Le Scrogneugneu Rallye-Raid

Le souk que c'est de mettre d'accord une brochette de quadras et de quinquas

Je ne sais pas qui a lancé l'idée mais voilà : les scrogneugneux de l'usine veulent faire une virée en bécane. Et tu ne peux pas imaginer le souk que c'est de mettre d'accord une brochette de quadras et de quinquas.

- Franchement, ya pas mieux que le Morvan. C'est à deux pas, à midi on s'arrête à Autun pour casser la graine, on est rentrés pour 18 heures, c'est peinard, argumente Fred.

D'habitude, je socialise peu au-delà des portillons de l'usine. Mais là, une balade avec les scrogneugneux, pourquoi pas ?

- Pfff... C'est loin, le Morvan et puis il faut commencer par s'enquiller 40 bornes d'autoroute jusqu'à Pouilly. Alors qu'on file plein sud par la côte et dès Marsannay on est dans les virolos, rétorque Fifi.

- Ouais, mais c'est blindé de touristes dès qu'il y a un brin de soleil et les bleus y font du zèle, répond Fred.

- Vous voulez faire ça quand ?

- Le ouikène de Pâques, vu qu'on bosse pas le lundi, me répond Alain.

- Les deux jours ? je demande.

- Nan, nan, juste le dimanche. On se retrouve kèk'part aux alentours de 9 heures et on rentre avant la nuit.

- Sinon, on peut louer un gîte et faire samedi-dimanche, suggère Fred, de loin le plus aventureux de la bande.

Fifi lève les yeux au ciel. Alain hausse les épaules. Gérald ne dit rien : le plus souvent, il se contente de suivre le mouvement. Proposition rejetée.

- Sinon, on sort les petites, avance Fifi. Par là, il entend les 50, 80 et 125 qu'on a tous au fond du garage. Tous sauf Alain, qui le regarde les yeux écarquillés en se tapant la tempe de l'index.

- T'es pas bien, toi. Et pourquoi pas faire une course de déambulateurs ?

Fifi lui tire la langue :

- Et lui, il va bien venir avec son scoot, rétorque-t-il en me pointant du doigt.

- La dernière fois, c'est probablement pas lui qu'on aurait attendu, vu comment t'arrivais plus à rouler après le dèj', remarque perfidement Fred.

Un silence.

- Bon, sinon, sans dèc', on va où ?

- Le sud. On longe la côte presque jusqu'à Lyon. Les malfaisants rentrent par l'autoroute et les vrais motards remontent par les virolos.

Fred soupire, résigné.

- On fait ça entre hommes ou les SDS sont acceptés ? finit par demander Gérald.

On se regarde. Haussement d'épaules général. Donc chacun fait comme il veut.

-On fait comme la dernière fois ? La station essence de Chenôve à 9 heures pétantes ? demande Fifi. Comme ça on a tous le plein et on n'a pas à ravitailler avant au moins Lyon.

Hochements de têtes autour de la table.

- Faut juste que je m'occupe avant de ma synchro carbu, remarque Fred.

Alain fronce les sourcils :

- C'est pas encore fait ? Pendant la sortie de la Toussaint, c'était déjà sur ta to-do list.

Fred lève les mains, d'un air d'excuse :

- Ouais, ouais, je sais. Pas eu le temps. Mais je vais le faire ce ouikène. Ya un mécano qui peut me prêter un dépressiomètre électronique.

- Je passe chez toi samedi matin, je te filerai un coup de main, assène Gérald, aussi bon technicien qu'il n'a aucune tolérance pour les pannes sur la route.

Un nouveau silence. Tout semble réglé. 9 heures, dimanche, à la station-service.

Jordan s'approche. Il a décroché son permis le mois dernier et roule sur une MT-07 toute neuve. Il a dans les vingt ans de moins que le plus jeune de scrogneugneux (ça doit être moi). Il pose son gobelet de café sur la table. Il hésite une poignée de seconde puise se jette à l'eau :

- Eh ! On ferait pas une virée entre motards le week-end de Pâques ? Ça vous dirait pas ?

Pas un mot autour de la table.

Les motards sont une grande famille, mais...

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