Les p'tits nerveux au feu rouge

Ca me fait marrer, les p'tits nerveux au feu rouge

Ca me fait marrer, les p'tits nerveux au feu rouge qui font voum-voum-voum. D'autres font du tam--tam sur leur réservoir. Et moi je me marre.

Au bout de ma rue, arrêté au feu rouge, il y a un type sur une Zède banale. J'ai surtout remarqué son casque tout noir à écran miroir façon "haha, je fais vachement peur, hein ?". Et puis il s'est mis à faire voum-voum-voum avec sa poignée de gaz. Moi j'm'en fous : c'est pas mon essence.

Il s'agite en selle. Il chope son guidon et se met à pomper sur ses suspensions. Il est penché sur l'avant, comme pour vérifier qu'elle fonctionne bien, comme s'il y connaissait quelque chose, en suspensions. Probable que si tu lui demandes comment on règle la compression il va chercher quelque part derrière le tableau de bord. Moi j'm'en fous : c'est pas moi qui passe pour un branquignol.

Il fait du tam-tam sur son réservoir. Je me souviens encore de la tête d'un presque pote qui avait fait ça un soir où on rentrait de Vincennes. Tout fier sur sa moto toute neuve, avec ses gants "racing" tout neufs aussi. Ses gants avec des renforts cloutés en bon gros métal sur la paume ; et scratch le réservoir qui était neuf. Alors je rigole de voir l'aut' p'tit nerveux faire du tam-tam.

Ah ! Maintenant c'est les freins : il tritouille son levier et se penche pour regarder comment ça fait. Arrête ton char, pépère : j'ai fait ce cinoche avant toi, avant que je ne m'aperçoive que c'est avant tout le symptôme d'un évident mal-être. Enfin... tu poseras la question à ton psy. Tu dois faire partie de ces experts qui font "hou, pitain, ça freine !" en tirant sur le levier d'une moto raide neuve dans le hall d'exposition de la concession.

Le petit bonhomme dans la boîte du feu passe au rouge et mon p'tit nerveux passe sèchement la première. Il se remet à faire voum-voum-voum. Moi ça me fait marrer. Ça me fait d'autant plus marrer qu'une rame de tramway approche et qu'il est prioritaire, donc on va rester au rouge encore une bonne trentaine de secondes. Ce qui fait que tu peux tout de suite repasser au point mort, gars. Enfin tu fais comme tu veux, c'est pas ma tendinite -quoique les embrayages, de nos jours...

Vert. Wabada-bada-groaa-vrom-vrom-vrom. Mon p'tit nerveux part gaz presque en grand, avec son Akrapopouët (quoi d'autre ?) pour gagner 0,2 chwô et perdre 1.200 balles -même en Formule 1 ils n'oseraient pas claquer autant de thunes pour si peu.

Tu dois te dire que moi, posé nonchalamment sur Lapin-Lap1, Lapin-Lap1 qui bouffe du T-Max stock sur les trente premiers mètres et abat le zéro à soixante km/h en quatre secondes, je suis resté à sa hauteur tout le long de son exhibition, qu'on s'est arrêtés ensemble au feu rouge et que le p'tit nerveux a arrêté son cirque après s'être fait humilier par un scoobite ?

Même pas. Je les laisse passer devant, les p'tits nerveux. Ils sont bien trop dangereux. Je les laisse embrasser amoureusement le panneau publicitaire à l'arrière du bus ou la bordure du trottoir d'en face quand ils oublient comment ça freine ou que ça tourne, une moto.

Ça me fait juste marrer, les p'tits nerveux au feu rouge. Comme les grands crétins avec leurs grosses voitures qui font vroum-vroum et plein de fumée noire entre deux feux rouges.

Ça me fait marrer parce que je ne suis pas psy -les psys, eux, n’ont pas le droit de se marrer quand un p'tit nerveux découvre des trucs sur l'existence.

Ou peut-être que c'est juste un gars normal tout content de faire un coup de bécane alors qu'il fait beau. Ou qui vient d'apprendre qu'il va être Papa, alors il est tout fou. Ou qu'il a eu sa promotion.

Certains jours, je peux être un foutu rabat-joie, quand je m'y mets.

Plus d'infos sur les chroniques

• Toutes les actualités chronique