Kronik : Les poireaux d'antan

Et quand le mec finit 16e sur 24. Qui s'en souvient ?

Et quand le mec finit, disons... 16e sur 24. Et que c'était en Championnat de France il y a 20 ans. Qui se souvient d'eux ? Qu'est-ce qui reste de leurs efforts ?

J'aime pas Rossi et ses potes. C'est pas un scoop. Mais il y a les autres. Tous les autres sans qui Rossi ferait des ronds sur une piste déserte et ça serait tout à coup nettement moins rigolo -certains même se demanderaient ouvertement : « mais c'est qui, cet abruti ? ».

Prenons un exemple concret. Qui a fini à la 13e place du Championnat de France Superbike 2005 ? Facile : c'était Poireau Douze. Et le 15e du Championnat de France Supersport cette même année ? Re-facile : c'était Poireau-bis Quatorze. Des visage presque anonymes sur des photos archivées au fin fond du ouèbe. Quand on remonte avant, disons, 1998, c'est pire encore puisqu'il s'agit d'archives papier et le papier... pouah !

Je déterrais récemment un vieux vieux Joto Mournal du temps où il était encore en francs et avec des pages en noir et blanc au milieu. La photo est prise sur une piste. Quatre mecs devant une bécane deux temps. Sans la légende, difficile de savoir seulement où c'est. La moto est une deux temps, donc a priori on parle de vitesse et pas d'endurance. Ils sont sponsorisés par une chaîne de supermarchés aujourd'hui disparue que Mamie aimait bien.

Je fais le calcul de tête. Disons que le plus vieux avait trente ans à l'époque. Donc aujourd'hui il est sur le crépuscule de la cinquantaine. Qui se souvient de lui ? A part ses proches, qui peut mettre le doigt sur son visage est s'exclamer : « ah mais oui ! Il faisait de la compète moto en ce temps-là ! ».

Et que lui reste-t-il de cette époque ? Quelques coupes poussiéreuses au sommet d'une armoire dans le garage ? Une plaque à numéros ? Peut-être même une moto sous une bâche qui sent l'essence frelatée. Et quelques souvenirs qu'il bouscule de temps en temps avec ceux qui l'ont connu à l'époque.

Ça me fout la nostalgie, ces photos. Ça sent la déroute et le temps qui passe, comme quand j'avais acheté mon tout premier 45 tours à la Fnac de l'avenue de Wagram aujourd'hui démolie et qui avait été construite sur les ruines de l'immeuble où a grandi mon père et ses frères et soeur. Ca fait comme quand je tombe sur un vieux truc que j'ai écrit il y a vingt ans et que je secoue la tête avec des envies de crier à la feuille de papier : « non ! N'y va pas ! » ou au contraire « mais oui ! Vas-y ! Fonce, bougre d'empoté ! ».

Tu es qui, toi, sur la photo ? Es-tu seulement encore vivant ? Et tes mômes, il leur reste quoi du temps que tu as passé sur les pistes ? Ils se souviennent des allers-retours dans la camionnette qui sent l'essence, l'huile et le barbeuque ? Les innombrables galères et les quelques moments de joie ?

Faut que j'arrête d'ouvrir mes vieux Joto Mournal.

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