Une moto pour lâcher la caisse

Il y a quelques mois, je me suis acheté une moto dans l'idée de me débarrasser de ma caisse.

Mais ce n'est pas aussi facile

Il y a quelques mois, je me suis acheté une moto dans l'idée de me débarrasser de ma caisse. Mais ce n'est pas aussi facile : c'est quand même bien pratique, une caisse.

Vers le début du printemps, mon concessionnaire chéri d'amour que j'aime m'a fait une proposition que je n'ai pas pu refuser : un authentique Cachalot. Je t'ai parlé de Cachalot, déjà ? Non ? Ooooh... Il va pourtant falloir que tu patientes encore.

Toujours est-il que dans le cahier des charges, il y avait cette ligne (après : fiable, économique et confortable) : remplacer la caisse.

Depuis douze ans, je traîne une berline japonaise banale, fiable et confortable, mais pas du tout économique du haut de ses huit litres au cent en roulant comme un disciple de Sainte Chantal. En outre, son avenir se profile façon François Ravaillac un jour de mai 1610 si la municipalité lance son jihad contre le CO2 (zèdèfeuh wakhbar !).

Par un subterfuge dont la narration n'apporterait rien ici, j'ai effectivement vécu sans caisse ces six derniers mois. Ce n'était pas insurmontable. Cela a eu pour avantage, par exemple, de m'éviter au moins un voyage chez cette enseigne d'ameublement et de décoration intérieure pour prolos pas malhabiles de leurs dix doigts ; j'imaginais avoir besoin d'un nouveau bureau, mais faute de véhicule adapté à son transport, je me suis abstenu. C'est toujours ça de CO2 de moins dans l'atmosphère.

J'ai donc tout fait avec Cachalot, en profitant d'une bagagerie amovible fort pratique et de sa relative aisance à évoluer à peu près partout. J'écris relative, parce que c'est quand même un gros bestiau à déplacer, après Lapin-Lap1 et surtout Berzingue, qui passait à peine le quintal.

Cependant...

Cependant, si toi aussi tu as une caisse, tu sais combien c'est pratique dès qu'il s'agit, par exemple, de te rendre dans un lieu où le sol est meuble. C'est un détail tout à fait stupide, mais faisant régulièrement des sorties en forêt, je me retrouve à béquiller dans du sable, du gravier, de la gadoue fraîche. Même avec une cale pour la latérale, je laisse Cachalot en me demandant si je ne vais pas la trouver, au retour, gisant sur le flanc. Ce qui, au prix du décimètre carré de plastique moulé tel que pratiqué chez mon concessionnaire chéri d'amour que j'aime, serait assurément une mauvaise nouvelle pour mes phynances.

C'est aussi fort commode pour les soirées entre potes. Parce qu'au lieu de répondre :

- heuh... tu as un casque ? Et des gants homologués ? Et un blouson renforcé ? Et des bottes FFM ? Et ton brevet de SDS ?

Je propose, plus simplement :

- On prend ma voiture ?

Le seul moment où Cachalot fait l'exter' à ma caisse dans le dernier virage, c'est quand Agnès me demande :

- On y va à moto ? Tu m'emmènes ?

(ce qui n'est encore jamais arrivé, mais j'ai bon espoir, à force de multiplier les allusions à Moby Dick et aux vertus de la pêche à la ligne en binôme)

Naïf, je me suis initialement imposé quelques contraintes, dont celle du stationnement : je n'ai qu'un box, où je gare Cachalot. La voiture dort dans la rue. Or, ces dernières semaines, on a pu observer un intéressant phénomène nocturne de combustion spontanée de véhicules. Je n'ai pas d'attachement particulier à ma caisse, mais ça me ferait iech' qu'elle finisse de la sorte ; je lui imaginais un destin plus grandiose : braquage Place Vendôme à la Mesrine ; argument percutant dans la vitrine d'une crapule ; poulailler de luxe pour gallinacés choyés.

Las, j'ai fini par braver l'interdit figurant probablement au règlement de copropriété et stationne la bagnole dans la cour, sur un emplacement "visiteurs".

Je lis aussi que la municipalité, digne héritière des (trous) Ducs de Bourgogne, tortille du croupion à la lisière légale de la ZFE. Alors qu'on allait tous mourir -une fois de plus- il semblerait que finalement, l'air dijonnais ne soit pas aussi toxique que le prétendaient certains. Rhooo... Quelle surprise ! Qui aurait pu prévoir un tel retournement de... situation ?

Donc ma caisse patiente, incertaine quant à son destin. Au lieu des économies initialement escomptées, me voici rendu avec le même nombre de véhicules qu'il y a un an. Huit, en comptant toutes les bicyclettes. Ce qui fait un peu beaucoup pour une seule paire de fesses, tu en conviendras.

Mais j'aime bien ma caisse.

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