Kronik : Ma 125

J'ai pour ma 125 une affection particulière.

J'ai pour ma 125 une affection particulière. L'une des raisons de ma bonne humeur quand je pars au taf' est la perspective d'une vingtaine de minutes en selle. Tôt le matin ou tard le soir, je poum-poum à vitesse légalo-légale, un sourire tranquille aux lèvres.

C'est une peu comme une Deux Chevaux, pour ceux qui connaissent. Pas un poil d’esbroufe : ma 125 fait exactement ce qu'elle a l'air de pouvoir faire, c'est à dire me trimbaler à presque 90 dans un confort acceptable pour un coût très faible*. Comme la Deux Chevaux elle dispose d'un embrayage semi-automatique (mais sur tous les rapports) qui offre le meilleur des deux mondes : une boîte manuelle, mais pas d'embrayage -ou plutôt deux embrayages, pour être exact. Comme la Deux Chevaux, elle a une boîte quatre, la 4e étant une surmultipliée à engager seulement quand les circonstances s'y prêtent ; dans le doute, rester en trois. Comme la Deux Chevaux, ses performances sur route et notamment sa vitesse de pointe, sont à peine acceptables. Un poids lourd ? Reste derrière. Une légère côte ? Gaffe derrière. Un sans-permis devant ? Prends de l'élan. Mais comme la Deux Chevaux je m'en fous complètement parce que j'adore rouler avec.

Quand j'ai le choix entre la voiture, le Burgman ou la 125, je plus souvent j'opte pour cette dernière quand les conditions de roulage le permettent. S'il n'y avait personne sur les routes, je n'aurais que la 125 -malheureusement, les colleurs au Q et les tête-en-l'air me font souvent hésiter ; le moindre faux-plat ou vent de face et je me retrouve à 80.

Mais que se lève un petit vent arrière et me voilà avec les 10 km/h de plus qui font toute la différence. Je guette le mouvement de la cime des arbres ou des herbes folles sur le bord de la chaussée pour savoir d'où vient la brise. La plupart du temps, je l'ai de travers. Mais quand elle est d'arrière... quel délice de croiser à 100 km/h compteur sans être plein gaz. Aux vibrations, je sens que le moteur peine moins, qu'il trotte presque, sans fatiguer.

Il arrive que se passent plusieurs semaines entre deux utilisations. A ma grande surprise, elle reprend vie instantanément sans même tousser, comme si je l'avais utilisée le matin même. J'ai troqué les affreurtisseurs arrières pour ceux d'une YBR 125 : même longueur, même diamètre de vis de fixation... à croire que Honda avait prévu que la première chose à faire sur une Innova consiste à jeter les ignobles trucs d'origine. J'ai ensuite décalé le kick sur son arbre pour éviter qu'il ne vienne buter dans mon mollet droit en roulant. Enfin, un petit top-case de 25 litres vient utilement seconder le gros vide-poche sous la selle. Je regrette juste l'ampoule de 35 watts des pleins phares, trop légère de nuit en pleine forêt.

La maintenance est un vrai plaisir : 0,7 litre d'huile tous les 4.000 kilomètres, un filtre à air (un poil casse-pieds à sortir, ya un coup de main à prendre) et un jeu aux soupapes de temps en temps et roule ma poule. Vu le poids et la taille du bestiau, je la rentre dans la cuisine l'hiver pour bricoler au chaud.

Je fais le pari que c'est ce type de machines qui continuera à circuler quand le pétrole commencera sérieusement à se raréfier : des utilitaires à la consommation ridicule capables de remplacer la voiture pour presque tout -trimbalage d'armoire normande mis à part ; mais alors, on trouvera à s'en passer.

La raison voudrait que je la vende : je n'ai plus besoin d'un tel véhicule. Et pourtant... Quand je la vois sur sa latérale devant la maison, je mets la raison en veilleuse. J'aime trop ma 125.

* 10 euros d'assurance par mois et deux litres au cent poignée dans le coin

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