Génération Yamaha R6
De 1999 à 2017, 18 ans d'histoire et de souvenirs de la bombinette Yamaha
La 600 sportive la plus radicale de l'histoire de la moto
Elle fut la première 600 sportive à dépasser la barre des 100 chevaux ! Rien que pour cela, la R6 mérite une place particulière dans l'histoire de la moto. Car la 600 sportive, M'sieurs-dames, ça a été quelque chose et à un moment, ça se vendait beaucoup. Aujourd'hui, certes, la catégorie est moribonde et certaines 600 sportives se vendent littéralement en comptant les doigts d'une main. Certes, le marché des 1000 s'est effondré aussi, mais pour celui des 600, c'est carrément la bérézina. Franchement, ça ne vous fait pas de la peine de voir Jules Cluzel faire des éclats en Mondial Supersport au guidon d'une 600 CBR dont la conception remonte à l'époque où Brigitte Bardot était encore désirable ? (bon, ok, j'exagère - un peu).
Mais quand même : certes, l'électronique permet aujourd'hui de maîtriser les 200 chevaux d'une 1000 sans se faire satelliser. Mais quand même, les 600 ont des vertus que les motards d'aujourd'hui ont tort d'avoir oublié : la légèreté, la capacité à retravailler des trajectoires, l'exigence de pureté qu'exige la puissance "modeste". Ces sensations pures, la Yamaha R6 les a sublimé par son moteur puissant et rageur, sa partie-cycle précise. Elle vous promettait du sport. Elle a tenu parole.
1999 : le choc
Présentée lors des salons d'automne 1998 et commercialisée début 1999, la Yamaha R6 met une claque aux autres sportives. La R1 vient juste de défricher le terrain, en étant la seule vraie sportive crédible (elle s'oppose à une CBR 900 vieillissante, à des Kawa ZX-9R et Triumph 900 Daytona empâtées et Suzuki mettra deux ans avant de réagir et sortir la GSX-R 1000), la R6 suit le mouvement. Et le choc est d'autant plus grand qu'elle succède à ça :
Mais qu'est-ce que c'est que cette grosse dinde ? Lancée en 1996, la 600 Thundercat était une excellente sportivo-routière. Mais la R6 balaie les compromis : terminé la polyvalence, malheur à celui ou celle qui voudra faire du duo, désormais, va y'avoir du sport !
Yamaha utilise un châssis en aluminium hyper compact (empattement : 1380 mm, angle de chasse de 24°) et parvient à contenir le poids à 169 kilos à sec. De son côté, le 4 cylindres est le premier 600 à passer la barre d'un rendement spécifique de 200 chevaux au litre, avec 120 chevaux à 13 000 tr/mn et évidemment, il est forcément pointu avec un couple de 6,94 m/kg obtenu à 11500 tr/mn. La fenêtre d'exploitation est donc étroite ! Oui, c'est radical et tout est à l'avenant : suspensions raides, ergonomie très typée avec les guidons bien bas et en avant, rayon de braquage de TGV : qu'importe, car à son guidon, on accède à des sensations et à un niveau de performances qu'aucune 600 ne pouvait alors délivrer. Le millésime 2000 sera identique
2001 : feux arrière à LEDs et quelques modifs
Quelques modifs apportées par Yamaha, qui a entendu les critiques concernant le côté creux du moteur et remplace les pistons et bielles par des éléments plus légers pour améliorer la réponse à mi-régime. C'est gentil de leur part, mais la R6 ne se mettait pas pour autant à burner lors des reprises en sixième à vitesse légale.
Parmi les autres modifications, on note l'apparition de feux arrière à LEDs, d'un espace sous la selle, de nouveaux guidons à l'angle un peu plus ouvert pour améliorer le "confort", ainsi que d'une monte pneumatique plus sportive. Le poids, quant à lui, parvenait à baisser de 1,5 kilo. Pour 2002, les seuls changements concernent les peintures, qui laissent plus de place à du blanc sur les flancs de carénage, sachant que la R6 était proposée en bleu ou en rouge.
2003 : injection et nouveau châssis
Plus de chevaux, moins de kilos, c'est ça le crédo des sportives ! De fait, la R6 passe au double régime : slim (elle descend à 162 kilos) et aussi, fast, grâce à un moteur renouvelé à 90 % et qui possède désormais l'injection électronique, tandis que le châssis est complètement nouveau. On retrouve 4 petits phares logés dans le fin carénage à l'avant, des roues à 5 bâtons plus légères. Pour le reste, l'esprit est toujours là : du sport, un moteur explosif.
Grâce à un système d'admission d'air forcée, la puissance grimpe désormais à 123 chevaux à 13 000 tr/mn et le couple, de 6,78 m/kg est généreusement proposé à 12 000 tr/mn ! L'agrément de boîte de vitesse est toujours moyen, mais la R6 dépote vraiment.
2005 : la fourche inversée
Année importante que 2005 pour la nouvelle R6. Certes, le look reste assez proche de celui du millésime précédent, mais c'est trompeur. Bien évidemment, elle s'identifie facilement grâce à l'apparition d'une fourche inversée Kayaba de 41 mm et 120 mm de débattement, qui va de pair avec un nouveau freinage, à base d'étriers et de maître cylindre radiaux et de disques de 310 mm. Les possibilités de réglages sont étendues (la Kayaba peut être ajustée sur 8 niveaux en précharge, 20 en compression et 16 en détente), le train avant est donc nettement plus performant tandis que la R6 gagne aussi en stabilité, avec un empattement qui passe de 1380 à 1385 mm, un angle de chasse de 24 à 24,5° et une chasse de 86 à 95 mm.
Et ce n'est pas tout : ça bouge aussi dans la salle des machines, avec une nouvelle injection, des conduits d'admission revus (passant de 39,6 à 41,6 mm), de nouveaux arbres à cames et des corps d'injection plus grands (de 38 à 40 mm). Résultat : 3 chevaux de plus, toujours obtenus à 13 000 tr/mn.
Enfin, Yamaha se décide enfin à capitaliser sur le phénomène Rossi et une livrée VR 46 est proposée...
2006 : le coup du compte-tours farceur
Cela ne chôme décidément pas chez Yamaha ! Car le millésime 2005 était déjà passablement amélioré et abouti, ce qui ne les empêche pas de revoir la R6 du sol au plafond !
Plus radicale, elle l'est : le design est nettement plus tranché, l'ergonomie encore plus typée course et le (vraiment) peu de polyvalence dont pouvait se targuer la précédente R6 a définitivement disparu : en témoigne le ticket de métro qui fait office de selle passager.
Le 4 cylindres est désormais guidé par un accélérateur by-wire (le premier de série sur une moto) et développe 127 chevaux. Mais surtout, Yamaha réalise un énorme coup de com' avec une zone rouge à 17500 tr/mn, mettant cela sur le compte de l'héritage de la course, d'une course courte et de soupapes en titane. 17500 tr/mn : on est épaté, on est étonné, on est curieux de la passer au banc... Banc qui démontre que la R6 rupte à 15800 tr/mn réels. Joli coup d'intox de la part de Yamaha, qui a ensuite tenté de faire le coup de la marge d'erreur.
Nonobstant, ce n'est pas tout : le silencieux très court, favorise la centralisation des masses, tandis que les suspensions avant et arrière évoluent sérieusement en se dotant de réglages séparés pour les hautes et basses fréquences.
La R6 fut incontestablement une des nouveautés majeures de l'année 2006 et les occasions d'en prendre le guidon furent fort nombreuses. Mon premier contact avec elle eut lieu, fort logiquement, sur circuit et elle se montrait radicale et pas de tout repos, mais capable d'offrir des sensations très épicées, nettement plus intenses que celles délivrées par une Honda CBR 600 RR, par exemple, même s'il fallait se cracher dans les mains pour en sortir tout le potentiel.
Aux États-Unis, la précédente génération de R6 continue sa carrière en parallèle : dénommée R6S, elle constitue une offre plus accessible et de fait, régresse un peu avec le retour d'une fourche conventionnelle (mais en 43 mm) et de disques de 298 mm. Cependant, pour l'amateur ne voulant qu'une moto pour faire des journées pistes occasionnelles, pourquoi pas... La R6S sera au catalogue en 2006 et 2008.
En 2007, justement, la R6 n'évolue que sur le plan cosmétique. A ce moment, la catégorie des 600 sportives est en plein essor, avec des ventes soutenues auprès des jeunes motards. Kawasaki, Honda et surtout Triumph avec la 675 Daytona ont alors de nouvelles propositions. Ce fut donc l'occasion du traditionnel comparatif, avec au programme plus de 1000 bornes de route et une journée de roulage sur un véritable circuit de GP.
Si elle était toujours aussi plaisante à conduire, voire, à piloter, la R6 poussait un peu à l'extrême ce qu'était une caricature de la sportive 600 japonaise, avec un moteur extrêmement pointu, là où la Triumph ouvrait une nouvelle voie, avec son 3 cylindres pas moins performant, mais donnant le sentiment d'être plus utilisable, tandis que son châssis avait la précision d'un scalpel.
Ce qui n'empêchait pas la Yamaha de défendre sa philosophie avec conviction et de démontrer, encore et toujours, un vrai potentiel et un vrai plaisir à ceux qui étaient réceptifs à ses envolées vers le haut du compte-tours.
2008 : encore plus de chevaux !
A l'époque, c'était la règle : les sportives évoluent tous les deux ans. Remettre ça en perspective avec ce qui se passe aujourd'hui, encore plus chez les 600, montre combien l'époque et surtout le marché ont changé. Pour 2008, la R6 dispose donc d'une nouvelle boucle arrière de cadre en magnésium, de petits aménagements cosmétiques. Le moteur dispose désormais de conduits d'admission variables ainsi qu'une nouvelle boîte à air, le taux de compression est augmenté de 12.8:1 à 13.1:1 et la puissance grimpe à 129 chevaux. Cependant, l'injection est retravaillée pour offrir plus de présence à m-régime, avec des doubles injecteurs optimisés pour le rendement vers 6/7000 tr/mn.
Cela, ce sera difficile de s'en rendre compte, car le premier essai a de nouveau lieu sur circuit, en l'occurrence et en ce qui me concerne, le circuit de GP de Welkom (Afrique du Sud) où je travaillais alors. Pour l'anecdote, Yamaha SA avait affrété un avion privé pour emmener les journalistes au départ de Johannesburg (300 km environ), mais le boss du magazine où je bossais n'aimais pas l'avion. Par contre, il avait une BMW M5, débridée (filtres KN, suppression de la puce pour la Vmax et échappement racing avec collecteur et silencieux en Inox et suppression des catalyseurs). On est arrivés avant l'avion avec des pointes à 300, tranquille...
L'ergonomie de la R6 change un peu avec une selle plus en avant de 5 mm. Comme la machine est compacte et que je suis grand, c'est la première fois que je me trouve un poil coincé au guidon, ayant un peu du mal à bouger lors des enchaînements brutaux à basse vitesse... Et pour le reste, l'ADN n'a bien évidemment pas bougé...
2010 : la puissance baisse un peu et annonce la fin d'un cycle...
La modification la plus visible de cette R6 2010 tient dans un silencieux d'échappement nettement plus long, ainsi que dans le museau qui s'arrondit un peu, pour coller avec l'évolution esthétique dont a bénéficié la R1 Crossplane en 2009. De fait, la R6 est censée être plus remplie à mi-régime (quand on compte toutes les années où Yamaha a travaillé sur les mi-régimes de la R6, elle devrait être plus coupleuse qu'une Rocket III !) et la puissance baisse à 124 chevaux... Tout ceci s'accompagne d'un travail sur la boîte à air, les conduits d'admission variables et le mapping de la moto.
Maintenant, prenons du recul et un peu aussi, le temps de souffler car depuis 2010, la R6 végète et se contente d'évolutions de coloris.
Depuis son lancement fin 1998, la R6 a constamment évolué pour rester au top de la catégorie des 600 sportives, voire être le benchmark des machines à délivrer des sensations fortes et à tracer des trajectoire au cordeau sur circuit. La crise de 2008 a été fatale aux 600 sportives. L'augmentation du niveau de performances des sportives fait qu'un constructeur doit quasiment dépenser la même chose pour développer une 600 ou une 1000 sportive, tandis que le marché mondial des sportives est en légère récession (et en très forte récession dans certains pays comme le nôtre), tandis que l'arrivée de l'électronique sur les 1000 fait qu'un pilote moyen arrive à rester sur ses roues au guidon de ces monstres de puissance. De fait, quelle place reste-t'il aux 600 ?
Cette question, Honda, Kawasaki et Suzuki y répondent à leur façon, puisque leur offre en la matière ne passe pas Euro 4. Yamaha a fait l'effort de remettre à jour la R6 pour 2017, pas totalement sur le plan mécanique, mais en lui offrant des éléments de design de la R1 ainsi qu'un package électronique moderne avec un contrôle de traction, un shifter, une fourche de R1
Est-ce que la nouvelle est capable de prolonger la légende avec brio ? On vous dit dès qu'on a la chance de mettre la main dessus...
Commentaires
En 1999 j'ai hésité entre cette R6 et la CBR600F qui faisait peau neuve. Mon c½ur a finalement craqué pour la Honda ...
11-04-2021 17:39Je profite du déterrage car cela confirme ce que je pense (et visiblement ne suis pas le seul): déjà, les 4 cylindres de moyenne cylindrée sont des pièges car à grappiller le moindre poney, il faut taper un compte-tour à 5 chiffres pour avoir l'espoir d'un début de vie.
15-04-2021 09:34Mais surtout, juste, revenons en arrière, et regardons la selle du thundercat. Juste ça, pour démontrer à quel point les constructeurs se sont laissés s'enfermer dans leur jeu de l'extrémisme. Qui a conduit Yamaha à carrément faire de la R6 une machine qu'on ne peut plus immatriculer.
À l'époque, nous avions des supersports 600 et 1000, et quelques hypersports 1000.
Puis cette radicalisation a fait le ménage: si tu ne sortais pas au moins 120ch d'un midsize, ta brêle était considérée comme un poumon indigne du moindre regard.
Sauf que, dans les faits, qui dit radicalisation, dit largeur de clientèle resserrée. Et qui ne se renouvelle pas, car, de génération en génération, c'est devenu trop pour les motards lambda que nous sommes.
Car oui, un Thundercat sur circuit, c'est loin, très loin d'être ridicule… et pouvait être également une daily. Aujourd'hui, quand on voit que un midsize un peu plastifié, c'est 11k, et une 1000, minimum 18k¤, et les assurances qui s'emballent (quand j'appelle la mutuelle des motards, ils assument bon gré mal gré de tabasser encore plus fort en 2021 les motards de motos à bracelets et plastiques, dommage, je vais du coup les quitter après 15 ans de cotisation sans accroc et une idéologie à laquelle j'adhère) peut-on encore multiplier les véhicules?
Cette catégorie des supersports midsize raisonnables et un peu polyvalente semble renaitre (merci les italiens!!!), Aprilia a, il parait, dépassé les objectifs sur la RS de 100% (2 fois plus de commandes qu'escompté), du coup Yamaha essaie de se raccrocher timidement au wagon avec la MT07 carénée, il y a des rumeurs d'une 700 Ninja plus radicale (ça y est, ça recommence) que la 650 actuelle… on verra ce que ça donne.
Mais pourvu que cette course au pire ne recommence pas!
C'est oublier bien vite que cette course à la puissance était dictée par la participation au Mondial Supersport... 15-04-2021 10:31
Heuuu, faut pas exagérer: rien n'obligeait les constructeurs à ne pas proposer une version soft des machines de course. Avoir une gamme composée de la machine standard, et de la machine faite pour passer l'homologation pour participer aux différents championnat.
D'ailleurs, ces séries limitées ont parfois existé.
Les machines de course sont de toute façon optimisées
- moteur dans la mesure de ce qui est permis de faire, parce que on ne cherche pas à avoir un moteur fait pour rouler 5000km entre 2 révisions
- ergonomie générale, pour s'adapter à chaque pilote
Donc bon…
Non, clairement, il ne faut surtout pas oublier que, à l'époque, c'était la course à celui qui sortirait le poney de plus dans les comparos R6/ZX6R/600CBR-R/600GSXR/600-675 Daytona. Parce que on se focalise sur la fiche technique pour faire un classement (c'est toujours le cas, et ne touche pas que la moto) 15-04-2021 10:50