteur un peu pointu
demande tout de même de jouer avec les rapports de vitesse.
En conduite tourisme, la 1000 Fazer et la 1200 Bandit font jeu égal avec un avantage pour
la Bandit, notamment en duo et au niveau de la protection.
Le freinage est moins typé sur la 1000 que sur la 600 Fazer. Si l'avant se montre
toujours aussi efficace, il est plus facile à doser. L'arrière est, pour sa part, un peu
plus mordant, son rendement pourra surprendre les habitués de la 600 dont il est
pratiquement impossible de bloquer la roue. On y trouvera deux avantages et pas des moindres : d'une part, en duo, le
passager est nettement moins malmené ; d'autre part il est possible de mieux gérer la
répartition, tant en conduite sportive que sur revêtements incertains.
Après une cinquantaine de kilomètres de route tortueuse, je rejoins la deux fois
deux voies puis l'A46. Sur voies rapides et autoroutes, la Fazer 1000 est à son aise.
Saine, stable et confortable, elle souffre néanmoins de sa bulle totalement inadaptée
aux vitesses élevées (ErMax, par exemple, propose un modèle esthétique et réellement
efficace qui ne dénature pas la ligne générale : achat indispensable pour les
rouleurs). Les rétroviseurs offrent un très bon champ de vision et ne vibrent pas à
vitesse soutenue
.Le couple et la répartition linéaire de la puissance permettent à peu près toutes les
manoeuvres en 6ème dès 80 km/h. En dessous de 120, on pourra solliciter les 5ème et
4ème, voir la 3ème pour une mise sur orbite avec la puissance maximum - 100 CV -
développée à 10.000 tr/min (zone rouge à 11.500 tr/min - 12 Bandit : 100 CV à
8.700 tr/min ; couple maximum 9,5 Kg-m à 4.500 tr/min).
Le Couple est omniprésent dès 1.800 tr/min, et atteint sa valeur
plafond de 10,8 kg-m à 7.500 tr/min. Concrètement, cela se traduit par une
accélération très franche de 3.500 à 8.000 tr/min (3,3 s de 0 à 100 km/h),
puis forte de 8.000 à 11.000 tr/min. Les 130 km/h sont maintenus aux environs de 5.700
tr/min en 6ème.
On a toujours de la ressource pour les dépassements ou les évitements. Le moteur, à
l'instar de la partie cycle et des freins, contribue au sentiment de sécurité et de
facilité que procure la moto.
La 12 Bandit est mieux servie sur les bas et moyens régimes avec un couple moins
important mais disponible plus rapidement et une puissance maximum égale libérée
1.300 tr/min plus bas.
Lors des tests, il a fallu aligner 230 à 280 kilomètres, suivant le type
de conduite, pour voir s'allumer le témoin de réserve. L'autonomie totale en utilisation
tourisme est supérieure à 300 kilomètres avec les 21 litres du réservoir. Le plein se
fait sans encombre, à condition de ne pas ouvrir la pompe en grand et de doser sur la
fin. La consommation moyenne de 6,5 l est appréciable.
De nuit, les phares, en très net progrès par rapport à la
600, offrent un bon éclairage. La surface plus ample, le double code, et les réflecteurs
efficaces contribuent à ce résultat. On remarquera que l'abandon par Yamaha du feux de
croisement unique (ou borgne) renforce l'esthétique et la visibilité de la moto le jour.
Les Bandit S conservent néanmoins l'avantage après la tombée du jour.
Le confort du pilote est appréciable, mais il n'est pas toujours évident de trouver les
marques pour ses jambes contre le réservoir. Les suspensions offrent un compromis
excellent et sont réglables selon la charge. La selle ne m'a laissé aucun souvenir
déplaisant contrairement à celle de la 600 Fazer, glissante et dure. Les cale-pieds sont
plus en arrière que sur le 12 Bandit et c'est mieux.
Côté passager, les avis sont partagés. La surface de
selle, son grip et son épaisseur sont à même de satisfaire tout le monde. Les poignées
latérales offrent une prise agréable et naturelle ; pourtant elles déroutent lors des
accélérations et des freinages forts. Trop en avant (dans l'axe du passager) elles
rendent plus compliquées les compensations. Les cale-pieds ne sont pas trop hauts et la
position des jambes est, à taille égale, sensiblement la même que celle du pilote (+1,5
cm aux pieds). Du côté de l'échappement, on apprécie le repose talon de protection.
Certes le confort n'est pas idéal, mais la 1000 Exup se défend sur ce point. La 600
Fazer est nettement en retrait, les Bandit S sont plus confortables.
Conclusions :
Il y a deux façons de conduire cette Fazer : tourisme, en privilégiant le couple et les
moyens régimes (entre 2.000 et 7.000 tr/min), ou sportive, à l'attaque et plus haut dans
les tours. J'ai entendu et lu ici ou là que la Fazer 1000 était une sportive déguisée.
Ce n'est pas exactement mon avis : c'est un roadster moderne polyvalent offrant, comme la
Bandit 1200 S, ce que l'on attend de ce type de machine ; c'est à dire des sensations en
solo (et ici chacun a ses aspirations), un certain confort en duo et sur parcours
prolongés, ainsi qu'une véritable personnalité.
Sa remarquable maniabilité et son couple en font également une moto très agréable en
ville. Enfin, et pour ne rien gâcher, elle se révèlera effectivement une excellente
monture pour des incursions sur circuits fermés, même si elle ne prétend pas rivaliser
avec l'YZF R1 ou la Suzuki GSX-R 1000 sur ce terrain.
Il est probable que son classement officieux en sportive est dû à sa personnalité : Un
moteur quatre cylindres généreux qui s'envole très volontier dans les tours, une
agilité peu commune pour une 1000 et un design agressif mais sans véritable caractère.
Cette moto est joueuse, sure et agréable, à l'image de sa soeur cadette.
La notion de roadster s'est considérablement élargie depuis la naissance du genre sous
l'impulsion de la Yamaha V-MAX et surtout de la Ducati Monster. On y trouve des routières
sportives taillées pour la ballade et les yeux, des originales au grand méchant look,
des "rétros", des inqualifiables, des fausses ringardes ultra-efficaces, des
bonnes routières, etc.. Les motorisations sont aussi variées que les styles, avec une
prédilection pour les bicylindres en angle côté européen et une offre plus orientée
quatre en ligne d'origine super-sport au Japon.
Pour ma part, j'aime bien me faire vraiment plaisir sans provoquer une émeute à chaque
arrêt "ravitaillement". Mon plaisir n'est en rien lié aux regards des autres.
La polyvalence, le confort et la fiabilité sont mes principaux critères de choix. Les
roadsters "S" japonais répondent parfaitement à ces aspirations. La Bandit,
quelle que soit sa cylindrée ou son type est une véritable légende vivante. Suzuki a su
la faire évoluer et les rivalités avec Yamaha et plus récemment Kawasaki (ZR 7 et ZRX
1200 S), entretiennent une compétition qui nous profite à tous en stimulant des
évolutions fréquentes, tant au niveau du plaisir pur que de celui de la polyvalence ou
encore de la qualité. La FZS 1000 n'est qu'une étape de plus dans ce processus, mais une
fort belle étape.
La Fazer, s'est taillée une solide réputation de moto fiable, particulièrement efficace
et d'un tempérament de feu avec le modèle 600. La grande soeur n'usurpe pas sa place
dans la famille. Elle est plus sportive, la Suzuki Bandit 1200 S plus routière.Choisir
d'acquérir l'une plutôt que l'autre est une décision personnelle, pas forcément facile
pour les nouveaux venus. Un essai complet chez un concessionnaire reste dès lors
déterminant.
On l'aura compris, la Fazer 1000 constitue une alternative
très séduisante. Plus facile que la 600, elle reste néanmoins réservée aux pilotes
expérimentés.
Ces nombreuses qualités justifient-elles son prix de 14.000 francs supérieur à la
1200 Bandit S ? C'est possible.
Mais passer la barre des 70.000 francs sera probablement un frein pour beaucoup.
Quoi qu'il en soit, les deux motos procureront à leurs propriétaires une réelle
satisfaction.
La fiche technique et les courbes puissance/couple comparatives
Un essai réalisé par La Rédaction Robert
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